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La place de Jésus dans l’Islam

A l’approche de la célébration de Noël, il est bon de rappeler combien Jésus est respecté, reconnu et honoré dans l’islam, qui l’a élevé au rang d’être exceptionnel. Dans le Coran, il est cité 35 fois, 27 fois par son nom et 8 fois comme le Messie. Dans la conscience musulmane, le retour de Jésus est une espérance.

Pour comprendre la place de Jésus (sur lui le salut et la paix) dans l’Islam, il faut aller à la source, revenir au Coran : message divin révélé au Prophète Mohammed (sur lui le salut et la paix).

A l’avènement de l’Islam, il y avait de nombreux sujets de division entre les différentes communautés chrétiennes (les monophystes, nestoriens, priscilliens, ariens…) se réclamant du message de Jésus. Est-il fils de Dieu ? Dieu lui-même ? Quelle place accorder à Jésus ?

Dans ce contexte, le Prophète Mohammed, à travers la révélation coranique, va honorer et réhabiliter Marie et préciser la mission de Jésus.

Dans l’Arabie pré-islamique, deux événements majeurs, en relation avec les chrétiens, marquent le destin du Prophète : le premier, lors d’un voyage avec son oncle Abu Talib en Syrie, à l’âge de 7 ans, Mohammed est reconnu, à certains signes, par le moine chrétien nestorien Bahira. Le second a lieu lors de la première révélation du Coran, au Mont Hira, qui troubla le Prophète, et c’est un chrétien dénommé Warraka, parent de sa femme Khadija, qui lui confirmera sa mission prophétique.

On peut aussi ajouter qu’au cours de la période mecquoise, où les musulmans étaient oppressés, le Prophète Mohammed recommande à ses compagnons d’émigrer vers l’Abyssinie chrétienne avec qui il entretenait une relation cordiale et amicale.

En effet, le Négus, roi d’Abyssinie, avait entendu parler du Prophète et lu les premiers récits coraniques parlant de Jésus et Marie. Ayant été touché par la vénération et le respect avec lequel le Coran parlait de Jésus et de sa mère, il accorda sa protection aux premiers émigrés de l’Islam, malgré la réprobation répétée des Mecquois avec lesquels, pourtant, il entretenait un fructueux commerce.

A sa mort, le Prophète Mohammed réunit ses compagnons et il fit avec eux une prière dans la mosquée de Médine pour le repos de son âme. Un autre événement qui donne à réfléchir sur les relations qui existaient entre les deux communautés. Lorsque la délégation du Najrân (région se situant actuellement au Yémen) arriva à Médine avec soixante personnes et, à sa tête, un évêque pour voir le Prophète et passer avec lui un pacte d’alliance. Voulant prier, ils demandèrent un lieu pour célébrer l’office.

Le Prophète leur suggéra que le meilleur lieu pour prier était sa mosquée : la maison dédiée à l’adoration de Dieu. Et pour la première fois, la messe sera célébrée dans l’un des lieux les plus saints de l’Islam

On le voit, la reconnaissance et le respect de Jésus et de sa communauté existent dès le début de la mission du Prophète. Ainsi, les rapports entre l’Islam et la chrétienté se trouvent dès le départ invités au dialogue et au respect mutuel.

Comme les textes le prouvent, il existait un rapport fécond, d’une grande richesse d’échanges tant du point de vue intellectuel, artistique, commercial et spirituel, malgré les affrontements d’intérêts politiques, économiques, qui jalonnent l’histoire, chacun utilisant ses références religieuses et dogmatiques pour justifier sa domination. Ce bref aperçu évoqué, quel regard porte le musulman ouvert et sincère sur Jésus (Sidna Aissa), très souvent associé à Marie (Myriam) ?

Il est considéré comme un être spirituel exceptionnel. Exception confirmée par le Prophète, quand il annonce le retour de Jésus pour les temps messianiques où la paix, la justice, l’égalité triompheront enfin sur terre.

Donc, dans la conscience musulmane le retour de Jésus est une espérance. C’est la fin d’un cycle apocalyptique au cœur duquel se trouvent les germes du renouveau. Dès lors, les hommes s’uniront pour oeuvrer au bien de l’humanité et terrasser le mal.

Ce que je viens d’évoquer, concerne l’aspect extérieur, l’aspect temporel, celui lié au sens de l’histoire. Il existe un autre aspect peu connu, c’est celui de la place accordée à Jésus par l’ésotérisme musulman. C’est celui relatif au verbe incarné de Dieu, comme le dit le Coran sourate 4, verset 171 :

Cela signifie qu’il est intemporel. II ne peut être ni cerné, ni connu, ni localisé. Le message spirituel de Jésus ne peut pas se révéler à celui qui ne va pas à la source même d’où émane cette réalité divine. Dans l’ésotérisme musulman (Tacawwuf – soufisme), il y a des stations (degrés spirituels) pour chaque prophète évoqué dans la Bible, et dans le Coran. La station de Jésus est particulière et parmi les plus élevées. Son enseignement délivre une spiritualité pure, sans lien déterminé dans le temps et dans l’espace.

Cette réalité se révèle à celui qui fait l’effort soutenu d’arriver à cette station, à ce maqqam de Sidna Aïssa (Jésus). Celui-ci délivre un message extraordinaire : la force de l’amour a puissance sur tout. Par sa naissance, Jésus nous apprend que les lois physiques et temporelles qui gèrent la création peuvent être bouleversées, voire inversées par le divin, telle la résurrection des morts. Notre conception du divin se référant uniquement aux lois qui gèrent le monde manifesté est si limitée, qu’elle nous empêche de comprendre la mission de Jésus et sa station. De ce fait, son message demeure inconnu pour le plus grand nombre.

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Pour les soufis, Jésus est l’émanation ou la démonstration physique que l’être par une voie initiatique peut retrouver l’essence universelle qui donne équilibre et harmonie au monde manifesté, mystère de la création.

L’avènement du message mohammadien vient confirmer et révéler dans sa profondeur le contenu du message christique. Comme le dit le prophète Mohammed « Nul n’est plus en droit de se réclamer de Jésus et Marie que moi-même, car entre lui et moi il n’y a aucun prophète ». Ainsi le message rnohammadien devient le miroir révélateur de Jésus, car entre les deux prophètes il n’y a aucune altération, aucune rupture. C’est donc dans l’équilibre entre ses deux pôles que le mystère de la vérité se dévoile à l’homme.

Ce qu’on peut encore retenir du message de Jésus, c’est que les valeurs matérielles du monde ne sont que l’ombre trompeuse des illusions qui nous égarent et exacerbent nos passions. A l’exemple de son entrée dans le temple pour le purifier, Il nous invite à se situer à la verticalité du Divin, symbole du soleil au zénith ou nulle ombre est perçue ou nulle illusion est permise. Par-là, l’homme est habité par l’esprit divin.

Quant à Mohammed, il apporte lui l’équilibre de l’horizontalité, symbole du serviteur qui accepte totalement son appartenance au divin. Il se confie à Lui, et assume cette responsabilité d’en être le témoin dans le monde. Ainsi l’homme habité par le divin, réalise et manifeste l’état parfait de l’homme universel.

Selon l’ésotérisme musulman, si Jésus de par sa naissance échappait aux lois physiques de la vie, sa mort devrait aussi échapper à celle de tout un chacun. Car il existe une réciprocité. Pour les musulmans en général et les soufis en particulier Jésus a été élevé à Dieu, n’étant d’ailleurs pas le seul puisque d’autres prophètes sont dans le même cas : Elie, Idris, Enoch, … Cette élévation est une occultation mais aussi une présence, une permanence.

Il était, n’est plus mais personne ne peut dire où il se trouve, ou qu’il n’existe plus. On ne peut le situer dans l’espace ou dans le temps, sans nier sa présence. Si on lui assigne une place, un rôle, une fonction même la plus sacrée, elle demeure en dessous de la vérité qu’il incarne car le message spirituel de Jésus est élevé et intemporel. Mais chacun par une démarche intérieure de purification, d’humilité, de pardon, d’amour peut retrouver l’essence de ce message, son parfum et sa béatitude.

J’ajoute qu’on pourrait aussi qualifier le message de Jésus de radical. Il ébranle la forteresse des croyances, des dogmes, des certitudes… notre conception limitée des choses de ce monde, qui n’ont de réelles valeurs qu’en étant rattachées à l’essence, à Dieu. Sans ce rattachement, les pouvoirs, les savoirs, les connaissances ne sont qu’illusoires. Le message de Jésus ne se comprend et ne se vit que dans l’amour absolu, intransigeant et décapant.

Cette vertu, cet état d’être sont très difficiles à concevoir et à réaliser. Il suffit de voir comment nous vivons. Le constat est affligeant ! Quelles sont les valeurs qui déterminent notre époque ? Jésus est le verbe divin et les valeurs qu’il enseigne ne sont pas celles sur lesquelles reposent notre monde. Nous ne comprendrons son message et réaliserons cette transformation alchimique que par la quête de ces valeurs spirituelles et chevaleresques qu’il est venu pour nous enseigner.

Un message prophétique où l’homme est prêt à se sacrifier pour le bien être d’autrui, afin que la Vérité demeure parmi nous. Ainsi, il triomphe de l’absurdité de son égocentrisme, il renaît et il vit dans le monde parfait de l’Essentiel.

Qui laisse croire qu’il n’existe aucune réalité, hormis celle que l’homme s’impose dans ce conflit permanent avec lui-même et avec son prochain ? Incapable de pardonner car incapable de se pardonner. Aujourd’hui, nous sommes dans les situations où le message de Jésus semble d’une urgence capitale, voire vitale. Notre monde est gravement malade, seule une médecine radicale peut le soigner.

Pourquoi tant de misère et de haine, de conflits et de corruption ? Au nom de qui ? Pour servir quels intérêts ?Au nom de Dieu ? Au nom d’Allah ?… Quel est le sens d’un monde en démence, où personne n’ose dire la vérité par peur d’être incapable de la vivre et d’en assumer la responsabilité et les conséquences ?

La vérité est exigeante comme l’est le message de Jésus. Dans l’atmosphère dramatique de notre époque, qui peut concevoir que pour trouver Dieu il faut tout donner ? Quel est le pays, la communauté, l’être capable de tout donner pour tout recevoir ?

Dans le monde actuel, ne pas tricher avec soi-même soulève mépris, ironie et sarcasme. Pourtant, nous allons vers un monde qui nous impose d’être et non de paraître. Humain se conjugue au verbe être et non au verbe avoir. C’est à ce prix que nous pourrons résister au chaos qui nous attend.

Que Dieu accorde sa grande miséricorde à tous les innocents qui périssent par la faute de l’incompréhension et de la bêtise humaine.

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