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Jalons sur la route d’un islam européen (partie 2 sur 2)

A partir d’un positionnement réformiste que nous avons qualifié dans la première partie de notre article de « médian » adopté par Tariq Ramadan (désormais T.R.) et Tariq Oubrou (désormais T.O.), nous allons maintenant poursuivre et achever cette lecture croisée de ces deux ouvrages en entrant dans le cœur des critiques et des nouvelles voies proposées à destination des communautés musulmanes.

Changement de paradigme

Il est à relever que ce qui frappe à la lecture des deux ouvrages c’est l’impression d’une rupture, d’un changement de paradigme par rapport aux écrits et discours précédents de nos deux auteurs. T.R. l’exprime déjà dans le titre même en parlant de « réforme radicale » mais il le formule aussi dans son ouvrage en ces termes : « Plus d’un siècle d’appels à l’ijtihâd, au tajdîd, à la réforme et tout se passe comme si nous avions atteint les limites de ces revendications  : le renouveau de la lecture des sources scripturaires a permis une revivification de la pensée musulmane […] mais il apparaît clairement qu’ils n’ont pas les moyens aujourd’hui de formuler des perspectives nouvelles pour l’avenir, de devenir une force de proposition pour réformer le monde dans lequel nous vivons »[1], quant à T.O. il l’affirme plus “radicalement” : « Je confirme ici que je suis issu de cet univers islamiste nostalgique et de cette tradition classique théologique et canonique dont je suis en train de me démarquer en opérant un grand tournant théologico-canonique. J’ai tellement vécu dans cette « prison paradigmatique » que je ressens maintenant une certaine révolte, un sentiment d’avoir été trompé dans ma jeunesse de militant par les discours rébarbatifs classiques qui sont plus des sermons que des idées intellectuelles, telles que j’ai pu en découvrir par la suite chez les Anciens. »[2]

Nos deux auteurs critiquent tous deux un profond décalage entre les défis du monde actuel et les positionnements de frilosité très présents dans les communautés musulmanes qui entravent la possibilité d’y répondre, T.O. se rappelle par exemple le refus qu’il avait essuyé en tentant d’introduire le soufisme, la philosophie et les sciences humaines en général comme disciplines à l’IESH de Château-Chinon, il déplore le « temps de latence toujours très long entre la réalité des besoins et l’arrivée du changement » [3], il dénonce également certaines fatwas répandues dans les communautés musulmanes qui sont « nuisibles », il les appelle les « boulets normatifs »[4], il revient sur le foulard en rappelant qu’il ne fait pas partie du culte (‘ibâdât) mais d’une partie de l’éthique (et encore selon lui « ce n’est pas une dimension très importante de celle-ci »[5]), il fustige d’ « incompétents »[6] les prédicateurs qui affirment qu’il fait partie de la foi (‘ibâdât) et sur les « canonistes » du Monde musulman, ils vivent « mentalement et culturellement en dehors de leur société »[7] donc comment peuvent-ils prétendre à la changer ?

A ce propos il critique fortement ces mêmes canonistes ou prédicateurs étrangers qui sont invités annuellement à la rencontre du Bourget organisée par l’UOIF car ces derniers : « […] viennent gâcher notre travail d’intégration pacifique de l’islam en Occident, ils viennent nous imposer leur islam arabe simpliste, parfois complexé, arrogant et paternaliste qu’ils veulent véhiculer auprès des musulmans d’Europe »,[8]

Ce profond décalage est également palpable même dans des initiatives qui avaient pourtant visé une prise en compte du contexte européen tel le « Conseil Européen de la Fatwa » : « Je trouve que, mentalement et culturellement, ce conseil, malgré le rôle important qu’il joue, reste quand même étranger culturellement à la civilisation occidentale. Il est trop arabe à tous les égards. »[9] Ce décalage du “haut” conduit immanquablement à produire “en bas” un état d’esprit lui-même décalé : d’où le fait que certains musulmans toujours selon T.O. plus ils deviennent pratiquants et plus ils « deviennent a-normales » au point « d’en perdre leur fitra, cette nature initiale de leur être »[10].

T.R., pour exprimer ce décalage, constate que dans les communautés musulmanes on assiste aujourd’hui à une « réforme de l’adaptation »[11] c’est-à-dire que l’on tente de répondre aux défis d’un système mondialisé non pas en proposant une éthique qui refondrait le système mais en se créant simplement des « niches dans lesquelles la morale islamique sera un tant soit peu protégée »[12] ; du moins formellement[13].

A titre d’exemple le cas de l’héritage en filiation directe (parents/enfants) dont les oulémas et les défenseurs du fiqh expliquent que le fait d’accorder à la fille la moitié de la part du garçon n’est qu’une apparente inégalité explicable par la cohérence du système[14], T.R. demande que faire alors quand le système ne répond plus aux besoins, quand des femmes se retrouvent seules avec des enfants à élever ? « Suffit-il de répéter la norme « définitive et indiscutable » sans se préoccuper du contexte et, ainsi, cautionner des injustices patentes ? » [15], en économie également l’auteur tranche dans le vif : « Il n’existe pas d’ « économie islamique » pas plus qu’il n’existe, nous l’avons dit, de « médecine islamique » »[16], il poursuit : « [la finance islamique] va proposer une série de réformes des techniques et des modalités de transactions  [refus de l’intérêt, imposition de la zakât, participation aux risques] au cœur du système classique dont elles ne remettent pas l’essence en cause mais qu’au contraire elles confirment tant dans sa philosophie de la rentabilité productiviste que dans sa domination globale »[17] ; le label dit islamique permet en revanche aux grandes banques l’ouverture de nouveaux marchés, ni plus ni moins.

Quant au marché du halâl il n’innove en rien mais calque ses objectifs « mercantilistes et matérialistes »[18] sur le système économique ambiant, ainsi, à titre d’exemple, nulle préoccupation de la façon dont les travailleurs sont exploités. Le label islam fait donc de l’argent, « la boucle est bouclée, le système capitaliste a réussi à récupérer efficacement une référence censée lui résister et ce avec la collaboration des opérateurs et des consommateurs musulmans eux-mêmes »[19].

L’on pourrait à l’envi multiplier les exemples de critiques argumentées de T.O. et T.R. en mentionnant par exemple la non pertinence du statut des dhimmis (« protégés » ou « clients »)[20], de la notion d’ « Etat islamique »[21] ou encore le manque de pertinence des écoles privées musulmanes calquant une philosophie de la « performance »[22] ou détriment de « l’esprit critique », du « bien-être », et de la « créativité »[23].

Création d’outils méthodologiques

A partir d’un constat relativement similaire d’un décalage important et handicapant entre les mentalités dans les communautés musulmanes et les défis actuels, chaque auteur développe ses propres outils afin de proposer une réforme qui apporterait des solutions novatrices dans notre monde du XXIe siècle :

T.O. évoque la « sharia de minorité » en expliquant qu’il s’agit d’une part d’« émanciper la sharia de tout système politique a priori (Etat islamique, califat…) comme condition de son élaboration. Cela redonnera à l’islam sa dimension religieuse originelle, essentielle dans la forme que lui permet le cadre laïque général français pour notre cas »[24] et d’autre part « […] mettre la charia en contexte et répondre ainsi concrètement à la situation laïque française […] C’est la réalité qui détermine la forme concrète que prend telle ou telle loi de la sharia, voire sa non-applicabilité dans certains cas. Encore faut-il pour cela connaître cette réalité. »[25].

La « sharia de minorité » vise en fait à ce que le musulman pratiquant par choix puisse « pratiquer authentiquement sa religion »[26] avec des normes non handicapantes dans sa vie quotidienne, sociale, spirituelle, affective, etc., et ce, à l’aide d’un fiqh « mobile »[27] qui puisse proposer des outils « à ceux qui détiennent le discours religieux »[28] bénéficiant d’un système de « dérogations (al-rukhas ash-shar’iyya[29]) »[30]. Ou bien en plus synthétique, il s’agit d’intégrer les « lois de la République dans […] le métabolisme […] de la sharia »[31] visant ainsi « l’intégration sociologique et concrète de l’islam […] au sein des valeurs de la République. »[32]

T.O. théorise à une échelle plus large encore : tout ce qui précède constitue une « théorie restreinte »[33] qui répondrait à une vague de la mondialisation produisant dans le monde des « replis identitaires […] violents ». Quant à la « théorie plus générale »[34] elle dépasse le cadre français et répondrait à l’autre vague produite par la mondialisation qui tend a contrario à l’uniformisation des sociétés. L’on aurait ainsi en résumé : « une théologie musulmane […] à triple cinétique : nationale, transnationale-régionale et mondiale »[35].

A l’échelle micro, un exemple d’application concrète (parmi les infinités possibles) serait le mariage dit islamique que l’on remplacerait tout simplement par le mariage civil[36] voire le PACS[37].

T.R. quant à lui propose une « réforme de la transformation »[38] (par opposition à celle de « l’adaptation » dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui) qui ne se satisferait pas de créer des « bastions halâl » dans un monde injuste mais qui repenserait les outils anciens à l’aide des connaissances acquises sur l’homme et la vie aujourd’hui pour faire mieux : changer le monde en proposant des solutions novatrices pour tous les êtres humains.

Pour ce faire et palier au décalage des oulémas (abordé plus haut), il propose une « Nouvelle géographie des sciences du droit et de la jurisprudence » en interrogeant « non pas seulement la pratique du fiqh mais plus fondamentalement les sources et les fondements de ce fiqh (usûl al-fiqh) »[39] en en proposant une nouvelle hiérarchisation. En effet, il propose de placer au même niveau « les deux Révélations »[40] à savoir les Textes fondateurs et le contexte ; le contexte est à comprendre ici comme étant la connaissance des sciences de l’homme, de l’univers et des sociétés.

Et T.R. d’anticiper : « L’objet n’est donc pas de museler les sciences – ou de les craindre – mais bien de les intégrer complètement et égalitairement dans la production de l’éthique appliquée contemporaine »[41]. Enfin, il ajoute à un niveau inférieur dans cette nouvelle hiérarchie des fondements (usûl) une somme de treize « objectifs supérieurs de la sharia » (maqâsid ash-sharî’a)[42] qui sont : « dignité (des hommes et de la nature), bien-être, connaissance, créativité, autonomie, développement, égalité, liberté, justice, amour, fraternité, solidarité, diversité »[43] qui permettraient par leur intermédiaire d’atteindre les « dynamiques évolutives »[44] voulue par Dieu.

La concrétisation de cela permettrait une éthique globale appliquée dans différents domaines de la vie en phase avec les évolutions du monde et non une suite de prescriptions rigides extraites des structures du passé. A l’échelle micro, parmi les nombreux exemples que cite T.R. : (en musique par ex.) « […] dire la vie, la douleur, la souffrance, l’amour, la séparation, les doutes simplement, humainement, universellement, n’est-ce pas « islamique »  ? »[45] et « […] il n’est pas nécessaire d’ajouter […] des versets, des ahâdîths ou des mots en arabe pour donner l’impression d’avoir «  islamisé » l’œuvre ou le produit ».[46]

Que ce soit avec la « charia de minorité » de T.O. ou la « nouvelle géographie des sciences du droit et de la jurisprudence » de T.R., l’on est ici très loin du paradigme des écoles classiques de jurisprudence[47].

Conclusion

A travers nos deux articles, nous avons pu mettre en évidence que, bien que différents, les deux ouvrages s’inscrivent dans un même paradigme réformiste proposant de nouvelles voies à destination des Européens de confession musulmane. Tous deux tentent ainsi d’accompagner les futurs changements de l’intérieur et tout porte à croire qu’aujourd’hui nombre de consciences sont prêtes à emprunter ce chemin. Bien entendu la route est longue et les défis sont immenses.

Nous terminerons à ce propos en regrettant qu’il n’y ait pas dans les communautés musulmanes en Europe plus d’espaces indépendants des pouvoirs économique et politique qui permettraient des débats sans concessions ET respectueux de la vérité de chacun. Dans ces espaces l’on y verrait échanger sans se renier différentes personnalités comme les deux auteurs dont nous avons présenté les ouvrages mais également toutes les différentes tendances de l’islam, des pratiquants aux non-pratiquants avec une seule limite : la non-disqualification. Mohamed Talbi appelait déjà de ses vœux ce type de lieux, ce serait une « réforme en acte » bien salutaire !

 


[1] Cf. La réforme radicale. Ethique et libération, p.50.

[2] Cf. Profession imâm, p.38 ; c’est l’antinomie par excellence du discours dissimulé ou « taqiyya », accusation qui fut portée à l’encontre de l’auteur par… un collègue arabisant spécialiste de la culture arabo-musulmane. Après cela, on pardonnera d’autant mieux aux téléspectateurs de TF1 une certaine méfiance.

[3] Cf. ibid., p.182.

[4] Cf. ibid., p.42.

[5] Cf. ibid., p.108.

[6] Cf. ibid., loc.cit.

[7] Cf. ibid., p.123.

[8] Cf. ibid., p.138-9 ; le fondateur irakien de l’IIIT, Dr Taha Jâbir al-‘Alwânî nous avait confié lors d’un entretien audio réalisé au Caire en juillet 2006 la même critique (cet entretien est inédit pour le moment).

[9] Cf. ibid., p.181 ; .ici encore similitude avec les positions critiques du Dr Taha Jâbir al-‘Alwânî.

[10] Cf. ibid., p.174.

[11] Cf. La réforme radicale. Ethique et libération, p.48.

[12] Cf. ibid., p.48-9.

[13] Abdallah Laroui exprimait la même idée en des termes différents : « Remarquons toutefois, et ceci me semble important, que le néo-islam, même là où il règne sans partage, ne change rien aux aspects modernes de la société, de l’éducation et de l’économie. Sous prétexte qu’il n’est pas hostile à la technique, il la laisse se développer en toute liberté, sans voir ce qui dans son esprit lui est totalement étranger. », cf. Abdallah Laroui, Islam et modernité, La Découverte [armillaire], 1987, p.94-5.

[14] A savoir que les fuqahâ’ répètent que cela s’explique par la prise en compte des responsabilités respectives de la femme et de l’homme : elle garde son argent tandis que lui subvient à ses besoins. Quid des femmes qui gagnent le double du salaire de leur mari ? voire de celles qui l’entretiennent ? Beaucoup plus actuel encore : quid des couples qui s’en sortent à peine en additionnant le salaire des deux ? L’épouse arrêtera-t-elle donc de travailler pour que son mari puisse « l’entretenir » comme il conviendrait ?

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[15] Cf. ibid., p.295 ; en France, il existe une solution ingénieuse : la « pension de réversion » qui représente 50% de la retraite dont bénéficiait ou aurait pu bénéficier l’assuré décédé, et qui est reversée, si certaines conditions sont remplies, à son conjoint survivant jusqu’au décès de ce dernier (à la condition qu’il ne se remarie pas ; c’est logique). Et encore plus intéressant : depuis le 1er janvier 2010, même l’ex-conjoint bénéficie d’une part de cette pension calculée sur le nombre d’années de vie commune ! du concentré de réformisme !

Nous aimerions également pointer du doigt une injustice se déroulant sous couvert d’islam : dans certains pays dits musulmans un certain nombre de jeunes femmes se prostituent car elles se retrouvent sans ressources dans le cas du décès du dernier parent, le père, en ne laissant derrière lui que des filles (sans héritier masculin). L’oncle paternel réapparaît subitement, s’accapare l’héritage de son frère défunt et disparaît à nouveau sans se soucier le moins du monde des filles qu’il laisse ainsi. La préférence pour les héritiers masculins ne s’explique donc pas uniquement culturellement mais bien également par des calculs infiniment plus palpables. Quid des solutions de rechange que leur proposent alors les oulémas dans ce cas ? Nous tenons à remercier ici notre amie S.K. qui a grandement contribuer à nourrir cette note en nous faisant prendre conscience de certaines réalités.

[16] Cf. ibid., p.315.

[17] Cf. ibid., p.316.

[18] Cf. ibid., p.324.

[19] Cf. ibid., p.325.

[20] Cf. ibid., p.351.

[21] Cf. ibid., p.354 et Profession imâm, p.37.

[22] Cf. ibid., p.362.

[23] Cf. ibid., p.363.

[24] Cf. Profession imâm, loc.cit.

[25] Cf. ibid., p.39.

[26] Cf. ibid., p.40.

[27] Cf. ibid., loc.cit.

[28] Cf. ibid., loc.cit.

[29] La transcription de cette citation a été ici revue par nos soins.

[30] Cf. ibid., loc.cit.

[31] Cf. ibid., p.44.

[32] Cf. ibid., p.45.

[33] Cf. ibid., p.40.

[34] Cf. ibid., loc.cit.

[35] Cf. ibid., p.152.

[36] Cf. ibid., p.47-8.

[37] Cf. ibid., p.50 ; nous pensons que cette idée aurait gagnée à être plus développée au vu des possibilités offertes par le PACS et des sérieuses entraves non pertinentes placées aujourd’hui en travers des relations hommes/femmes…

[38] Cf. La réforme radicale. Ethique et libération, p.49.

[39] Cf. ibid., p.50.

[40] Cf. ibid., p.117.

[41] Cf. ibid., p.145.

[42] Ces objectifs supérieurs sont issus d’un travail prenant en compte l’ensemble des Textes fondateurs (ou du Coran seulement parfois) afin de tenter d’en dégager une sorte d’orientation générale qui serait la direction dans laquelle le divin voudrait orienter les croyants à travers ses révélations ; ce type d’ijtihâd n’est absolument pas récent, d’ailleurs T.R. retrace l’historique de ce courant dans son ouvrage voir p.83 à 108. Pour aller plus loin, la notion du « vecteur orienté » n’est que le prolongement logique de celle des maqâsid…

[43] Cf. ibid., p.186 ; en lieu et place des 5 maqâsids mis en évidence par Abû Hâmid al-Ghazâlî (m. 1111), à savoir que la Révélation tendrait à préserver « la religion (dîn), la vie (nafs), la raison (‘aql) la descendance (nasl) et la propriété (amwâl) », cf. Cf. ibid., p.87.

[44] Cf. ibid., p.276.

[45] Cf. ibid., p.259.

[46] Cf. ibid., p.264 ; pour aller plus loin vous pourrez vous reportez à la 4e partie « Etude de cas » de l’ouvrage où T.R. multiplie les exemples de ce type.

[47] Pour le sunnisme majoritaire et dans l’ordre d’apparition : les écoles hanafite, malikite, shâfi’ite et hanbalite et pour le chiisme majoritaire : l’école ja’farite.

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