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Islam en ou de France ?

Cette formulation, a priori, anodine reflète la situation de la communauté musulmane dans notre pays.

En effet, l’interrogation majeure consiste à se demander si les français de confession musulmane (environ trois millions) et les musulmans de nationalité étrangère (environ 2 millions) peuvent prétendre à une structure unificatrice représentative d’eux-mêmes ou se contenter d’une dépendance à l’égard de pays tiers. Cette seconde tendance perpétuant la confusion entre la dimension internationale de l’Islam et sa réalité hexagonale.

Le débat engagé depuis les années Chevènement autour de ce qu’il est convenu d’appeler la consultation nationale des musulmans de France illustre à merveille ce mouvement de balancier.

A ce sujet, il convient de mentionner la découverte récente, à partir des années 1983-1984 par des chercheurs de la Fondation Nationale des sciences politiques, de l’existence d’une communauté musulmane appelée à résider de façon permanente sur le territoire de la République.

Depuis, un nombre impressionnant de séminaires, de colloques, d’études, d’enquêtes en tous genres lui sont consacrées. Ce climat désormais institutionnalisé s’est considérablement accentué depuis le 11 septembre 2001. La page de couverture du mensuel « courrier international » du mois de Novembre 2002 pose cette interrogation : « L’ISLAM EST-IL SOLUBLE DANS LA DEMOCRATIE ? » Le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme, etc… sont-ils solubles dans la démocratie ? Pourquoi réduire l’islam : une religion regroupant plus de un milliard 200 millions de fidèles sur la planète, à un élément chimique susceptible d’instillation ou de distillation ?

En ce qui concerne la France, il ne se passe pas une élection nationale sans que des sondages d’opinion ne mentionnent parmi les préoccupations dominantes des français la question qui, aux yeux de certains, pourrait même devenir le problème politique posé par l’Islam. Des chercheurs de renom étudient le « problème d’une politique gallicane de l’Islam ». Un premier constat s’impose, la majorité de leurs écrits ou recherches se réduit à la relation Islam et politique comme si le seul intérêt de l’Islam était celui-là.

Je souhaiterais pour ma part rappeler quelques vérités simples régulièrement omises :

l’Islam est avant tout une religion monothéiste, membre de la famille abrahamique au même titre que le judaïsme et le christianisme.

l’Islam suppose une diversité d’être et de faire annihilatrice de toute croyance monolithique où tous les fidèles vivraient de la même manière leur relation à Dieu. Feu cheikh Abbas, dernier recteur de la mosquée de Paris avant la désignation de Dalil Boubakeur, évoquait l’élasticité de l’Islam en expliquant que son universalité lui permet de s’adapter partout et en toutes circonstances « même sur la lune s’il le fallait ».

La naissance de l’Islam en ou de France ne se confond pas avec sa visibilité, depuis les années 1909-1911 où sont arrivés les premiers Kabyles dont Feu le professeur Abdelmalek Sayad considérait que d’une certaine manière : ils inventèrent la France ; des générations de musulmans se succédèrent au sein de l’hexagone. Ce qui peut s’avérer nouveau, mais cela ne concerne pas uniquement la France, c’est l’émergence d’un Islam européen.

Le message de l’Islam vise à promouvoir la paix, la fraternité, la tolérance dans les comportements quotidiens.

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Certes, des exemples historiques viennent infirmer ce présupposé. Mohammed Abdû : philosophe et théologien égyptien, ancien grand Mufti de l’université de Al-Azar au Caire, explique qu’il existe des musulmans qui se détournent des préceptes de leur religion comme d’autres peuvent le faire à l’égard de la leur.

Une autre caractéristique que le professeur Mohammed Arkoun nomme l’idéal de fraternité et d’ouverture profondément enraciné chez tout musulman, dévoile un visage humaniste de l’Islam. L’épithète « humaniste » doit-être comprise ici comme tout ce qui tend au développement intégral de toutes les facultés intrinsèques de l’homme. L’exhortation du prophète Mohammed recommandant à ses disciples d’accroître leur science, de se soucier de la protection des minorités, etc…

A ce propos, certaines confréries musulmanes exigent des actes de solidarité de la part des plus jeunes à l’égard des personnes âgées et des nécessiteux, etc…Tous ces exemples illustrent le respect de la personne humaine explicitement rapporté par la parole divine révélée au Prophète Muhammad (SWS). Peu d’écrits, d’articles et encore moins d’ouvrages tentent d’approfondir cette notion d’humanisme.

Une propension appliquée aux musulmans immigrés conduit à une mutilation de l’homo-religiosus pour ne considérer que l’homo-economicus.

Certains articles allant jusqu’à opposer l’intégration naturelle de l’homo-economicus et le caractère allogène de l’homo-religiosus en tant que processus rédhibitoire à toute insertion.

Lors d’une récente audition à l’institut d’études politiques de Paris, un membre du jury me demanda : « au nom de quel principe de légitimité, les musulmans souhaitaient-ils leur intégration sur le territoire français ? »

Oserait-on formuler une pareille question eu égard aux juifs ou aux chrétiens ? En fait cette interrogation contient intrinsèquement sa réponse, son auteur exprime l’incompatibilité fondamentale entre les valeurs de l’humanisme musulman et celles de la République française.

Enfin, toute interrogation sur l’Islam en ou de France doit éviter deux écueils :

  • ne pas réduire la diversité d’être et de faire de la communauté musulmane de France à une étude sur l’immigration. Tous les musulmans ne sont pas des immigrés et tous les immigrés ne sont pas musulmans.
  • Ne pas confondre Islam et arabité, c’est un pays asiatique : l’Indonésie qui avec presque 200 millions de musulmans regroupe la proportion la plus importante au monde.

En effet, l’Islam n’est pas une « nationalité, encore moins une ethnie », il existe des arabes de confession chrétienne (par exemple, Mr Tarik Aziz : vice-premier ministre irakien et homme de confiance de Saddam Hussein) et des arabes de confession juive : LES SEPHARADES.

D’autre part, plus les musulmans valoriseront leur capital spirituel et culturel, plus ils seront en mesure d’apprécier Molière et Racine et, a contrario, le non musulman ne pourra comprendre Ibn Rushd dit Averroès, Ibn Sîna dit Avicenne que si et seulement si, il maîtrise les textes de Saint-Augustin, Descartes et Saint-Thomas d’Aquin.

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