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Fondements théoriques d’un calendrier musulman basé sur le calcul astronomique

« Comment concevoir et réaliser un calendrier lunaire commun à l’ensemble des musulmans de la planète, sur des bases acceptables du point de vue de la Charia et qui intègrent l’astronomie et les sciences connexes ainsi que les enjeux de notre époque ? ».
Etant entendu que la réponse attendue doit porter sur la détermination des débuts et fins de chacun des 12 mois lunaire plutôt que sur des événements particuliers. Perdre de vue cet aspect du problème conduit à d’incessantes, inutiles, et insolvables polémiques.
Les musulmans ont besoin de savoir avec le plus de précision possible le temps légal pour la zakat, l’observation du délai de viduité, le mois de ramadan, les mois du pèlerinage, le jour d’Arafat, les 3 jours de la fête du sacrifice, le jour d’Achoura, etc.
Quelles sont les références scripturaires sur ce sujet et quels enseignements en tirer ?

Les versets clés

« Ils t’interrogent sur les phases de la Lune – Dis : « Ils servent aux gens pour compter le temps, et aussi pour le Hadji (pèlerinage à la Mecque) » (Coran 2 : 189)
« Fendeur de l’aube, Il a fait de la nuit une phase de repos ; soumis le soleil et la lune à un calcul minutieux. Voilà l’ordre conçu par le Puissant, l’Omniscient » (Coran 6 : 96)
« Le nombre de mois, auprès d’Allah, est de douze [mois], dans la prescription d’Allah, le jour où Il créa les cieux et la terre » (Coran 9 : 36)
« C’est Lui (Dieu) qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une brillance, et pour celle-ci a déterminé des manâzil (phases) afin que vous sachiez compter le nombre des années et al hisâb (le calcul du temps). Dieu n’a créé cela qu’en toute vérité. Il expose en détail les signes pour les gens qui savent » (Coran 10 : 5)
« Et la lune, Nous lui avons déterminé des phases de telle sorte qu’elle (re)devienne comme la palme vieillie. Le soleil ne peut rattraper la lune, ni la nuit devancer le jour ; et chacun vogue dans une falak (orbite) » (Coran 36 : 39-40)
« Le Soleil et la Lune sont soumis à un husbân (calcul minutieux) » (Coran 55 : 5)

Les hadiths clés

« Jeûnez si vous le voyez et cessez de jeûner si vous le voyez. Si les nuages vous gênent, estimez-le à trente (30) jours ». Il existe des variantes de ce hadith où l’expression « faqdurû lahû » (estimez-le) est associé au nombre 30 et d’autres où elle n’est pas associée à un nombre.
« Nous sommes une communauté illettrée, nous n’écrivons pas et ne calculons pas, le mois fait des fois ceci et d’autres fois cela (en montrant ses dix doigts), c’est-à-dire 29 ou 30 »

Le enseignements clés

Le Soleil et la Lune sont soumis par le Créateur et Maitre des mondes à un calcul minutieux ;
Pour le calendrier musulman, le Coran indique que l’année compte 12 mois lunaires ;
En rapport avec la lumière du Soleil, la Lune est soumise à des phases qui permettent à ceux qui connaissent ce domaine de calculer le temps que durent les 12 mois lunaires ;
A sa dernière phase, « dernier croissant » avant la conjonction, la Lune ressemble à la palme desséchée, une image à connotation végétale à laquelle les arabes du temps de la révélation du Coran étaient familiers. D’autre part, le verbe « ‘ âda » (revenir, retourner) utilisé dans le verset concerné suppose la notion de cycle, ce qui rend possible le calcul des paramètres et éphémérides de la Lune par les spécialistes de la Mécanique céleste ;
Le Soleil et la Lune se meuvent chacun selon son falak. Tabari, le célèbre commentateur du Coran, dit qu’il faut avoir l’humilité de reconnaitre que les seules ressources de la langue arabe, langue du Coran, ne suffisent pas à faire comprendre ce à quoi revoie le terme de falak dans le ciel. On peut en comprendre « comme quelque chose qui vogue dans une voie qui lui est propre ». De nos jours, le mot « orbite » semble être le plus proche de ce que les versets « cosmiques » laissent comprendre. L’idée est que les astres sont soumis à des règles qu’il appartient aux astronomes de découvrir progressivement ;
Les hadiths indiquent que le mois musulman ne peut compter moins de 29 et plus de 30 jours ;
Le hadith sur le calcul peut être interprété dans le sens de l’autorisation du recours au calcul astronomique pour les compétents en la matière ;
Certains oulémas considèrent qu’il faut s’en tenir à l’estimation à 30 jours du mois en cours en cas de gêne qui empêche de voir le nouveau croissant de Lune au 29e jour ;
Pour d’autres, et ce, depuis les premiers siècles de l’islam, l’estimation (taqdîr) mentionnée dans les hadiths vise le recours au calcul astronomique. Sont concernés par cette position, de grands jurisconsultes des Tâbi ‘înes, la génération qui a suivi celle des compagnons du Prophète (SAWS), comme Mutarrif ibn Adillah ibn Ach-chikhîr (m. 87H), et plus tard encore par Qutayba (m. 267H) et Ibn Surayj (m. 306H) ;
Dans ce cadre, il est instructif de noter que de grands oulémas anciens comme Taqyudin Subki (856H/1451) et Ar Ramli à la même époque ont été favorables au calcul astronomique. Subki plaidait pour que les gouvernants valident le témoignage visuel par les données astronomiques fiables alors que de son côté, Ar-ramli affirmait que le mois astronomique est le mois de Charia ;
De grands oulémas contemporains comme Ahmad Châkir (m.1959), Al Qaradawi, Mustapha Az zarqa, et Faysal al mawlawi (m.2011) expliquent de façon convaincante que le hadith qui mentionne le calcul, astronomique s’entend, est un fondement à l’autorisation de ce procédé.
L’argument principal de leur thèse est que ceux des oulémas qui comprennent de ce hadith l’interdiction du calcul astronomique n’ont pas la même attitude pour l’écriture qui est mentionnée à côté du calcul dans le même hadith. Pour certains des défenseurs du caractère licite du recours au calcul astronomique, il s’agit de tenir compte de ce calcul pour ensuite valider le témoignage par l’observation visuelle (pour certains même l’utilisation d’instruments optiques est sujet à des réticences) du croissant de Lune. Faysal al mawlawi va plus loin en proposant de s’en tenir uniquement à deux critères pour déterminer le mois lunaire musulma : la connaissance de l’instant de la conjonction et le respect de la convention musulmane qui veut que le jour commence au coucher du Soleil.

Que proposons-nous ?

Sur la base de l’énorme travail accompli aussi bien par des spécialistes des oulémas de la Charia que de l’Astronomie, nous proposons la démarche suivante en sept (7) axes qui a pour vocation de contribuer à l’adoption d’un calendrier musulman perpétuel :

  • Le contexte et la justification d’un calendrier musulman ;
  • Notre vision du calendrier musulman ;
  • Notre définition du calendrier musulman perpétuel ;
  • Objectifs et exigences d’un calendrier musulman perpétuel ;
  • Principes directeurs ;
  • Les critères de construction dudit calendrier ;
  • Enonciation de la définition que nous proposons

Contexte et justification :

  1. Depuis des années, un certain malaise s’installe chez les musulmans à l’approche du mois de Ramadan en raison de désaccords sur les dates de début et de fin de ce mois béni ;
  2. Cela fait que des pays proches et quelques fois la communauté musulmane d’un même pays n’ont pas des dates cohérentes et harmonisées ;
  3. Cette ambiance de confusion résulte de considérations politiques (obsession de souveraineté, volonté de leadership), religieuses (interprétation des textes), et d’une certaine méfiance à l’égard de la science moderne et notamment des prévisions astronomiques ;
  4. Présentement, l’inexistence de calendrier musulman perpétuel fait qu’il n’est pas possible de planifier les dates du culte ni celles de la vie civile de façon harmonieuse avec le calendrier grégorien ;
  5. Le calendrier basé sur l’observation du croissant de Lune n’est utilisé dans les sociétés musulmanes contemporaines que pour déterminer les dates des célébrations religieuses alors que pour la vie civile c’est le calendrier grégorien qui prime ;
  6. Depuis quelques décades, le travail d’éminents astronomes et oulémas jurisconsultes ainsi que des rencontres d’échange interétatiques (entre les pays musulmans) ou non ont permis des avancées intéressantes dans une logique de conciliation entre les prévisions astronomiques et la visibilité ou l’observabilité du croissant de Lune ;
  7. Les propositions actuelles de calendrier musulman restent prisonnières du supposé consensus (ijma ‘) ancien sur le caractère obligatoire (du point de vue de la Charia) de la constatation oculaire du croissant de Lune ;
  8. Les tentatives de conciliation entre le calcul astronomique et la possibilité de voir à l’œil nu et/ou à l’aide d’instruments optiques le croissant de Lune n’ont pas abouti à des résultats satisfaisants ;
  9. La détermination, acceptée des musulmans, des horaires de prières par le calcul astronomique pour le Soleil peut inspirer la même démarche pour les mois lunaires vu que c’est le même procédé qui est utilisé pour la Lune ;
  10. Durant son califat (634-644), Umar Ibnul Khattab a institutionnalisé la date de l’hégire pour servir de référentiel temporel aux musulmans répondant ainsi à un contexte et à des besoins nouveaux ;
  11. Le temps est venu pour la Oumma de s’inspirer de cet ijtihâd (effort intellectuel pour établir la règle de la Charia à appliquer à un sujet nouveau) exemplaire et plein de promesse pour notre temps afin d’aller de l’avant et préférer la précision du calcul aux difficultés liées à l’observation visuelle du croissant de Lune ;
  12. Il est possible, dans les meilleurs délais, si la volonté existe de la part des gouvernants et des oulémas de l’astronomie et de la charia, et si les masses sont sensibilisées à cette fin, de disposer d’un calendrier musulman perpétuel aussi bien civil que religieux et d’en finir avec les malaises de Lune ;

Notre définition du calendrier musulman :

« Le calendrier musulman perpétuel est un calendrier lunaire civil et religieux basé sur le calcul astronomique notamment l’instant de la conjonction vraie et qui indique les jours et les mois d’une année (de 12 mois lunaires) assortis d’informations relatives aux dates du culte et de l’histoire des musulmans »
Note de Mohammed Moussaoui sur le jour « musulman » :
« En arabe, nous disposons de trois concepts : D’abord, le Yawm correspondant à une durée de 24 heures allant du coucher du soleil au coucher du soleil suivant. Ensuite le Layl, première partie du Yawm qui s’étale entre le coucher du soleil jusqu’au lever de l’aube, le Nahar, deuxième partie du Yawm qui s’étale entre le lever de l’aube et le coucher du Soleil suivant. Par exemple, le premier Yawm du mois de Ramadan 1434 H prochain démarre au coucher du soleil du 8 juillet 2013, son Layl (nuit) s’étale du coucher du soleil du 8 juillet 2013 jusqu’à l’aube du 9 juillet 2013, son Nahar (journée) démarre à partir de l’aube du 9 juillet 2013 au coucher du Soleil du 9 juillet 2013… » (Mohammed Moussaoui, Le calendrier du mois de Ramadhan basé sur le calcul astronomique, https://oumma.com/le-calendrier-du-mois-de-ramadhan-base-sur-le-calcul-astronomique/mai 2013)
Implication : un jour « musulman » se mesure à l’heure locale et sa durée variable selon le mouvement du Soleil et la position géographique du pays fait qu’il peut correspondre à deux jours « grégoriens » qui, par convention, se mesure entre deux minuits consécutifs toute l’année et partout.

Notre Vision :

  • Notre contribution vise à favoriser la construction et l’adoption d’un calendrier musulman perpétuel civil et religieux sur la base du calcul astronomique et le respect de la convention qui veut que le jour musulman commence au coucher du Soleil.

Objectifs et exigences :

  • Reconnaître que le mois musulman est non pas une représentation mystique du temps mais une estimation de celui-ci basé sur le cycle de la Lune dont la durée est le temps qui s’écoule entre deux conjonctions consécutives ;
  • S’accorder sur le fait que le cycle de la Lune indiqué par le Coran est un phénomène astral étudié par les oulémas de l’astronomie et des sciences connexes dont les résultats fiables doivent être reconnus et respectés par les non spécialistes ;
  • Promouvoir la recherche pour améliorer les théories et les calculs astronomiques et les confronter avec les observations aux fins d’avoir toujours plus de données fiables et à un haut degré de précision ;
  • Favoriser un consensus au sein de la Oumma autour d’un calendrier musulman perpétuel basé sur le calcul astronomique ;
  • Formuler les règles de correspondance avec les autres calendriers utilisés dans le monde actuel notamment celui grégorien.

Principes directeurs :

  • Rien dans la charia n’interdit le recours au calcul astronomique ;
  • Se baser sur le calcul de l’instant de la conjonction vraie ;
  • Abandonner le critère « apparition du croissant de Lune après le coucher du Soleil au 29e jour du mois en cours »

Critères :

  1. L’hégire est le référentiel historique du calendrier musulman, l’an 1439 vient de commencer il y a quelques jour ;
  2. L’instant de la conjonction vraie est la référence universelle pour le début et la fin du mois lunaire musulman ;
  3. Le jour musulman est le temps qui s’écoule entre deux couchers de Soleil consécutifs ;
  4. La correspondance avec le jour « grégorien » qui s’écoule entre deux minuits consécutifs doit être correctement établie ;
  5. Le premier jour de la semaine correspond au dimanche et le dernier au Samedi ;
  6. Le référentiel temporel (ligne de datation internationale) sera le Temps Universel Coordonné (UTC) qui a remplacé la référence GMT ;
  7. Vu son statut symbolique pour les musulmans et la nécessité d’avoir une ville référence pour les besoins du calendrier, les coordonnées (longitude, heure légale) de la Mecque pourraient servir de repère géographique pour le reste du monde musulman ;

Notre définition du mois musulman : « Le mois musulman est le temps en jours s’écoulant entre les instants de deux conjonctions consécutives. Il commence au coucher du Soleil qui suit l’instant de la conjonction vraie et se termine à celui (le coucher de Soleil) qui se produit après la conjonction suivante. »
C’est l’occasion de rappeler les deux recommandations fondamentales sorties des rencontres entre oulémas de la Charia et oulémas de l’astronomie, tenues sous la houlette de l’Académie de Fiqh de la Ligue islamique mondiale :

  • il convient de ne valider un témoignage visuel que sur la base de sa non contradiction avec les prédictions fiables du calcul astronomique ;
  • la première visibilité du croissant de Lune engage en principe tous les pays musulmans qui partagent tout ou partie d’une même nuit.

En attendant que cette définition scientifique du mois musulman que nous proposons fasse l’objet de large débat dans l’espoir que cela aboutisse à un consensus, nous proposons la démarche suivante qui tient compte du critère de l’apparition du croissant de Lune après le coucher du Soleil à l’échelle des pays :

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  • se baser sur le calcul astronomique pour établir la possibilité de l’observation oculaire du croissant de Lune quelque part dans le monde (à l’œil nu et/ou à l’aide d’instruments optiques) ;
  • collecter l’information des pays de la même zone de visibilité du croissant de Lune (notion plus précise que celle de « levants uniques/multiples » (wahdatul matâli ‘/ikhtilâful matâli ‘) à l’œil et/ou à l’aide d’instruments optiques du croissant de Lune définies par les astronomes ;
  • déterminer le premier et le dernier jour de chaque mois lunaire déclinés à l’heure locale.

 
 
 
 

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5 commentaires

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  1. je crois que ces raisonnements avec clarte de suivre les calculs astronomiques , nous sont favorables .
    les epoques ne sont pass les memes. on doit s adapter a la notre.
    perso je suis convaincu par le seul argument que les horraires des prieres ne sont pas fixees explicitement dans le coran ni dans la vie du prophete mais ce sont des savants qui ont gaspiller leur efforts pour nous faciliter .

  2. salam
    en France , la capitale se trouve à paris, les représentants musulman doivent se trouver à paris, (la grande mosquée de paris) et c’est à eux de dire quand le jour de ramadan commence et à eux de suivre le prophète car ils sont les héritiers des prophètes.
    “Héritier veut dire que la personne précédente t’a laissé une poule et toi tu dois récupérer la poule et non une vache. ”
    Le prophète regarda le ciel , s’ il voit la lune alors c’est l’heure et si il ne la voit pas pour x raison , il rajoute 1 jour, ce n’est pas compliqué.

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