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Fondements spirituels du jeûne

Oser les mots

« Pourquoi dire humanité quand c’est bestialité qu’il conviendrait de dire si on craignait moins les mots ! » Nous empruntons cette phrase à Marcel Godin écrivain québécois et ancien journaliste. La conscience allégée, car appartenant à un nouveau continent, l’auteur se montre lucide. Loin du danger des « mots », il se permet la sobriété et le recul nécessaire pour les discuter, et exprime ingénument son étonnement que l’on n’appelle pas les choses par leurs noms.

Qu’appelle-t-on humanité ? Pourquoi l’appeler ainsi s’il ne s’agit en fait que de bestialité ? s’interroge l’auteur. Son ouvrage intitulé « une dent contre Dieu »1 retrace l’histoire d’une adolescente québécoise de l’âge tendre à l’age adulte. Une croissance désespérée et tenace qui traverse une enfance mal-aimée et des années d’internat chez les « Pères », sous un ciel lourd de frustration et de culpabilité.

Si on prenait moins Dieu pour perchoir des bêtises humaines, l’ouvrage aurait bien porté le titre d’« une dent contre l’humanité » qui se rabaisse au rang de la bestialité.

Humanité et bestialité

Le personnage principal de l’auteur représente le modèle d’un être consommé, comme beaucoup dans le monde, par des conditions de vie néfastes. Par ailleurs, à l’opposé de ce premier modèle, le monde regorge d’êtres consommés eux par l’opulence. Les premiers, nécessiteux, s’exténuent2 dans la quête de leurs besoins vitaux. Les seconds, bien nourris, s’exténuent dans la jouissance. Tous ensemble s’exténuent dans la vie ici-bas. Voici comment se présente à notre sens la bestialité à visage humain.

La notion de bestialité dans le Coran concerne tout être menant une vie confinée dans les besoins terrestres. Une vie coupée de Dieu, qui séquestre ses propres finalités, qui manque de sens et n’aspire point à la vie dernière.

Homme, quelle créature !

La révélation coranique nous informe sur les anges et les animaux. Les premiers, créés de lumière et dépourvus d’instinct, sont infaillibles aux ordres de Dieu. Les seconds présentent un modèle de vie fondé sur l’instinct et qui n’est sujet à aucune prescription divine.

Créé d’un corps en chair et d’un « souffle divin »3, chacun de ces deux composants exerce sur l’Homme un pouvoir particulier en sa propre faveur. Le premier tend à faire de lui une « bête intelligente ». Le second, lumineux et d’inspiration divine, restitue à l’Homme, une fois développé, sa qualité de créature honorée.

La double composition de l’Homme est à l’origine de la difficulté qu’on éprouve à le définir. En effet, c’est une grande labeur que de faire l’impasse sur la révélation divine et d’essayer de se définir soi-même avec si peu de connaissances.

Tromperie

 « Ô ! Homme, lit-on dans le saint Livre, qui te trompe au sujet de ton Seigneur Généreux qui t’a créé ? »4

Définir l’homme loin de la révélation aboutit à de fâcheuses frustrations. Une grande « tromperie » est celle de présenter l’Homme en bête intelligente abandonnée à son sort dans un immense univers et attendant de finir dans le néant , alors que le Seigneur Généreux est là. Pour les uns, notre créature est complètement assujettie à la fatalité de l’Histoire et n’a de valeur que par le travail qu’elle fournit. Pour les autres, elle doit être libérée de toute considération morale et n’a de valeur que par son potentiel de se procurer la jouissance. Insouciants à la « grande nouvelle »5 de la Résurrection, les uns et les autres prônent la bestialité de l’Homme.

Ce trésor, qu’est le fils d’Adam par le souffle divin qu’il contient, doit être dégagé du trou de la bestialité et mis en valeur. En effet, c’est une précieuse créature par l’intérêt que Dieu lui attache. En témoigne le nombre de Messagers qu’Il lui a consacré et la prédestinée dans la vie éternelle qu’Il lui réserve.

Faire son choix

« Certes, réussira celui qui aura purifié son âme, prononce Dieu Exalté, et perdra assurément celui qui l’aura avilie. »6 L’âme s’avilit sous l’emprise de la nature bestiale lourde et imperméable à la souvenance de Dieu. Le terme « purifier » traduit le sens conventionnel du terme arabe originel, lequel signifie la valorisation et la fructification.

Doué d’une raison, l’Homme peut se perfectionner dans les deux sens. Son choix se répercutera sur son devenir et sa vie éternelle.

En Islam, maîtriser ses penchants bestiaux est un axe principal de travail sur soi. Un travail de valorisation de l’être qui permet à la volonté de triompher sur la nécessité et les impulsions. Celui-ci s’inscrit parmi cinq principes, connus sous le nom de « piliers de l’islam », et selon lesquels l’éducation islamique doit évoluer. Nous empruntons l’expression de ces derniers à Abdessalam Yassine dans son ouvrage « la révolution à l’heure de l’islam. »

  1. La conscience d’appartenir à Dieu souverain, c’est l’attestation de foi.

  2. L’attitude multiquotidienne de la prière, c’est la personne soumise à Dieu qui s’exerce à la présence.

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  3. Le détachement des biens terrestre par l’aumône et le don, c’est la personne présente à Dieu qui prouve concrètement sa soumission.

  4. Le sacrifice des plaisirs et des passions par la discipline du jeûne qui ne se limite pas à se priver de nourriture, mais exige la continence sexuelle, l’abaissement des tensions sociales par le don, l’affabilité pour contrer la mauvaise humeur naturelle aux egos virulents frustrés, le refus de l’émotion et de l’excitation, la maîtrise de la langue et de tous les organes. Le jeûne est l’épreuve de purification annuelle qui permet à la personne islamique de retrouver l’équilibre du côté spirituel que onze mois de liberté sont faits pour dérégler.

  5. L’abandon symbolique de tout pour aller à Dieu en pèlerinage, c’est l’occasion, une fois au moins dans la vie, d’échapper aux contraintes quotidiennes pour dépasser l’ego casanier et collé à ses habitudes de confort.

Vivement le jeûne

Pour alléger nos « tensions bestiales » et favoriser notre ascension spirituelle, Dieu nous a prescrit le jeûne en un mois de miséricorde. La finalité du jeûne est bien explicite : « afin que vous atteigniez la piété »7 précise le Coran. L’expérience montre que pendant le mois de Ramadan la spiritualité augmente considérablement, en témoignent les mosquées toutes débordantes de fidèles en pieuse adoration.

Boire, manger, la colère, la rancune, la calomnie, le mensonge, autant d’actes que Dieu freine ou proscrit lors de ce mois ou ailleurs pour favoriser en nous notre nature céleste.

Un répit, un moment de détente et de soulagement spirituel. Après une bataille acharnée contre les fâcheux démons, les voici maintenant retirés de la scène. On a le temps de mieux ressentir les besoins de l’âme, sa nostalgie envers son Seigneur. On aimerait vraiment que toute l’année soit un long Ramadan.

Notes :

1 Publié chez Robert Laffont en 1969

2 Par la formule « s’exténuer dans » nous essayons d’exprimer le sens du concept coranique de « Taraf » cité entre autre dans le Coran v.33/s.23.

3 La référence est faite au Coran : v.9/s.32, v.29/s.15 et v.72/s.38 sur le thème de la création de l’Homme et d’Adam, puisse Dieu le saluer, en particulier.

4 Coran v.6/s.82

5 Coran s.78

6 Coran v.9/s.91

7 Coran v.184/s.2

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