Alors que les habitants de Portland, dans l’Oregon, songent encore avec effroi au destin foudroyé de Ricky John Best, 53 ans, et de Taliesin Namkai-Meche, 23 ans, ces deux héros locaux d’un quotidien endeuillé par la haine meurtrière – ils ont été tués à coups de couteau par un suprémaciste blanc, le 26 mai dernier, pour avoir volé à la rescousse d’une jeune musulmane voilée victime de la fureur raciste de ce dernier – les larmes de Frederick Nolan Sorrell, accusé d’un crime de haine à caractère islamophobe, n’ont guère ému le tribunal du comté de Multnomah, lundi matin.
Près de deux mois après ce double homicide abominable, la comparution dans le prétoire, la mine contrite, de cet Américain de 49 ans qui s’est déchaîné fin mai contre un couple musulman, pétrifié par sa folle course poursuite en voiture et le flot d’injures qui sortait de sa bouche, a échoué à convaincre la justice de l’honnêteté de sa ligne de défense : il plaide en effet non coupable, en dépit de preuves et de témoignages accablants.
Si Frederick Nolan Sorrel a pleuré devant le juge du tribunal de Multnomah, c’est surtout sur son sort, à la consternation des responsables du Conseil sur les relations américano-islamiques (CAIR) présents à l’audience. Ceux-ci ont été effarés de le voir davantage s’apitoyer sur lui-même que sur ses victimes musulmanes, dont les nuits sont désormais hantées par le souvenir de cette agression pleine de bruit et de fureur.
Niant avoir pointé une arme sur le couple, contrairement à ce qu’affirment catégoriquement le mari et la femme visiblement traumatisés, il reconnaît toutefois leur avoir crié dessus, mais en ayant, comme par hasard, oublié les propos menaçants hurlés en plein jour, sous les yeux de témoins apeurés. « Enlève ta burka, ici c’est l’Amérique, retourne dans ton pays ! », vociférait-il, tout en donnant de grands coups de pied à leur véhicule. Mais là encore, il est frappé opportunément d’une amnésie passagère…
« Je suppose que c’est ma peur et la paranoïa qui m’ont fait agir ainsi. J’ai juste crié », s’est défendu Frederick Nolan Sorrel, sur un ton larmoyant, devant les médias, ajoutant en feignant de battre sa coulpe : « Je suppose que mon ignorance et ma bêtise sont les raisons pour lesquelles j’ai ouvert la bouche. Je ne souhaite pas la mort de ces personnes ».
Sorti libre du tribunal pour avoir joué la carte de l’innocence, avec l’interdiction formelle d’alimenter sa page Facebook sur laquelle ses commentaires orduriers ne laissent subsister aucun doute sur l’islamophobie primaire qui l’anime, il empruntera à nouveau le chemin du prétoire en août prochain, afin de savoir si ses larmes de crocodile ont plaidé ou non en sa faveur.
Elles ont en tout cas laissé de marbre Zakir Khan, le porte-parole de l’antenne du CAIR en Oregon, qui a vivement remercié le maire et la police de Portland pour la diligence avec laquelle ils ont traité cette affaire. Celui-ci nourrit l’espoir que l’arrestation de ce dangereux individu aura des effets dissuasifs sur les islamophobes de son espèce, prêts à passer à l’acte et à commettre l’irréparable.
Etats-Unis : l’agresseur d’un couple musulman plaide non coupable en larmes
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