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Dieu et l’électron

« Tout ce que nous nommons réel est fait de choses qui ne peuvent être considérées comme réelles1. »

« La mécanique quantique est la plus exacte et la plus mystérieuse de toutes les théories physiques2. »

« Dieu est un mathématicien de tout premier ordre, et il a utilisé des mathématiques très élaborées pour construire l’Univers3. »

L’on doit la première citation à l’illustre physicien Niels Bohr (1885-1962). Celui-ci jeta les bases de la physique atomique moderne et obtint le prix Nobel de physique en 1922. Quant à la deuxième, elle émane d’un autre géant de la science tant mathématique que physique. Il s’agit de l’immense Roger Penrose. Né en 1831 en Angleterre, il contribuera à la théorie de la relativité générale ainsi qu’à la modélisation des trous-noirs. Enfin, la troisième citation est celle de Paul Dirac (1902-1984).

Physicien de génie, mais aussi mathématicien, il marqua profondément la physique du XXème siècle en prédisant l’existence de l’antimatière et, en particulier, celle de l’antiélectron appelé positron. Rappelons que lorsque l’antimatière et la matière se rencontrent, elles s’annihilent totalement dans une explosion libératrice de lumière. Prix Nobel de physique en 1933, Paul Dirac fut l’un des précurseurs de la mécanique quantique.

Les présentations faites, voyons à présent le lien entre ces citations, Dieu et l’électron. Pour ce faire, commençons par rappeler ces évidences au sujet de la matière et de ses états. Nous savons tous, en effet, ce qu’est un corps chaud car l’on sait ce qu’est un corps froid, et inversement. De la même façon, nous avons la notion sensitive de ce qu’est la matière dure, telle la pierre ou le métal, parce que l’on sait à contrario ce qu’est la matière molle telle la pâte à modeler, pour ne citer que cet exemple.

Même chose pour un champ magnétique dont nous constatons et sentons son intensité lorsque l’on approche un aimant d’un objet contenant du fer. Celui-ci est alors attiré plus ou moins fortement. En conséquence de quoi, et c’est là un point fondamental qu’il nous faut bien comprendre : les physiciens en réalité mesurent non pas l’essence d’un phénomène mais ses variations ou ses effets.

Pour illustrer notre propos, songeons à une pomme. Sans difficulté, nous pouvons la caractériser par sa forme, sa couleur, sa fermeté, sa température, sa masse, son extension spatiale, sa localisation (frigidaire, table, estomac), etc. Cette pomme, nous le savons, est composée d’une très grande quantité de molécules qui elles-mêmes sont formées d’atomes. Quant à l’atome, c’est un ensemble d’électrons “gravitant” autour d’un noyau dont on examinera la constitution ci-après.

Considérons à présent l’électron. Cette particule est dite élémentaire car elle n’est composée que d’elle-même et de rien d’autre. Dit autrement, l’électron n’a pas de structure interne, contrairement à la molécule ou à l’atome. Mais puisque l’électron est composé de rien sinon de lui-même, qu’est-il au juste ? Étant dépourvu de sous-structure, les notions mêmes de forme, de température, intimement liée à l’agitation moléculaire dans la matière, etc., se vident de leur substance. Il en résulte que l’électron n’est ni “dur”, ni “mou”, ni chaud, ni froid, etc.

Bref, il est absolument indéfinissable à l’aune de nos sens car sa réalité physique nous échappe totalement. Il est un absolu mystère. C’est là que prend toute sa signification la première des trois citations : « Tout ce que nous nommons réel est fait de choses qui ne peuvent être considérées comme réelles. » Et pourtant, l’électron existe bel et bien ! Ce n’est pas tout. Car avec l’avènement de la mécanique quantique, branche majeure de la physique qui décrit le monde de l’infiniment petit dont fait partie l’électron, le mystère s’épaissit encore un peu plus. Et pour cause, car en vertu du principe de superposition des états, un fondement de la mécanique quantique, l’électron peut être simultanément en plusieurs endroit à la fois ! Cette particule possède donc le don d’ubiquité. Et cela n’est en aucun cas une vue de l’esprit. De nombreuses expériences ont largement établi cette réalité déroutante.

De plus, il a été observé à maintes reprises en laboratoire que l’électron possède une personnalité duale : tantôt il se comporte comme une particule, tantôt comme une onde. Aussi, parle-t-on de dualité onde-corpuscule pour décrire le très étrange comportement de l’électron. D’autres “bizarreries”, qu’il serait trop long de décrire ici, font de la mécanique quantique une branche de la physique moderne des plus déconcertantes et dont les applications sont innombrables.

Citons pêle-mêle les lasers, les lecteurs de DVD, l’imagerie médicale, les semi-conducteurs, etc. Ce n’est donc pas en vain que le très renommé physicien Roger Penrose formula la seconde citation en ces termes : « La mécanique quantique est la plus exacte et la plus mystérieuse de toutes les théories physiques4. » Lauréat du prix Nobel en 1965 pour ses travaux en électrodynamique quantique, Richard Feyman (1918-1988) physicien de génie, passionnant et passionné, ira plus loin en disant, sur un ton un rien provocateur, que les physiciens ne comprennent pas grand-chose à la mécanique quantique : « Je pense pouvoir affirmer sans risque que personne ne comprend la mécanique quantique5 ».

Revenons à présent à l’électron qui n’est pas la seule particule à être dotée de ces propriétés défiant le sens commun. À la vérité, c’est le cas de toutes les particules du monde de l’infiniment petit puisque ces dernières sont toutes soumises, sans exception, aux lois de la mécanique quantique. Il n’en demeure pas moins que l’électron possède une autre caractéristique qui en fait une particule absolument unique : sa charge électrique de valeur -1. Celle-ci vient s’ajuster de façon miraculeuse à celle du proton qui vaut +1. Raison pour laquelle les briques fondamentales de la matière, les atomes, constitués d’un noyau atomique fait de neutrons (dépourvus de charges électriques) et de protons, sont neutres sur le plan électrique et que, partant, l’on ne s’électrocute pas lorsque nous touchons les objets de la vie courante.

Quant aux protons et aux neutrons, ils sont constitués de particules élémentaires : les quarks up et down que l’on note respectivement u et d. Ces particules élémentaires, tout comme l’électron, sont apparus, d’après le modèle standard de la cosmologie, immédiatement après le BIG-BANG qui s’est produit il y environ 13,7 milliards d’années. Le quark u possède une charge électrique fractionnaire valant +2/3.

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Le quark d possède lui une charge électrique négative égale à -1/3. Et tout proton est composé de deux quarks u et d’un quark d. Cela explique pourquoi, lorsqu’on effectue la somme des charges électriques des particules composant le proton (2/3 + 2/3 – 1/3 = 3/3 = 1), on trouve la valeur +1, c’est à dire EXACTEMENT celle opposée à la charge de l’électron qui vaut -1. Et nous touchons-là du doigt le miracle absolu de l’électron !

Car comment expliquer que le BIG-BANG ait produit les quarks u et d avec les charges électriques diaboliquement ajustées permettant la formation des protons de charge électrique +1 contrebalançant celle, négative et de valeur -1, des électrons. Car il importe de bien comprendre que si les quarks u et d n’avaient pas eu cette heureuse idée de se doter de ces charges électriques-là, la matière, telle que nous la connaissons aujourd’hui, n’aurait JAMAIS pu se développer. Et par suite, pas de molécules d’eau, pas de vie, pas d’êtres humains…

Or, la charge électrique de l’électron aurait pu prendre n’importe quelle valeur parmi une infinité d’autres. L’on peut donc à raison parler de miracle. Et le mot n’est pas trop fort. Illustrons notre propos avec le jeu du Loto. Ceux qui y jouent savent que le nombre de combinaisons possibles est très élevé. Mais ils jouent tout de même car, malgré tout, ce nombre de combinaisons n’est pas infini. Ainsi donc, la probabilité de gagner, bien que très faible, n’est pas nulle. Dans le cas qui nous préoccupe, c’est-à dire celui de l’électron, il existait une infinité de possibilités de choix quant à la valeur de sa charge électrique.

Et c’est la bonne “combinaison”, si l’on peut s’exprimer ainsi, qui est “sortie”, à savoir -1. Ce qui, en termes de probabilité correspond à un événement impossible du fait du nombre infini de choix possibles pour la valeur de la charge électrique de l’électron. À l’aune de ce qui vient d’être dit, on comprend mieux le sens de la troisième citation, celle du physicien Paul Dirac : « Dieu est un mathématicien de tout premier ordre, et il a utilisé des mathématiques très élaborées pour construire l’Univers6. » Sans l’aide d’une “action extérieure”, ou d’un coup de pouce pour être plus explicite, l’électron n’aurait pas pu apparaître du néant doté de cette charge électrique de valeur -1 grâce à laquelle la matière a pu se former.

Nous sommes donc face à un objet physique, l’électron, dont l’existence défi le sens commun dans la mesure où son essence est totalement inaccessible au cerveau humain car l’on ne sait pas de quoi il est fait. En outre, quelle entité, inerte ou vivante, à l’exception de Dieu, peut se prévaloir de posséder cet incroyable pouvoir d’être simultanément en plusieurs endroits ?

Enfin, la valeur, plus qu’énigmatique, de sa charge électrique peut être considérée comme un signe absolument probant de l’existence de Dieu car le hasard ne peut expliquer cette valeur. Ainsi donc, d’un point de vue statistique, la probabilité que l’électron ait émergé, immédiatement après le BIG-BANG, avec la bonne charge électrique, c’est-à dire -1, est rigoureusement nulle. Il s’agit donc là d’un évènement statistiquement impossible au sens mathématique du terme.

N’y a-t-il pas dans l’électron quelque chose qui s’apparente au divin, si l’on définit le divin comme étant l’inexplicable ? L’électron nous parle. Et il nous dit ceci : « scrutez-moi et vous y verrez une trace de Dieu ». Oui, la physique n’est pas seulement l’étude de la matière. Elle est aussi un chemin menant à Dieu.

1 Joane Baker, 50 clés pour comprendre la physique quantique, Dunod, 2017, p. 36.

2 Aslangul, Claude. « Théorie quantique et médecine : le point de vue d’un physicien », Hegel, vol. 2, no. 2, 2016, pp. 130-139.

4 Aslangul, Claude. « Théorie quantique et médecine : le point de vue d’un physicien », Hegel, vol. 2, no. 2, 2016, pp. 130-139.

5 Jean-Louis Basdevant, Introduction à la physique quantique, Édition De Boeck Superieur, 2017, p. 343.

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