L’histoire se répète. Dans le cadre de la consultation qu’il avait impulsée en direction des musulmans à l’automne 1999, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur, avait proposé à la signature des grandes associations musulmanes une “déclaration d’intention” relative au cadre légal de la laïcité qui “ne peut faire l’objet d’une négociation”.
Il s’agissait de faire entrer l’islam de France dans le droit commun. Ce qui signifiait qu’il ne l’était pas… (?) L’opération a capoté. C’est Nicolas Sarkozy qui l’a menée à bien en 2003. Mais pour quel résultat ?
En 1999/2000, la discussion avait achoppé – et donc fait l’objet d’une «négociation» – sur la question du droit à changer de religion, autrement dit du droit à l’apostasie, selon le droit musulman (riddah ou irtidad)
Les associations musulmanes avaient refusé d’avaliser cette formule qui aurait équivalu, selon leur conception de l’islam, à une trahison du dogme.
Avec Leïla Babès, nous avions signé, dans Libération, le 26 juin 2000, un article qui dénonçait cette reculade :
«Quel serait le sort réservé à tous ceux, apostats (nous disons bien apostats) ou musulmans, qui exercent leur droit à la libre pensée, ou dont les convictions propres sur l’observance religieuse, les normes juridiques ou toute autre question, peuvent être jugées condamnables ? Combien de penseurs musulmans ont été accusés d’apostasie pour avoir seulement défendu les droits de l’homme ou une analyse différente ! Qu’on se remémore le destin de Mahmoud Mohammed Taha (pendu au Soudan en 1985), de l’égyptien Farag Foda (assassiné en 1992), de Nasr Abou Zeid, contraint à l’exil après le verdict de son divorce forcé par un tribunal égyptien convaincu de son apostasie…»
Aujourd’hui, on recommence. Mais les associations musulmanes ont apparemment changé de conviction. Le texte de 2021 dit : «Ainsi les signataires s’engagent à ne pas criminaliser un renoncement à l’islam, ni à le qualifier “d’apostasie” (ridda), encore moins de stigmatiser ou d’appeler, de manière directe ou indirecte, à attenter à l’intégrité physique ou morale de celles ou de ceux qui renoncent à une religion. Cela traduit un respect de toutes les opinions et de toutes les expressions admises par la loi et surtout un principe républicain essentiel : la liberté de conscience.» Bien.
Mais je souhaiterais savoir ce qui dans le droit musulman permet soudainement le droit à changer de religion. Les Frères Musulmans ont-ils modifié le fiqh (droit musulman) ? Pourquoi ce changement ? Quels sont ses fondements ? Comment croitre à la sincérité d’une telle volte-face ?
Michel Renard
Directeur de l’ex-revue Islam de France
Réf. «Quelle liberté de conscience ?», Leïla Babès, Michel Renard, Libération, 26 juin 2000.
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