in

Une charte qui veut protéger les pèlerins : Stop au commerce frauduleux de la foi

L’année dernière à Saint-Etienne, 70 pèlerins avaient le cœur gros. Alors que depuis de nombreux mois ils avaient prévus d’effectuer le Hajj – pèlerinage alors que depuis de nombreuses semaines leur volonté d’accomplir leur devoir de musulman se faisait de plus en plus grande, alors qu’ils s’étaient renseignés sur les différentes invocations à faire en arrivant à la Mecque… leur avion n’a même pas pu décoller du sol français. L’escroquerie était de taille, 170 000 euros que la mosquée de St Etienne a dû rembourser ! L’agence située à Genève qui prétendait leur vendre le voyage de leur vie avait disparu de la circulation avec l’argent des pèlerins bien sûr [1]. A la même époque, 300 pèlerins ont été trompés par une agence de voyage lyonnaise. Partis avec 15 jours de retard, sur place ils n’avaient trouvé ni l’encadrement, ni l’hébergement promis par leur agence [1].

Par ailleurs, le CRCM Rhône Alpes a recueilli des témoignages poignants de pèlerins ayant effectué le voyage aux lieux saint de l’Islam des conditions déplorables (Hôtel insalubre, pèlerins résidant à cinq dans la même chambre, absence de contrat de voyage, règlement en espèce, refus de donner un quelconque reçu, publicité mensongère, faux visas, manque de sécurité, guide malintentionné…). En quelques années, le Hajj transformé en véritable commerce de la Foi est devenu un marché très lucratif.

Selon les chiffres officiels du ministère de l’intérieur, environ 30 000 [2] ressortissants français se sont rendues à la Mecque en 2007. A titre de comparaison le nombre de pèlerins en partance de Tunisie pour la même année était de 11 000. Cette année, et en raison d’un vaste programme de restructuration des lieux saint à la Mecque, des centaines d’hôtels ont été démolis. Conséquence, le pèlerinage coûtera entre 3 500 et 4 000 euros soit une augmentation de 30% à 40% par rapport à 2007. En France, environ 70 agences de voyages (dont une trentaine seulement est accréditée par l’ambassade d’Arabie Saoudite) ainsi que des associations, des mosquées et surtout des rabatteurs se partagent sans aucun contrôle un marché très juteux évalué à plus de 100 millions d’Euro. [3]

On le voit bien, le “marché” du pèlerinage en France souffre d’une profonde désorganisation où les différents acteurs donnent peu d’importance à la dimension spirituelle de ce cinquième pilier de l’islam. Le Hadj – pèlerinage est le voyage d’une vie pour certains musulmans, qui économisent durant des années pour aller à la rencontre de Dieu, sur le Mont de Arafat proche de la Mecque.

Comment ces pèlerins sont ils traités avant, pendant et après le pèlerinage ?

Quel gage de sérieux, de sécurité et de crédibilité peut-on accorder à des agences de voyage ou des associations dont certaines n’ont d’existence que pendant la période du pèlerinage ?

Que faire en en cas de problème ?

Que font les autorités religieuses face à toutes ces dérives ?

Comment expliquer le silence des autorités publiques devant ces centaines de français musulmans qui sont victimes chaque année d’escroquerie. ?

Il faudra un jour ou l’autre donner des réponses à toutes ces questions et tant d’autres.

Publicité
Publicité
Publicité

A l’approche du prochain Hadj, le Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM) en Rhône-Alpes (en concertation avec la préfecture du Rhône) constatant certaines dérives récurrentes lors de l’organisation du pèlerinage à la Mecque, a initié un document à portée morale intitulé la « charte du pèlerin ». Ce document qui prend appui sur la loi du 13 juillet 1992 a pour ambition de moraliser l’organisation du pèlerinage en établissant un protocole à adopter par les agences de voyages du Rhône, à la fois en matière de contrat de voyage et d’organisation.

Cette charte permettra aux pèlerins de voyager dans les meilleures conditions possibles. L’objectif est de mettre un peu d’ordre dans ce commerce de la foi car il est nécessaire de formaliser l’encadrement du pèlerinage et de responsabiliser les agences de voyages. Il faut que ce soit un réel contrat d’engagement dans un secteur confronté chaque année à de nombreuses escroqueries.

Sur place, il y a 3 millions de personnes, il est donc très important de bien coordonner et organiser car la moindre erreur peut avoir des conséquences dramatiques (effondrement d’un immeuble délabré il y a quelques années). Ce voyage étant à risque, il nécessite que les meilleures conditions soient offertes aux pèlerins. C’est pour cela que la préfecture de région soutien le projet car le rôle de l’Etat est aussi de garantir la sécurité des pèlerins. Cette charte qui est une première en France est avant tout destinée à protéger le pèlerin conformément à la loi (code du Tourisme, la loi du 13 juillet 1992).

En plus de la charte, le CRCM Rhône-Alpes va éditer un guide du pèlerin intitulé Le Pèlerinage à la Mecque – Mode d’emploi : « Quelques conseils pratiques pour un pèlerinage en toute tranquillité ». Mis à part les conseils d’ordre théologique, ce guide comporte des conseils et des recommandations sanitaires et juridiques. Il est destiné à informer le futur pèlerin sur l’agence organisatrice, les formalités administratives, les formules proposées, les dépliants publicitaires et autres prospectus distribués.

En effet, alors qu’il nécessite en moyenne 3500 € cette année, le pèlerinage à la Mecque est le seul voyage en France ou aucun contrat de voyage n’est fourni au pèlerin. Alors qu’en application du code du Tourisme, l’agent de voyage a l’obligation d’informer par écrit, avant la conclusion du contrat, du contenu des prestations proposées relatives au transport et au séjour, du prix et des modalités de paiement et des conditions d’annulation du contrat. C’est pourquoi, le CRCM Rhône-Alpes a édité le premier contrat de voyage type reprenant les informations nécessaires. Il sera proposé à toutes les parties organisant le pèlerinage sur la région lors du prochain pèlerinage.

Mis à part sa dimension spirituelle et son caractère cultuel, le pèlerinage à la Mecque est du point de vue organisation un produit touristique comme un autre, qui demande une expérience et une maîtrise et devrait revenir aux professionnels et non pas à de simples administrateurs sans aucune connaissance des réalités du terrain. A travers ce modeste travail, le CRCM Rhône-Alpes espère relancer le débat sur un sujet devenu tellement sensible qu’aucune personne, ni aucune institution ne veut y travailler pour proposer des solutions qui permettraient aux musulmans de France d’effectuer ce cinquième pilier de l’islam dans les mêmes conditions de respect et de dignité que les autres musulmans du monde entier.

[1] Xavier Breuil “Mon voyage à La Mecque ? Un cauchemar” Le progrès, 24 Avril 2008

[2] Bilan du Grand pèlerinage à La Mecque (février 2007), Le ministère de l’intérieur http://www.diplomatie.gouv.fr

[3] Le ministère de l’intérieur avance le chiffre de 30 000 pèlerins pour cette année 2007. Le coût moyen d’un voyage est de 3500€ (total 105 millions d’€)

Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0

L’ « Islam des quartiers », un impensé sociologique ? (2/2)

Sondage sur la finance islamique à la française