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Non à une nouvelle diabolisation de l’Islam, oui à la finance islamique dans l’intérêt de notre pays !

En exclusivité sur Oumma.com, Hervé de Charette, Président de l’Institut Français de Finance Islamique, signe un droit de réponse pédagogique et éclairant, qui bat en brèche la rhétorique désormais convenue de la peur, reprise à son compte par l’observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires le 20 novembre dernier, sous le titre annonciateur d’un parti-pris sans nuances : « La finance islamique menace la laïcité française ».

Sous une plume alerte et convaincante, l’ancien ministre des Affaires Etrangères, à la tête de l’Institut Français de Finance Islamique porté le 9 décembre sur les fonts baptismaux, lors de la troisième édition du Forum Français dédié à la finance « Shariah compatible », apporte la contradiction étayée à une polémique spécieuse, qui se complaît dans la propagation d’une fantasmagorie obscurantiste et stérile.

A découvrir prochainement sur OummaTV : le reportage sur la Troisième Edition du Forum Français de la Finance Islamique.

Après les minarets, la finance islamique sera-t-elle interdite de droit de cité ? On peut le craindre à la lecture du point de vue publié le 20 novembre dernier sous le titre « La finance islamique menace la laïcité française ».

Diantre ! L’affaire semble sérieuse. Hélas, l’argumentation qui la sous-tend l’est beaucoup moins. D’abord, par l’emploi de phrases délibérément exagérées qui ont pour seul but de faire peur : « la Charia a tenté de faire son entrée dans la législation française » ou encore « la France se doit de ne se plier aux impératifs d’aucune religion ». Ensuite, par le recours à la théorie du complot. A lire cette tribune, on vous cache tout, on ne vous dit rien : « dans le cadre feutré », « dans la moiteur de juillet » jusqu’à ce que « l’affaire éclate au grand jour ».

Or, cette question est ouvertement en débat depuis de longs mois et personne ne s’en cache. La preuve, les colloques, conférences de presse, articles et ouvrages se sont multipliés à ce sujet. Enfin, dernier procédé rhétorique spécieux : en introduction on nous annonce vaillamment que le « Conseil constitutionnel a écarté le danger, provisoirement il est vrai, en attendant une nouvelle offensive » mais il faut attendre la deuxième moitié de la tribune pour apprendre qu’il s’agissait non pas d’une décision sur le fond mais d’une censure de pure forme.

Pourtant, la finance islamique ne mérite ni excès d’honneur ni excès d’indignité. Essayons de faire la part des choses en ayant pour seule boussole l’intérêt de notre pays.

De quoi s’agit-il au juste ? La finance islamique est apparue dans les pays musulmans en raison de l’interdiction qui est faite dans le Coran du prêt à intérêt, le « riba ». Si l’origine est religieuse, la finance islamique – comme son nom ne l’indique pas – vise précisément à contourner cet interdit pour répondre aux besoins d’une économie moderne. Ce qui a donné un système ingénieux et innovant qui repose sur quelques principes simples : l’adossement à l’économie réelle, la rémunération en fonction des flux de trésorerie, le partage des pertes et profits entre le prêteur de capitaux et son emprunteur. On est bien loin d’un quelconque débat sur le sexe des anges !

Pourquoi faut-il adapter notre législation pour accueillir la finance islamique ? Du fait de son récent développement international, la finance islamique est généralement victime d’obstacles législatifs et de surcoûts fiscaux. C’est pourquoi de nombreux pays, la Grande-Bretagne ou l’Allemagne par exemple, ont adapté leur législation pour éliminer ces obstacles et ces surcoûts. L’enjeu pour la France est donc de participer à ce mouvement afin d’être capable d’attirer elle aussi ces investissements pour le développement de notre pays.

La France doit donc prendre en marche le train de la finance islamique. Cela ne nécessitera pas de révolution juridique. En réalité, il s’agit surtout d’éliminer quelques « frottements » réglementaires et fiscaux qui, aujourd’hui, rendent les instruments de la finance islamique plus onéreux que les instruments standards.

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Et la laïcité ? Les adaptations qui sont nécessaires ne reviennent nullement à importer la Charia dans notre législation en contravention avec le principe de laïcité auquel nous sommes tous attachés. Bien au contraire !

Il s’agit en réalité d’appliquer le principe de neutralité qui est au cœur de la laïcité : l’objectif est de rendre notre législation fiscale neutre vis-à-vis de la finance islamique alors qu’aujourd’hui elle souffre d’une certaine forme de discrimination. Au surplus, ces adaptations sont similaires à celles qu’opèrent les conventions visant à empêcher les doubles impositions, que nous signons plusieurs fois par an avec des pays étrangers : et pourtant, à chaque fois, personne n’ose dire que la France est en train de « plier » !

Je demande aussi qu’on veuille bien replacer la finance islamique dans le contexte plus général de la demande croissante de la population pour des instruments financiers éthiques, respectant les convictions sociales, environnementales ou religieuses des consommateurs. De telles initiatives voient le jour un peu partout, y compris au sein de l’Eglise catholique. La finance islamique n’est que le simple avatar de cette démarche qui n’a, en soi, rien de choquant.

Est-ce dans l’intérêt de la France ? La réponse est trois fois oui !

Oui, car la finance islamique représente une véritable opportunité géopolitique. Alors que nous devons faire face au risque de choc des civilisations que beaucoup alimentent en cultivant les clichés et les fantasmes, il n’est pas anodin de pouvoir créer des liens financiers, en plus des liens commerciaux, à travers la planète et notamment entre l’Occident et le monde musulman. Le développement de la finance islamique apparaît ainsi, potentiellement, comme le prolongement du « doux commerce », facteur de paix cher à Montesquieu.

Oui, car la finance islamique permet de répondre aux besoins de financement de la France. Notre pays a grandement besoin d’investir pour son avenir comme en témoigne le « grand emprunt ». Pour cela, il doit être en capacité d’accueillir favorablement les investisseurs originaires du monde musulman qui souhaitent contribuer au développement de notre appareil productif et de recherche. Il ne faut pas plus rejeter la Finance islamique qu’il ne convient de refuser les fonds souverains au nom de je ne sais quel prétendu patriotisme économique dont le sens ne peut pas être le même aujourd’hui qu’hier. Il y va de la croissance présente et future.

Oui, car nous devons renforcer ce qu’il est convenu d’appeler la « place de Paris », c’est-à-dire notre système financier et notre capacité à le réguler. La raison en est simple : une place financière dynamique et « profonde » permet d’offrir à nos entreprises, les grandes mais surtout les moyennes qui cherchent à grandir, les moyens de leur développement. Ceci est d’autant plus vrai qu’avec la crise financière internationale, les acteurs du système financier réduisent la voilure et vont se concentrer dans quelques grandes places.

Paris doit en être et pour cela elle doit pouvoir compter sur l’apport non négligeable de la finance islamique. En renforçant la place de Paris, la capacité de la France d’influer le débat sur la régulation financière internationale sera plus importante. Les régulateurs ont intérêt à ce que la finance islamique soit à Paris et pas à la City !

Formons un vœu en forme de conclusion. Que le débat sur la finance islamique, qui est légitime et que nous ne refusons pas, soit un débat où la raison l’emporte sur les passions. Au moment où notre pays est traversé par un grand débat sur son identité, nous n’avons pas besoin de fatwas. D’où qu’elles viennent.

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