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Youssef Al-Qaradhawi : « Le ministre français des Affaires étrangères m’a félicité après la libération de Florence Aubenas »

A l’occasion du dernier Conseil européen de la fatwa et des recherches (CEFR), qui se déroulait du 29 juin au 3 juillet à Istanbul (Turquie), le cheikh qatari nous a accordé une interview exclusive. « Si l’islam mondial avait un chef, ce serait lui. On le voit partout. Les médias ont démultiplié la silhouette bonhomme de ce vieillard de 76 ans », assure « Le Monde » dans un portrait consacré à Youssef Al-Qaradhawi l’année dernière (1). Ce savant a sévèrement condamné les attentats du 11 septembre 2001, comme toutes les autres opérations sanglantes d’Al-Qaida, notamment celles qui ont touché Londres en juillet dernier, présentant ses condoléances aux familles et victimes. Cette personnalité incontournable du monde musulman reste néanmoins controversée en raison de sa justification choquante des attentats-suicides au Proche-Orient. Dans cette interview, Youssef Al-Qaradhawi révèle que Philippe Douste-Blazy, le nouveau ministre des Affaires étrangères, lui a adressé une lettre de félicitations, par l’intermédiaire de l’ambassadeur de France au Qatar, pour le remercier de son action en faveur de la libération de la journaliste Florence Aubenas. Alors que les plus hautes autorités françaises lui manifestent leur estime, le cheikh qatari déplore ne pas jouir dans l’Hexagone d’une bonne image. « Je suis pourtant un homme qui prône la tolérance », dit-il.

I.H. : Nous avons appris par votre entourage que la France vous avait manifesté sa sympathie. Pourquoi cette discrétion de votre part ?

Y.A.Q : Michel Barnier, l’ancien ministre des Affaires étrangères, était venu me voir en Egypte en 2004 lorsqu’il tentait de faire libérer les deux précédents otages français, Christian Chesnot et Georges Malbrunot. J’en avais profité pour remercier la France concernant son attitude en Irak. A la suite de cette rencontre, j’ai lancé un appel en faveur de la libération des otages sur Al-Jazira et j’ai pris des contacts personnels avec le comité des savants musulmans en Irak. Par l’intermédiaire de son ambassadeur au Qatar, la France m’a remercié de mes efforts. A la demande de Philippe Douste-Blazy, je suis intervenu une nouvelle fois sur Al-Jazira, cette fois pour demander la libération de Florence Aubenas et d’Hussein Hanoun. Ils se sont retrouvés libres quelques jours plus tard. La France m’a à nouveau remercié officiellement pour mon aide. Je suis discret car je n’ai fait que mon devoir.

I.H. : Avez-vous une idée de l’identité des ravisseurs de Florence Aubenas et d’Hussein Hanoun ?

Y.A.Q. : Non. J’ignore tout des motivations des preneurs d’otages. Je ne suis intervenu qu’auprès des dignitaires irakiens, auprès de ceux qui me portent un peu de respect.

I.H. : Quelle est votre position concernant les prises d’otages ?

Y.A.Q. : C’est un « non » catégorique. J’ai créé récemment une association internationale des savants musulmans, une association indépendante de tous les Etats. Nous avons lancé un appel pour la libération de tous les otages dans le monde. J’en profite pour rappeler que l’islam commande de se montrer correct et digne avec les prisonniers.

I.H. : Une visite prochaine en France est-elle prévue de votre part ?

Y.A.Q. : Je viens très volontiers en France, dès que je reçois une invitation. Ma dernière visite remonte à 2003 à l’occasion d’un Conseil européen de la fatwa. Je profite de cette interview pour dissiper un malentendu. Je regrette profondément cette image d’intégriste que l’on m’attribue parfois dans ce pays. Je suis au contraire un homme tolérant, et je dénonce le terrorisme. J’ai condamné les attentats du 11 septembre.

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I.H. : Certaines publications ont avancé que les Américains vous auraient demandé de convaincre les Frères musulmans syriens de participer au renversement du régime de Damas.

Y.A.Q. : C’est totalement faux. Lors de mon dernier séjour aux Etats-Unis en 1998, je n’ai cessé de prôner le respect de l’être humain. Deux mois plus tard, j’ai reçu une interdiction d’entrer sur le territoire américain. Je peux vous assurer que je n’ai depuis aucun contact avec les Américains.

I.H. : Vos mémoires vont-elles être traduites en Français ?

Y.A.Q. : Les trois premiers tomes de mes mémoires sont déjà parus. Pour la traduction en français, connaissez-vous un éditeur ?

Le cheikh Youssef Qaradhawi n’a pas souhaité répondre à notre question concernant sa définition des attentats-suicides au Proche-Orient, qu’il appelle « opérations de martyre », et qu’il a justifié depuis 1995. Ses propos ont incontestablement noirci son image en France. « Je me suis suffisamment expliqué là-dessus », nous a-t-il déclaré. Un membre de l’entourage du cheikh qatari rappelle sa position – très controversée – peu après l’interview : « les Palestiniens n’ont que leurs corps pour se défendre. Qu’on leur donne des armes, des chars, des hélicoptères, et ils n’utiliseront plus leurs corps. Et cesseront leurs attentats-suicides ».

Propos recueillis par Ian Hamel

(1) Xavier Ternisien, « Al-Qaradhawi, l’islam à l’écran », « Le Monde » du 31 août 2004.

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