Même si le temps passe inexorablement et fait son oeuvre lentement, même si les stigmates de l’horreur terroriste qui ensanglanta la Grande Mosquée de Québec s’estompent peu à peu, rien n’effacera jamais le souvenir des six victimes musulmanes tombées sous les balles d’un monstre froid et dénué de remords : l’extrémiste de droite Alexandre Bissonnette, dont la fureur islamophobe à son paroxysme le poussa à commettre l’innommable, au cours d’un dimanche soir enneigé et glacial de la fin janvier 2017.
Leurs noms s’égrènent avec solennité à chaque commémoration poignante, Mamadou Tanou Barry, Ibrahima Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti, ces six pères de famille d’origine algérienne, guinéenne, marocaine et tunisienne, et figures éminentes de la communauté musulmane québécoise, ont été abattus lâchement dans le havre de paix où ils accomplissaient la prière du soir avec une infinie dévotion.
Condamné à la réclusion à perpétuité, après avoir marché dans le sillage sanglant de celui qu’il porte aux nues, l’impitoyable Anders Breivik (le terroriste norvégien, auteur du massacre d’Oslo et Utoya en juillet 2011), Alexandre Bissonnette a vu se dresser devant lui, lors de sa croisade meurtrière, des fidèles d’une bravoure extraordinaire.
Ce sont ces quatre survivants héroïques du massacre perpétré dans la Grande Mosquée de Québec que le Canada a choisi récemment d’honorer, au cours d’une cérémonie chargée d’émotion.
Réchappés d’une mort certaine en tentant de désarmer le terroriste venu faire couler le sang, Saïd Akjour, Hakim Chambaz, Aymen Derbali et Mohamed Khabaren ont reçu la prestigieuse médaille de la Bravoure et du Sacrifice des mains de Mary Simon, la gouverneure générale d’un pays de l’érable encore profondément meurtri par cette impensable tragédie.
Le regretté Azzedine Soufiane, qui succomba à ses graves blessures après avoir vaillamment fait face à Alexandre Bissonnette, et à son regard noir dans lequel se reflétait sa détermination à tuer, a reçu l’Étoile du courage à titre posthume.
« Aujourd’hui, nous vous décernons ces médailles en reconnaissance de votre courage et de votre sacrifice. Aujourd’hui, nous rendons hommage à vos actions courageuses et altruistes », a déclaré Mary Simon, visiblement bouleversée, ajoutant : « Vous avez tous fait le choix d’essayer de sauver une vie. Vous avez offert le cadeau le plus important dans une situation terrible : vous avez offert l’espoir. Le courage est un acte de bienveillance ».
Parmi ces quatre fidèles dont l’épouvantable tragédie a révélé l’héroïsme, Aymen Derbali, un père de trois enfants, est aujourd’hui cloué dans un fauteuil roulant, après avoir eu le corps criblé de sept balles. C’est sous les yeux remplis de fierté de son jeune fils Ayoub qu’il a été couvert d’éloges par la gouverneure du pays.
« Aymen Derbali, n’écoutant que son courage, s’est précipité vers le terroriste dans le but de le déstabiliser. Même atteint de plusieurs balles, il a tenté de se relever à maintes reprises pour offrir une résistance au tireur avant de perdre conscience », a relaté Mary Simon avec une immense admiration.
« Je suis très honoré. C’est un acte de reconnaissance très gratifiant pour moi et pour tous ceux qui étaient à la mosquée, ce soir-là. Il ne faut surtout pas oublier ce massacre et ses victimes, et il est de notre devoir de tout faire pour que cela ne se reproduise plus. Il est de notre devoir de lutter contre l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination », a insisté avec gravité Aymen Derbali, ce héros musulman ordinaire de la barbarie islamophobe.
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