Moussaoui : “À Avignon, une grande mosquée serait utile”
Il préside depuis juin le Conseil français du culte musulman
Maître de conférences à l’université d’Avignon, Mohammed Moussaoui a depuis le 22 juin dernier un agenda de ministre. Du culte, bien sûr, puisque cet agrégé de mathématiques né au Maroc préside aujourd’hui le Conseil français du culte musulman, créé en 2003 avec le soutien de Nicolas Sarkozy. Succédant à Dalil Boubakeur, il se partage depuis entre l’enseignement, les allées du pouvoir, le siège du CFCM… et sa famille, restée à Avignon.
Entre deux rendez-vous, il évoque pour nous, en cette période d’Aïd, ses principaux dossiers où les enjeux locaux rejoignent les défis nationaux.
– Pas facile de prendre les rênes du conseil après Dalil Boubakeur. Quelles sont vos priorités aujourd’hui ?
Mohammed Moussaoui : D’abord celles qui concernent le Conseil lui-même, qui n’avait pas de siège pendant les deux premiers mandats puisque le CFCM était hébergé par la grande mosquée de Paris, le recteur étant président. Dès mon élection, la question s’est donc posée. Et puis il y a la question du financement, qui est essentielle dans la mesure où les seules ressources du conseil aujourd’hui sont les cotisations, dont on sait bien qu’il est difficile de les faire remonter. Nous avons reçu une subvention de la fondation des oeuvres de l’Islam, une seconde va arriver mais il va falloir passer à autre chose… sans doute par la filière halal (voir ci-dessous).
– Sur le dossier des mosquées, constatez-vous des avancées ?
M.M. : Oui, certainement et tous les observateurs le pensent. Ceci dit, le nombre de lieux de culte ne permet pas de satisfaire les besoins. Dans certaines villes, ils manquent cruellement. En 2005, Dominique de Villepin faisait une comparaison entre l’Allemagne et la France. En Allemagne, il y a à peu près deux millions et demi de musulmans et 2 600 lieux de culte. En France à l’époque, on était à 1 500 lieux de culte pour une population estimée entre cinq et six millions… Il y a donc un long chemin à faire. Et les maires doivent être objectifs dans leurs décisions. D’autant que la plupart du temps, ce n’est pas l’argent qui manque mais l’autorisation administrative qui tarde à arriver…
Ceci dit, la question du financement se pose aussi et c’est justement pour récolter les fonds venant de l’étranger que la fondation des oeuvres de l’Islam a été créée. Même si, là aussi, les choses ne sont pas simples…
– À Avignon, la situation est-elle satisfaisante de votre point de vue ?
M.M. : À Avignon, nous avons la mosquée Al Bokhari sur la rocade sud, et il y a quatre autres lieux de culte. Deux à Monclar, l’un pour la communauté turque et l’autre pour l’ensemble des musulmans non-turcs même s’il y a des passerelles bien sûr. Ensuite, il y a la Reine-Jeanne qui est un lieu de culte en cours de constitution et la mosquée dite de l’ANPE. Et il y a aussi la mosquée du Pontet et celle de Montfavet, en cours de constitution. Lorsque la Reine-Jeanne sera ouverte, la situation sera assez confortable.
Pas besoin d’une “grande mosquée”dans la cité des Papes alors ?
M.M. : C’est une autre question. Il est souhaitable que nous ayons une grande structure dans laquelle puissent se regrouper les musulmans d’Avignon et des environs. D’autant qu’elle pourrait offrir un véritable espace culturel car c’est ce qui manque dans les lieux de culte existants. Je pense à des salles de conférences, à une salle où puisse être organisée la rupture du jeûne du ramadan ou bien des rencontres avec d’autres croyants…
– Faut-il créer, ici, une structure interreligieuse sur le modèle de Marseille Espérance ?
M.M. : Il serait souhaitable de généraliser cet exemple dans toutes les grandes villes parce qu’il est important de parler d’une seule voix dans les situations de crise, pour faire passer un message de tolérance, d’ouverture et de respect mutuel.
Mais Marseille Espérance regroupe aussi les institutions et lorsque la Ville est derrière un projet de ce type, il y a toujours un soupçon de récupération. À Avignon, où nous avons connu des tentatives de ce type il y a quelques années, il existe déjà un groupe de dialogue interreligieux qui regroupe l’essentiel des cultes. On pourrait faire l’équivalent de Marseille Espérance avec l’archevêque d’Avignon, le président du Conseil régional du culte musulman et le grand rabbin du Vaucluse. Mon rôle est de pousser cette idée au niveau national, pour qu’elle se décline, par exemple, dans chaque département.
Propos recueillis par Joël Rumello
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