VII L’EGALITE DE TOUS DEVANT LA LOI
Pour l’Islam, l’égalité concevable est l’égalité de tous devant la Loi de Dieu . Nous nous sommes donc interrogés sur la Loi.
– Traditionnellement, la loi est l’instrument de l’union et de la justice ; son respect étant la voie d’accès à la piété1. La sourate Yunus (Jonas) nous rappelle que chaque Prophète a permis grâce à la Révélation des jugements équitables2 car chacun d’eux a dicté les commandements de Dieu. La sourate Al-An’âm (les troupeaux) nous les expose3. Ces commandements sont en nombre limité et ils ne disent rien du voile ! L’égalité de tous devant la Loi a une visée plus universelle.
– Dans son Initiation à l’Islam, Mohammed Hamidullah indique4 que le chef de l’état et aussi le Prophète étaient soumis à la Loi comme tout autre. C’est un beau signe d’égalité.
– Cette égalité n’est pas contredite par les privilèges qu’a reçus le Prophète5. Nous venons de voir que l’égalité comme valeur universelle se situe par delà toute inégalité de fait. Des hommes sont plus puissants que d’autres et les Prophètes sont des exceptions. Il n’en reste pas moins qu’ils ont respecté la Loi de Dieu et qu’ils méritent un égal respect.
– Nous lisons d’autre part dans la sourate An-Nisâ’ (les femmes)6 que le juge doit lutter contre lui-même, contre ses parents, ses proches, ne pas changer ses décisions selon la richesse ou la pauvreté du plaignant. L’égalité est alors le produit d’un combat nécessaire pour que la Loi soit respectée.
La Loi est ici celle de Dieu, Ses commandements. C’est l’interprétation de ses applications dans le Coran qui pose parfois problème. Une étude lexicale nous aide à poursuivre notre lecture. Nous distinguons dans cet ordre : la justice pénale, la justice associative et la justice distributive, appliquée chaque fois à des problèmes concrets comme la dette, l’héritage, la faim et le vêtement.
VIII L’EGALITE DEVANT LA JUSTICE PENALE
L’égalité intéresse la justice pénale qui devrait viser à réparer les dommages.
Nous l’avons noté, dans la première partie de ce travail, à propos de la liberté, que la loi du Talion (QiSaS) est égalitaire : la racine q-S-S donne qâSâSa : rendre la pareille. Elle évoque7 une égalité demandée entre le crime et le châtiment. Elle interdit en effet une vengeance aveugle : pour un œil les deux yeux, pour une dent toute la machoire, qui contredit l’égalité. Sa limite étant qu’on rencontre parfois de l’irréparable. Il s’agit alors d’apprécier du nouveau : le pardon vécu entre frères. Cela vaut mieux. N’ aimerions-nous pas également que Dieu nous pardonne8 ? :
Nous lisons dans la sourate An-Nûr (la lumière) : “…qu’ils pardonnent et supportent. Ne désirez-vous pas que Dieu vous pardonne vos péchés, voyant que Dieu est le grand Pardonneur et Miséricordieux.”
Le début du verset nous communique : “que ceux qui ont reçu de Dieu faveur et aisance ne renoncent pas à aider leurs proches, les pauvres et ceux qui ont souffert dans la voie de Dieu…” c’est à eux que Dieu demande de pardonner (Asad précise dans sa traduction « même s’ils ont été victimes de calomnie »). En d’autres termes Dieu leur demande de pardonner autrui comme ils aimeraient que Dieu leur pardonne leurs péchés. Le pardon est ici un moyen proposé par Dieu pour que nous soyons nous-mêmes pardonnés de nos péchés. L’égalité alors à mesurer devrait équilibrer la gravité de nos fautes et la force du pardon nécessaire pour qu’elles soient pardonnées. L’homme sait bien qu’il a du mal à pardonner et à être pardonné dans ce monde. C’est à Dieu qu’il demande le pardon de ses fautes. Il est alors conscient du mal qu’il a fait. Il mesure alors l’étendue de sa demande et Dieu lui offre le moyen de mériter son pardon. L’homme pourrait ainsi obtenir l’agréement divin.
Les chrétiens récitent chaque jour la Prière de Jésus. Elle s’adresse à Dieu et ils la lisent dans l’Evangile :
« Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés… ».
En tant que chrétienne, cette concordance avec le Coran m’a donc réjouie…je n’ignore pas non plus la contestation à propos du « comme » de la prière chrétienne qui pour certains signifierait que Jésus demanderait à Dieu d’imiter les hommes ! Dieu a certes l’initiative et il est inégalable. C’est vrai pour tous les croyants. L’essentiel étant que pour les musulmans comme pour les chrétiens, l’homme doit pardonner s’il veut obtenir le Pardon de Dieu. Lui reste alors à prendre conscience de ses fautes.
La justice pénale recherche pour sa part des coupables. Elle fait appel à des témoins.
Dans le Coran, un verset dit « amphibologique » (il aurait deux sens) nous interroge : le témoignage d’un homme équivaudrait à celui de deux femmes. Nous nous demanderons de quelle égalité il est question. Ce n’est probablement pas celle de toutes les personnes humaines à respecter également.
Relisons le Coran : ce verset9 qui traite du TEMOIGNAGE se trouve dans la seconde sourate : Al Baqarah :
A propos d’un mauvais payeur…
« Ô les croyants ! …Faites témoigner par deux témoins d’entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d’entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une d’elles s’égare, l’autre puisse lui rappeler… »
« Yâ ayyuhâ alladhîna âmanû… wa istashhidû shahîdayni min rijâlikum fa-in lam yakûnâ rajulayni farajulun wa imraâtâni mimman tarDawna mina ash-shuhadâ-i an taDilla iHdâhumâ fatudhakkira iHdahumâ l-ukhrâ… »
Le terrain est miné si on en déduit qu’un homme = deux femmes. Les deux membres de l’égalité semblent inégaux comme l’expression mathématique 1=2. Nous savons cependant que la force physique d’un homme armé de sa cuirasse et d’un grand cimeterre10, dons de Dieu, pourrait bien protéger deux femmes (voilées ou non).
Les mathématiciens proposent une formule : a/b= c/d. Ils nous invitent à égaler deux proportions pour rendre l’inégal égal. Nous sommes en présence d’une égalité relative. Elle aurait un sens en relation avec la protection des témoins. Ils doivent en effet être également protégés si l’on veut appliquer la Loi.
Reprenons ce verset. Asad qui le traduit en anglais ajoute en note : « cela ne remet pas en question l’égalité de l’homme et de la femme d’un point de vue moral et intellectuel. » Il faut envisager plusieurs points de vue et plusieurs angles d’approche. Nous lisons que les témoins courent des risques, l’un d’eux s’est d’ailleurs récusé. Le juge n’a trouvé qu’un seul témoin du sexe masculin. S’il faisait appel à une seule femme même « agréée » (« tarDawna mina ash-shuhadâ-i », notons qu’il ne serait pas question d’un demi-témoin !), elle courrait à son tour un risque, la calomnie : la présence de deux femmes lutte alors contre ce danger. L’égalité alors à préserver est celle de la protection de chacun des témoins. Il reste vrai que si une femme s’égare, une autre peut lui rafraîchir la mémoire pas non plus à demi. Le verset continue confirmant cette interprétation :
« …Et que les témoins ne refusent pas quand ils sont appelés…. et qu’on ne fasse aucun tort à aucun scribe ou à aucun témoin. Si vous le faisiez, cela serait une perversité pour vous. »
« wa lâ ya’ba ash-shuhadâ’u idhâ mâ duû…”
« wa lâ yudârra kâtibun wa lâ shahîdun wa-in taf’alû fa-innahu fusûqun bikum … »
Ne pouvons-nous pas en déduire : ce que Dieu nous enseigne, ce n’est pas l’infériorité d’une personne du sexe féminin par rapport à une personne du sexe masculin mais les conditions nécessaires pour que les témoins soient en sécurité. Il conteste de plus sans ambage ceux qui veulent faire obstacle à la justice. Nous avons noté que les hommes sont inégaux, ils sont de plus injustes ! Ils devraient pourtant faire régner la justice et l’égalité, rendant alors l’inégal, égal.
IX L’EGALITE EST LE PLUS SOUVENT MALMENEE …
Les contrats qui concernent la justice associative devraient de même être égalitaires. Le Coran en parle clairement :
– Entre les hommes et les femmes :
Nous avons déjà noté la Parole du Prophète dans le serment d’Adieu. Il dénonçait l’état de prisonnière de la femme. La sourate An-Nisâ’ traite de même d’injustices11 :
« Ô les croyants ! il ne vous est pas licite d’hériter des femmes contre leur gré…
ni d’épouser une orpheline en vue de s’emparer de ses biens. »
Dans les deux cas, les plus faibles sont exploités et non respectés.
Il s’agit à nouveau de réprimer des inégalités, des hommes plus forts étant injustes.
Les contrats doivent être signés de part et d’autre des contractants avec leurs consentements. Ils ne sauraient permettre qu’une des parties ne soit lésée de ses biens ni de sa liberté.
– Avec les orphelines et les orphelins :
Cette même sourate applique l’équité12 y compris entre les générations :
“Dieu vous donne Son décret là-dessus, …au sujet des orphelines auxquelles vous ne donnez pas ce qui leur a été prescrit et que vous désirez épouser, et au sujet des mineurs encore d’âge faible”. Vous devez agir avec équité envers les orphelins. Et de tout ce que vous faites de bien, Dieu en est, certes, Omniscient. »
« Wa yastaftûnaka fî an-nisâ-i qul Allâhu yuftîkum fî hinna wamâ yutlâ ’alaykum fî alkitâbi fî yatâmâ an-nisâ-iallâtî lâ tu/tûnahunna mâ kutiba lahunna wa targhabûna an tankiHûhunna wa almustaD’afîna mina alwildâni waan taqûmû lilyatâmâ bi-al-qisTi wa ma taf’alû min khayrin fa-inna Allâha kânabihi ‘ alîmân »
Ce verset demande la justice pour les orphelin(e)s (ceux qui ne disposent pas de l’appui de leurs parents) ils sont faibles mais ils doivent être traités en toute équité (bi al-qisTi). Ils devraient être légalement protégés.
– Avec les croyants et les croyantes des autres religions du Livre :
La sourate Al-Mâ’idah (la Table servie) fait aussi appel à l’égalité13 :
« Et que la haine pour un peuple (pour quiconque ajoute Asad) ne vous incite pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. »
« wa lâ yajri mannakum shanaânu qawmin ’alâ allâta ’dilû i’dilû huwa aqrabu lilttaqwâ »
Il est ici question des relations entre les juifs et les musulmans.
Le rapport entre l’égalité comme valeur universelle et la piété est attesté : il détermine des relations nationales et internationales entre plusieurs religions et il est de plus valable pour tous les hommes et ceci malgré la haine et les préférences.
– A propos de l’heritage
Un second verset dit « amphibologique » parle de l’héritage : la part d’un homme équivalant à celle de deux femmes. La même question se pose, cette inégalité est-elle injuste ?
Ce verset a fait couler beaucoup d’encre pour dire que l’égalité ne serait pas pour les musulmans une valeur universelle. Il vise à nouveau à réprimer des abus14. Un calcul simple répond à la question :
« Voici ce que Dieu vous enjoint (au sujet de l’héritage) : au fils, une part équivalente à celle de deux filles. »
« YûSîkumu Allâhu fî awlâdikum lildhdhakari mithlu HaZZi al-ûnthayayni »
Une telle loi sur l’héritage paraît inégale. Lorsque la part d’un seul homme est égale à la part de deux femmes, cela nous semble injuste. Cela serait vrai si les charges supportées par les deux sexes étaient égales. Reste à reprendre la formule de l’égalité proportionnelle :
a/b = c/d
Le problème n’est pas une fois encore celui de l’égalité des personnes mais celui des moyens nécessaires pour remplir des charges inégales. Il s’agit à nouveau d’évoluer de l’inégal à l’égal (à l’aide de mathématiques simples du niveau de la cinquième des collèges ) sans oublier que l’égalité est une valeur universelle fondée en raison. Si les charges devenaient identiques, il est clair que les proportions seraient à modifier.
X L’EGALITE DEVANT LA JUSTICE DISTRIBUTIVE
L’égalité à respecter porte enfin sur les besoins primaires de tout individu qu’il s’agisse de la nourriture, du logement ou du vêtement.
Ce domaine de la justice s’occupe du partage des biens : la racine q-s-T donne qasaTa : partager justement. Ce terme est attesté dans le Coran (quinze fois pour bi al-qisTi). Dieu nous invite au partage mais il n’ignore pas comment les choses se passent habituellement15 (cf. sourate Al-NaHl au verset 71). L’égalité est une valeur difficile à acquérir.
La condition humaine est la même pour tous les hommes. Tous les hommes ayant des besoins élémentaires semblables pour survivre et Dieu ayant donné les moyens de les satisfaire même si ces besoins sont inégaux ne serait-ce que selon les âges de la vie :
A propos de la nourriture,
– Au verset 80 de la sourate An-NaHl, nous lisons :
« grace à elle (l’eau) Dieu fait pousser pour vous les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et toutes sortes de fruits »16
Dieu a donné de la nourriture pour tous les hommes.
Le titre de la sourate Les Abeilles, présent au versets 68, nous parle justement d’une nourriture particulière, un médicament (verset 69) pour les hommes :
« Voilà ce que ton Seigneur a inspiré aux Abeilles… »
« Sortis du dedans d’elles-mêmes un liquide aux couleurs variées est source de santé pour l’homme. »
Le miel en question est un excellent médicament. Nous savons certes que la répartition des médicaments que Dieu a inspirés aux hommes demeure inégale….
L’égalité devant la justice distributive, c’est à dire le partage des biens, est attestée ailleurs dans le Coran : La sourate Al-An’âm (les troupeaux) exprime la Parole de Dieu :
« …- car Nous procurons la nourriture tant pour vous que pour eux –
« …naHnu narzuqukum wa îyyâhum – »
Les enfants nouveaux-nés même du sexe féminin doivent être nourris et non tués ! Tous les enfants qui meurent de faim souffrent d’injustice.
Les dons de la nature sont au service de tous les hommes qu’ils soient riches, pauvres ou encore enfants nouveaux-né(e)s.
A propos du vêtement,
– Au verset 81 de la sourate Les Abeilles :
« Il nous a procuré…des vêtements qui vous protègent de la chaleur ainsi que des vêtements (cuirasses, armures) qui vous protègent de votre propre violence… »
« …wa ja’ala lakum sarâbîla taqîkumu al-harra wa sarâbîla taqîkum… »
sarbala : couvrir d’un vêtement (ou de gloire).
Ces vêtements sont parfois sources d’inégalité comme les armes produites par les hommes. Ils invitent à la réflexion.
– nous avons déjà noté ce que dit le Prophête à propos du vêtement des esclaves qui doit être le même que celui de leur mâitre, un signe d’égalité. Nous devons ajouter ce qui est dit dans le Coran du vêtement de la piété.
XI LE VETEMENT DE LA PIETE
L’inégalité de fait s’oppose parfois à l’égalité de droit tant pour la nourriture que pour le vêtement. Nous trouvons dans le Coran un vêtement (libâsan) égalitaire supérieur à tout autre, le voile y compris (hijab ou jallaba)
Revendiquer l’égalité de droit ne veut pas dire ne pas distinguer le meilleur et le moins bon. Chacun est appelé à rechercher le meilleur. Dieu nous dit que parmi les hommes, le meilleur est le plus pieux. Il ajoute que le vêtement de la piété (libâsu at-taqwâ) est le meilleur 17 :
« O enfants d’Adam ! Oui, Nous avons fait descendre sur vous le vêtement pour cacher vos nudités – de même la plume de l’oiseau – Quant au vêtement de la piété, c’est le meilleur – c’est un des signes de Dieu – Peut-être se rappelleront-ils ? »
– Il est supérieur à ceux qui protègent les hommes et les femmes des intempéries inégales sur toute la terre.
– Il est aussi supérieur aux « atours » voulus par des sociétés faites de classes tout aussi inégales.
– Il pourrait bien se rapprocher de celui dont parle le Coran : l’homme et la femme une fois mariés sont l’un pour l’autre un vêtement (sans voile cette fois !) 18 :
elles sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles.
” hunna libâsun lakum wa antum libâsun lahunna”
Plus que celle du voile, la réalité du vêtement de la piété nous interroge : Il nous parle de la foi, don de Dieu que l’homme reconnaît avec son cœur. Dans le texte, ce vêtement est une métonymie (un élément qui rend compte du tout) de la piété. Il a un sens spirituel sans divorce avec le sens littéral puisque l’homme prend l’initiative de s’habiller comme de prier. Sa finalité est de plus précisée. Il vise la piété qui est la même quelque soit le sexe, l’ environnement géographique ou social pour tous les croyants. Ce vêtement vise l’adoration de Dieu qui protège celui qui lit le Coran d’un voile invisible19 contre les incroyants :
· Et quand tu lis le Coran, Nous plaçons, entre toi et ceux qui ne croient pas en l’au-delà, un voile invisible…
· Wa-idhâ qara/ta alqur-ân aja’alnâ baynaka wabayna alladhîna lâyu/minûna bi al-âkhirati Hijâban mastûrân…
Il n’a pas besoin d’étoffe.
La lecture du Coran et la pédagogie divine nous montrent avec certitude que les 3 termes introduits sawa, bi al-qisTi et bi al-’adli révèlent un même sens. Il ne s’agit pas de jouer avec les mots. Ils ont aussi des différences qui ne sauraient nous conduire « diaboliquement » à juger fatales des inégalités injustes. La sourate An-NaHl mais aussi l’ensemble du Coran font appel à l’intelligence des hommes qui doivent reconnaître à la fois le Don de Dieu et la responsabilité de tout homme au nom certes de la liberté et de l’égalité, valeurs universelles. L’égalité est à appliquer pour apprécier et respecter tout homme mais aussi pour répartir des forces différemment et selon des rapports multiples.
Les réflexions qui suivent n’invitent pas à la polémique mais à des réflexions individuelles. Elles ne donnent aucun conseil. Vous pouvez les lire, si vous le voulez, ils s’adressent à des artisans de paix.
REFLEXIONS
Ces réflexions évoquent des applications à la vie contemporaine :
Des femmes devraient se voiler en Europe à la Persane alors que les hommes pourraient suivre la mode des pays occidentaux. Je me souviens d’un guide officiel à Marrakech qui se plaignait de devoir porter devant ses clients européens une gandoura et des babouches. C’était la loi. Le choix de ces « atours » pourrait bien sembler dans les deux cas inégal.
C’est dans un souci d’égalité prescrit par le Coran20 que la majorité des musulmans d’Europe préfèrent la monogamie à la polygamie. La chance des femmes voilées de trouver selon ce régime matrimonial un époux semble pourtant inégale puisque chacun des croyants conserve de nos jours le choix entre voilées et non voilées. En France par exemple, il y a plus de femmes non-voilées que de voilées : ces deux catégories devant bien sûr revêtir le vêtement de la piété.
Le voile devrait réduire les tentations masculines. Si nous rejetons l’hypothèse de la femme recluse et de l’homme libre comme une source à la fois de manque de liberté et d’égalité, la femme pourrait bien être également « tentée ». Faire subir aux femmes alors plus de contraintes qu’aux hommes pour lutter contre la tentation semble une nouvelle fois inégal en droit.
Une autre expression de l’égalité de droit est l’égalité de tous devant la loi. Nous avons déjà noté que la loi protège les plus faibles. En France, des femmes croyantes ne rêvent-elles pas pour leurs filles d’une loi interdisant le voile à l’école ? Ce ne serait pas en désaccord avec le Coran qui évoque le voile pour les femmes que l’homme pourrait choisir comme épouses. Les écolières en France n’ont-elles pas d’autres projets ? Un jeune imam m’a dit que le port du voile demande une maturité dont ne disposent pas encore nos écolières.
L’égalité comme la liberté est une valeur à acquérir (kasaba). Dieu nous met à l’épreuve . Nous devons faire usage tant de l’intelligence que nous avons reçue de Dieu que des moyens qu’il nous a aussi donnés pour évoluer du fait au droit. Encore faut-il bien connaître les faits pour que les réformes ne s’appliquent pas à la légère alors qu’elles devraient se fonder sur les commandements de Dieu. Des juristes s’y emploient en particulier à propos de l’héritage et des témoignages. Le droit de vote a été accordé aux femmes dans certains pays musulmans. D’autres moyens d’y parvenir sont à notre disposition. Des femmes musulmanes en Europe et ailleurs ne se voilent pas pour avoir des chances égales de travailler dans la société. Elles ne portent pas moins le vêtement de la piété et affirment également leur foi. Le droit à une nourriture suffisante comme à un vêtement digne participe aux revendications en faveur de l’égalité tout comme la nécessité de contrats égalitaires. Le vêtement de la piété devrait unir femmes voilées, femmes sans voile et aussi les hommes au nom cette fois de la fraternité.
Notes :
1 5,8 sourate Al-Mâ’idah (la Table servie)
2 10,47 : Yunus (Jonas)
3 6,151-152 : Al-An’âm (les troupeaux trad. Masson)
4 Mohammed Hamidullah Initiation à l’Islam (1968)
5 La thèse de Mansour Fahmy, citée dans la Partie I,commence par cette constatation. « Mahomet légifère pour tous et fait exception pour lui-même ». Il n’a pas bien compris ce qu’est une valeur universelle (thèse de doctorat Sorbonne 1914)
6 4,135 : sourate An-Nisa’ (les Femmes)
7 2,178 : sourate Al-Baqarah
8 24,22 : sourate An-Nûr
9 2,282 : sourate Al-Baqarah (La vache)
10 16,81 : An-NaHl (les Abeilles)
11 4,19 sourate An-Nisâ’ (les femmes)
12 4,127 sourate An-Nisâ’
13 5, 8 sourate Al-Mâ’idah (la Table servie)
14 4,11 : sourate An-Nisa’ (les Femmes)
15 16,71 : An-NaHl (les Abeilles) + notes d’Asad
16 16,80 : An-NaHl (les Abeilles)
17 7,26-27 : sourate Al-A’râf (Le discernement)
18 2 , 187, sourate Al-Baqarah
19 17,45 : Al-Isrâ (le voyage nocturne)
20 4,3 : sourate Les femmes (An-Nisa’)
33 6,92 : An-NaHl (les Abeilles)
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