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Le monde d’après la mort de George Floyd

Tout laissait croire que le Monde d’après le Covid se limiterait à repenser notre existence en priorisant la vie humaine sur l’économie, et à valoriser les catégories sociales qui ont assuré la continuité de notre vie quotidienne.
Mais l’image terrifiante du supplice et de l’agonie d’un homme à terre, ce 25 mai 2020 à Minneapolis, a secoué le monde de sa léthargie, entraînant un réveil planétaire et une indignation si profonde qu’elle s’est transformée en une colère universelle qui ébranle les fondements du vieux monde. Cette image, donc, ne concerne pas seulement l’Amérique et son histoire, mais elle est l’illustration de la scène-monde car elle traduit et personnifie l’équation de l’histoire moderne : l’Occident-Monde. L’Amérique est au cœur de la naissance de ce qu’on avait appelé à l’époque le Nouveau monde : L’Occident. Et avec sa naissance, la naissance du commerce triangulaire, de l’esclavage et du colonialisme.
La scène du 25 mai à Minneapolis est dans son essence la scène du monde. Une véritable philosophie de l’histoire qui engage le devenir monde de la planète. Elle synthétise le rapport Occident-Monde : le visage de l’oppresseur ainsi que le visage de l’opprimé sont toujours les mêmes. 
Peut-on alors être l’écho de ceux qui ne cessent de nous rappeler que l’Amérique n’est pas la France, que nous avons des histoires différentes, que la Police française n’est pas la Police américaine, qu’il n’y a pas lieu de faire l’amalgame et que comparaison n’est pas raison ? Certes, entre l’Amérique et la France il y a une différence de degrés. Mais il n’y a pas une différence de nature.  Car les deux font partie du même univers spirituel qui s’est donné pour mission d’être l’éducateur du monde. Cette image- il faut le reconnaître, sauf si on continue à rester dans le déni de ce que fut l’esclavage et le colonialisme-, résume : l’Horreur occidentale.
Les pancartes brandies par les manifestants à travers le monde et la reprise des derniers mots de George Floyd ont mis en relief « I can’t breath » (je ne peux pas respirer) mais n’ajoutent pas les mots qui illustrent pleinement la culture de l’arrogance, du mépris et de la domination de la suprématie de l’homme blanc : Please, please, I can’t breath.
Là-bas, en Amérique, George Floyd fut un Afro-américain. Ici, les minorités visibles sont des français d’origine maghrébine, africaine, des français issus de l’émigration…
Là-bas, les Afro-américains sont le prolongement de l’Esclavage et de la ségrégation. Et ici, les Français issus de l’émigrations sont le prolongement du colonialisme et de la discrimination. Dans les deux cas le racisme, donc la négation de l’humanité de l’autre, est au cœur de ce qui a constitué l’hégémonie occidentale. L’injustice, l’inégalité, le racisme sont historiques. La culture de la violence est enracinée, structurelle et systémique.
En quoi la mort de George Floyd engage-t- elle notre devenir monde ? Ce n’est plus le monde de l’après-Covid qui a été acté dans la manifestation du 2 juin, à Paris, à laquelle a appelé le comité Justice et Vérité pour Adama, mais celui de l’après Floyd.
Ceux qui ont répondu à l’appel du 2 juin n’ont pas répondu à une émotion, mais à une colère. L’émotion est passagère, mais la colère fait soulever le populaire. Les revendications du rassemblement du 2 juin s’inscrivent dans le prolongement historique des revendications et des luttes du Mouvement de l’immigration et des Banlieues. Un abîme politique et culturel sépare le rassemblement du 2 juin de celui du 9 juin, auquel a appelé SOS-Racisme. Celui du 2 juin est fondateur du monde à venir et celui du 9 juin reste celui de l’imposture.
SOS racisme est la grande imposture. L’ensemble des maux qui gangrènent notre société sont en grande partie le fruit de cette imposture. La Marche pour l’Egalité et contre le Racisme, initiée par des jeunes qui revendiquaient la reconnaissance de leur citoyenneté, est devenue celle des Beurs.
Ce que dénonçaient cette jeunesse des Banlieues (l’injustice, les Violences policières, le racisme, la discrimination) est devenue une réalité nationale. Elle ne touche pas uniquement les Minorités visibles. Un an de face à face avec les Gilets jaunes a marqué la conscience nationale. L’impunité dont bénéficient les défenseurs de l’ordre et le sentiment d’insécurité que ressent une partie de la population créent un climat de défiance entre la population et la Police. Celle-ci n’est plus gardienne de la paix mais gardienne d’un pouvoir, d’un ordre au service des puissants et des privilégiés. Dans ce climat d’impunité, d’injustice et du sentiment d’insécurité, les violences policières et le racisme dans la Police redeviennent de facto une Violence et un Racisme d’Etat.
Les Marcheurs pour l’Egalité et contre le Racisme en 1983 voulaient s’adresser à la France entière, il va de soi, que le Comité pour la Justice et Vérité pour Adama, en appelant à une manifestation nationale, ce samedi 13 juin, s’adresse aussi à la France entière. Principalement, à cette nouvelle génération qui fait honneur à la France depuis le 2 juin, à cette nouvelle génération qui refuse les récupérations politiques et l’imposture. Qui veut regarder son histoire et la revisiter. Elle n’est ni dans la repentance, ni dans la flagellation, ni dans la honte de l’homme blanc. Mais dans un véritable désir de réconciliation et d’un tous ensemble annonciateur d’un véritable universalisme républicain comme antithèse de celui du XIX siècle.
L’universalisme républicain du XIXème siècle a annoncé l’ère de la suprématie de la Race supérieure, synonyme de la bourgeoisie occidentale. L’horreur occidentale n’est en réalité que l’horreur de la classe Bourgeoise, donc du Capital. Elle n’est pas celle de l’homme blanc. La mort de Georges Floyd signe la fin de ce vieux monde : l’esprit mercantile.
En interrogeant l’histoire esclavagiste et coloniale à travers films et statues, on ne fait que réactiver le débat qui avait lieu au moment même de ces conquêtes. Christophe Colomb se dirigeait vers l’Amérique, et on débattait en Espagne sur la légitimité de la conquête. Même débat en France concernant la conquête de l’Algérie. L’exemple édifiant en est l’auteur de la Démocratie en Amérique : Alexis de Tocqueville. La voix des Anti-esclavagistes comme celle des Anticolonialistes a toujours existé et dénoncé l’atteinte à la dignité humaine. La différence entre hier et aujourd’hui est que, cette fois-ci, elle est portée par les enfants d’esclaves et des colonisés et aussi par une belle partie de la jeunesse des enfants de propriétaires d’esclaves et de colons. En un mot, par le Peuple. Non par l’élite.
SI la mort de Floyd signe la fin du vieux monde, la Manifestation nationale du 13 juin est grosse d’un nouveau monde. Ce printemps 2020 est plein de promesses. Jeunesse du 2 juin, ayez confiance en vous ! Vous défendez un idéal, alors que vos pourfendeurs défendent des privilèges. Des privilèges tâchés du sang et de la sueur des Noirs et des Arabes.
Vous êtes l’avenir de la France. D’une Nouvelle France. Celle du Peuple français.
Mahmoud SENADJI

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