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L’Arabie saoudite face au double défi du sunnite Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan Nasrallah (Hezbollah)

L’Arabie saoudite face au double défi Part 2/2

1- Un parfait contre exemple dans les annales de la géostratégie mondiale

Multirécidiviste dans la diversion, L’Arabie saoudite encouragera Saddam Hussein à faire la guerre à l’Iran pour contenir la menace du fondamentalisme chiite, détournant ainsi la puissance irakienne du champ de bataille israélo-arabe. Dans une nouvelle tentative de déstabilisation de la Syrie, le principal allié arabe de l’Iran, l’Arabie favorisera une révolte sévèrement réprimée des Frères Musulmans syriens, à Hamas, en février 1982, à quatre mois d’une invasion israélienne du Liban fomentée par un tandem constitué par le premier ministre israélien Menahem Begin et Bachir Gemayel, chef des milices chrétiennes libanaises.

L’Arabie saoudite, le plus intransigeant ennemi d’Israël sur le plan théorique, aura ainsi opéré le plus grand détournement du combat arabe, soutenant l’Irak contre l’Iran dans la plus longue guerre conventionnelle de l’histoire contemporaine (1979-1988), le détournant du coup du champ de bataille principal, la Palestine, déroutant la jeunesse arabe et musulmane vers l’Afghanistan du champ de bataille palestinien. A coups de dollars et de Moudjahiddine, souvent des repris de justice dans leur propre pays, elle livrera bataille non pas contre Israël, mais à des milliers de kilomètres de là, à Kaboul, où plusieurs milliers de jeunes arabes et musulmans combattront pendant une décennie les forces athées communistes, tournant, par la même occasion, le dos à la Palestine, avec les encouragements d’intellectuels occidentaux trop heureux de l’aubaine.

Cinquante mille arabes et musulmans, enrôlés sous la bannière de l’Islam, sous la houlette d’Oussama Ben Laden, officier de liaison des Saoudiens et des Américains, combattront en Afghanistan l’athéisme soviétique dans une guerre financée partiellement par les pétromonarchies du Golfe à hauteur vingt milliards de dollars, une somme équivalent au budget annuel du quart des pays membres de l’organisation pan arabe. En comparaison, le Hezbollah libanais avec un nombre de combattants infiniment moindre, estimé à deux mille combattants, et un budget dérisoire par rapport à celui engagé pour financer les arabes afghans, a provoqué des bouleversements psychologiques et militaires plus substantiels que la légion islamique dans le rapport des forces régional (6).

L’Afghanistan aura eu une fonction dérivative sur la jeunesse saoudienne et des diplomates américains ne chercheront pas à masquer cet aspect là du conflit. Contre-feux à la Révolution islamique iranienne qui menaçait le leadership saoudien, la guerre d’Afghanistan a permis à l’Arabie Saoudite de détourner le mécontentement de la jeunesse du problème palestinien vers la lutte anti-communiste (7), admettra ultérieurement sans ambages l’ambassadeur américain à Riyad, Chass Freeman. Le financement du Jihad anti-soviétique aurait, à lui seul, grevé le budget saoudien d’une somme sensiblement égale à la subvention financière allouée par l’Arabie saoudite aux « pays du champ de bataille », Egypte, Syrie et OLP (8), à titre de contribution à l’effort de guerre arabe.

L’Islam wahhabite agrégeant les dirigeants arabes sunnites dans une alliance proaméricaine (les principautés du golfe, la Jordanie, l’Egypte, le Maroc, la Tunisie), désignés dans le vocable populaire sous le terme méprisant des « Arabes de l’Amérique » (arab amérika) –l’axe de la modération pour les occidentaux- se laissera ainsi supplanter sur son propre terrain, l’islam combatif, par des islamistes nationalistes, le Hezbollah libanais, le Hamas et le Jihad palestinien. Féconde, l’alliance saoudo américaine dans la guerre contre l’Union soviétique en Afghanistan (1980-1989) a certes précipité l’implosion du bloc communiste, mais par leur alignement inconditionnel aux Etats-Unis, pourtant le meilleur allié stratégique de leur ennemi principal, Israël, en dépit d’ailleurs du mépris que les Américains affichaient à l’égard de leurs aspirations, les promoteurs de l’Islamisme politique principalement l’Arabie saoudite, l’Iran impériale de la dynastie Pahlévi, le Maroc et l’Egypte sadatienne) sinistré la zone accentuant sa dépendance et son retard technologique. Pis, la mainmise américaine sur l’Irak, que l’Arabie a encouragée, a favorisé l‘émergence d’un pouvoir chiite dans l’ancien capitale de l’empire abbasside, faisant planer sur l’Arabie saoudite, par son adossement à l’Iran Khomeyniste, le risque d’un enfermement chiite.

L’alliance exclusive de l’Islam sunnite avec l’Amérique, si elle a assuré la tranquillité du trône wahhabite au cours d’un demi siècle tumultueux, n’a pas pour autant assuré sa pérennité. L’Arabie saoudite aura réussi le tour de force de gagner le respect du monde musulman, sans tirer un seul coup de feu contre Israël, sans obtenir la moindre concession des Américains sur la question palestinienne, en s’appliquant méthodiquement à détruire les vestiges du nationalisme arabe.

Mais le royaume qui aura lancé deux plans de paix pour le règlement du conflit israélo-arabe (Plan Fahd, en 1982, Plan Abdallah, en 2002), sans rencontrer le moindre écho tant du côté américain que du côté israélien, ne déviera jamais de sa ligne, malgré cette rebuffade, sans doute en raison du fait que, sur le plan subliminal, la dynastie wahhabite aura été le principal bénéficiaire du travail de sape opéré depuis trente ans par les Américains et les Israéliens pour réduire la résistance du noyau dur du monde arabo-islamique : la neutralisation de l’Égypte par le Traité de paix avec Israël (1979), la destruction de l’Irak (2003), l’étranglement de la Syrie (2004), la caramélisation de la Libye (2005), l’isolement de l’Iran (2006) au point qu’Israël apparaît en fin de compte comme le meilleur allié objectif des Wahhabites, rare conjonction de deux régimes théocratiques dans le monde, l’État hébreu n’étant démocratique que pour la fraction juive de sa population. Dans ce contexte, l’Organisation clandestine Al Qaida d’Oussama Ben Laden et la chaîne transnationale arabe Al-Jazira, apparaissent, rétrospectivement, comme des excroissances rebelles à l’hégémonie saoudienne sur l’ordre domestique arabe, tant dans le domaine politique que médiatique.

L’arme du pétrole qu’elle a brandi, lors de la guerre d’Octobre 1973, si elle lui a valu un prestige considérable dans le monde arabo musulman et restauré une juste rétribution du prix du carburant, a surtout fragilisé les économies de l’Europe et du Japon, des alliés naturels du monde arabe. Le prosélytisme religieux qu’elle a déployé en Asie centrale, dans les anciennes Républiques musulmanes soviétiques, lui a coupé la voie à une alliance avec la Russie en vue de faire pièce à l’hégémonie américaine.

Camouflet supplémentaire qui témoigne des égarements de la stratégie saoudienne et de ses retombées néfastes sur l’espace arabe, le wahhabisme qui a combattu sans relâche l’Union soviétique, redevenue la Russie éternelle, voit se profiler, sous couvert de lutte contre le terrorisme, un dangereux mouvement de tenaille qui risque de l’enserrer, avec l’alliance tacite entre la Russie, Israël et les Etats-Unis à la faveur des attentats commis par les disciples de l’Arabie saoudite, les islamistes d’Al Qaida en Occident et les séparatistes tchétchènes en Russie Ossetie.

Comble de cynisme révélateur néanmoins d’une grande frayeur : la tenue de la première conférence mondiale sur le terrorisme les 5 et 6 février 2005 à Riyad. Qu’une telle conférence se tienne dans la patrie du Djihad islamique, que le principal bailleurs de fonds planétaire des mouvements islamistes bénéficie, quatre ans après le raid anti-américain de septembre 2001n de la caution occidentale pour une telle opération de réhabilitation donne la mesure du désarroi des dirigeants wahhabites et de leur parrain américain.

L’Arabie Saoudite est captive et victime de ses choix. Suprême humiliation est le fait que le président américain George W Bush, l’ancien salarié des firmes saoudiennes, ait été le plus ferme soutien au premier ministre le plus agressif d’Israël, au nom du fondamentalisme religieux précisément, allant même jusqu’à cautionner le confinement de Yasser Arafat, le chef légitime du peuple palestinien, et, à reconnaître à Ariel Sharon le droit de modifier unilatéralement le tracé des frontières internationales, au mépris de la légalité internationale.

La revanche la plus cinglante à cet aveuglement pourrait être, symboliquement, le choix contraint qu’elle a dû se résigner de faire en baptisant sa nouvelle chaîne de télévision panarabe du nom d’« Al Arabia », un vocable qu’elle avait pourtant banni de son lexique diplomatique depuis un demi siècle, qu’elle reprend aujourd’hui à son corps défendant dans l’espoir de se faire entendre face à des concurrentes à la tonalité moins soumise à l’ordre américain.

Ce pays qui consacrera l’essentiel de ses efforts à combattre plus qu’aucun autre pays le nationalisme arabe, allant jusqu‘à mettre sur pied l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), une structure de diplomatie parallèle concurrente de la Ligue arabe, se muera, curieusement, en chantre de l’arabisme dans la foulée du revers militaire israélien au Liban, l’été 2006, à la grande stupéfaction de la quasi-totalité des observateurs internationaux.

L’apôtre de la fraternité islamique pendant un demi siècle, ce pays dont la bannière est illustrée pat la profession de foi cardinale de l’Islam, accusera, sans vergogne, la Syrie d’avoir pactisé avec l’Iran, la Perse antique, pays musulman certes mais non arabe, laissant planer la menace d’une nouvelle guerre de religion entre sunnites et chiites, musulmans arabes et non arabes, un comportement qui s’apparente à une mystification, illustration pathétique du désarroi du Royaume.

Entre la dynastie Wahhabite et Ben Laden, la bataille dans l’ordre symbolique d’un conflit de légitimité.

L’implication d’un membre de l’entourage familial du Prince Bandar Ben Sultan, fils du ministre de la défense et président du Conseil national de sécurité, dans la réactivation des sympathisants d’Al Qaida tant en Syrie qu’au Nord Liban, dans la région du camp palestinien de Nahr el Bared, a donné la mesure de l’infiltration de l’organisation pan islamiste au sein des cercles dirigeants saoudiens, en même temps qu’elle fragilisait le Royaume vis-à-vis de ses interlocuteurs tant arabes qu’Américains. Cheikh Maher Hammoud, Mufti sunnite de la Mosquée « Al Qods » de Saida, (sud Liban), a ouvertement accusé le Prince Bandar depuis la chaîne transfrontière Al Jazira, samedi 26 juin 2010, d’avoir financé des troubles au Liban particulièrement contre les zones chrétiennes, conduisant l’Amérique à déclarer « non grata » Bandar, l’ancien enfant chéri de les Etats-Unis, le « Great Gatsby » de l’establishment américain.

Circonstance aggravante, la disgrâce de Bandar serait liée à des informations lui prêtant l’intention de s’être livré à un coup de force contre l’establishment saoudien en vue de briser la loi de primogéniture, qui régit les règles de succession dynastique en Arabie. Celle-ci prévoit l’intronisation au pouvoir de l’aîné de la génération la plus ancienne. Le groupe dirigeant saoudien compte bon nombre de gérontocrates, dont certains, à des postes clefs, atteints de maladies handicapantes, le prince héritier Sultan, ministre de la défense, le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al Faysal et le gouverneur de Riyad, le prince Salmane, alors que neuf cents petits fils piaffent d’impatience aux postes de responsabilité, dans une ambiance de compétition exacerbée.

La conjuration, conçue avec l’aide des officiers supérieurs de la base aérienne de Ryad, aurait été éventée par les services de renseignements russes. L’opération devait se dérouler, fin 2008, en pleine guerre de Gaza, durant la période de transition du pouvoir entre George Bush Jr et le démocrate Barack Obama. Bénéficiant du soutien des néo conservateurs américains, dont le prince saoudien était un intime, la transition devait, dans l’esprit de ses promoteurs, réduire le fossé générationnel d’un pays, dont 75 pour cent de la population est âgée de moins de 25 ans, alors que l’équipe dirigeante compte un nombre important d’octogénaires. Le fait que les Etats-Unis qui quadrillent le royaume à l’aide d’un réseau de près de 36 postes du FBI et de la CIA n’aient pas alerté le pouvoir donne la mesure de la circonspection américaine.

Le Yémen et l’Irak, les deux pays frontaliers de l’Arabie saoudite, auront constitué les deux balises stratégiques de la défense du Royaume, le premier au sud, le second au nord de l’Arabie. C’est dans ces deux pays que l’Arabie saoudite a engagé le combat pour assurer la pérennité de la dynastie, à deux reprises au cours des dernières décennies, le Yémen servant de champ d’affrontement inter arabe entre Républicains et Monarchistes du temps de la rivalité Nasser Faysal dans la décennie 1960, et, l’Irak, le théâtre de la confrontation entre le Chiisme révolutionnaire et le sunnisme conservateur du temps de la rivalité Saddam Hussein Khomeiny dans la décennie 1980. Ces deux pays constituent désormais une source de périls, l’Irak avec l’élimination du leadership sunnite et le Yémen avec la réinsertion d’Al Qaida dans le jeu régional.

L’implantation d’Al Qaida pour la péninsule arabique au Yémen apparaît dans ce contexte un défi d’une importance majeure. L’ancrage d’une organisation essentiellement sunnite, excroissance du rigorisme wahhabite, sur le flanc sud de l’Arabie saoudite, porte la marque d’un défi personnel de Ben Laden à ses anciens maîtres en ce qu’elle transporte sur le lieu même de leur ancienne alliance la querelle de légitimité qui oppose la monarchie à son ancien serviteur. Elle pourrait avoir un effet déstabilisateur sur le royaume où vivent près d’un million de travailleurs yéménites. L’alerte a été jugée suffisamment sérieuse pour conduire le Roi Abdallah à engager ses forces dans les combats du Yémen, à l’automne 2009, aux côtés des forces gouvernementales, et à mettre en sourdine son contentieux avec la Syrie incitant son homme lige au Liban, le nouveau premier ministre libanais, Saad Hariri, à reprendre le chemin de Damas.

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A tous égards, la stratégie saoudienne tant vis à vis du monde musulman que de l’Irak a constitué un cas exemplaire de suicide politique. La participation de quinze nationaux saoudiens sur 19 aux raids d’Al-Qaida contre les Etats-Unis le 11 septembre 2001, de même que l’attentat meurtrier qui a frappé Riad le 12 mai 2003, un mois après la chute de Bagdad, faisant 20 morts dont 10 américains, ont retenti comme un avertissement en forme de tocsin. Adulé à l’excès, le royaume fait désormais l’objet d’une suspicion quasi généralisée dans l’opinion occidentale et sa stratégie est décriée dans l’ensemble arabe.

Le Roi d’Arabie, un pompier pyromane

Parrain originel des Talibans d’Afghanistan, l’Arabie Saoudite passe pour avoir été le principal bailleur de fonds du programme nucléaire pakistanais, en contrepartie de l’assistance fournie par le Pakistan à l’encadrement de l’armée de l’air saoudienne dont elle assurera pendant vingt ans la formation de ses pilotes et la protection de son espace aérien. Une bonne entente matérialisée symboliquement par la dénomination de la troisième ville du Pakistan de Faisalabad, l’ancienne Lyallpur, en hommage à la contribution du Roi Faysal d’Arabie au règlement du contentieux entre le Pakistan, 2me plus important pays musulman après l’Indonésie, et, le BenglaDesh, lors de la sécession de son ancienne province sous la conduite de Cheikh Mujibur Rahman, chef de la Ligue Awami (10).

En dépit de ces fortes similitudes, particulièrement le double parrainage du royaume saoudien au milliardaire libano saoudien et au Pakistan, ainsi que leur positionnement similaire sur le plan de la géopolitique américaine, Rafic Hariri aura droit à un Tribunal Spécial International pour juger ses présumés assassins, mais non Benazir Bhutto, dont pourtant toute la dynastie a été décimée. Dans cette perspective, le destin de Benazir Bhutto ressemble étrangement à celui de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, ainsi qu’à celui de l’ancien président égyptien Anouar el Sadate, assassiné en 1981, et à celui de l’éphémère président libanais Bachir Gemayel, le chef des milices chrétiennes, assassiné en 1982. Des dirigeants plus utiles à la diplomatie israélo américaine morts que vifs.

A l’apogée de la diplomatie saoudienne, dans la foulée de l’invasion de l’Irak, en 2003, deux dirigeants arabes, Rafic Hariri (Liban) et Ghazi al Yaour (Irak) se sont retrouvés simultanément au pouvoir dans leur pays respectif, porteurs de la nationalité saoudienne. Dans ce contexte, il n’est pas indifférent de noter que Rafic Hariri a été assassiné dans la quinzaine qui a suivi l’élection d’un Kurde, Jalal Talabani, à la tête de l’Irak, et, de l’attribution à un chiite de la présidence du conseil des ministres, écartant les sunnites du gouvernement de l’ancienne capitale des abbassides, sur laquelle flottait d’ailleurs à l’époque le nouvel emblème irakien conçu par le proconsul Paul Bremer, aux couleurs israélo kurdes (bleu blanc et jaune blanc). Ce qui déclenchera d’ailleurs une vague d’attentats sans précédent contre les symboles de l’invasion américaine en Irak et de leurs alliés régionaux.

Pompier pyromane, le monarque octogénaire (86 ans), au pouvoir depuis quinze ans, est situé à l’épicentre d’un conflit qu’il n’a cessé d’attiser que cela soit par sa caution à l’invasion américaine de l’Irak, avec pour contrecoup l’élimination des sunnites du centre du pouvoir, que par le rôle précurseur du faux témoin syrien auprès des enquêteurs internationaux, Zouheir Siddiq, un factotum du général Rifa’at al-Assad, oncle et rival du président Syrien Bachar al_Assad et surtout beau frère du roi d’Arabie, en vue de destabliliser le président libanais Emile Lahoud pour lui substituer un deuxième beau frère du Roi, le député libanais Nassib Lahoud.

Défié sur son flanc sud, au Yémen, par la principale organisation intégriste sunnite du monde musulman de dimension planétaire, Al-Qaida, excroissance rebelle du modèle wahhabite, le Roi Abdallah est mis au défi de l’équation que représente le glorieux palmarès militaire du Hezbollah, la principale formation paramilitaire du tiers monde, d’obédience chiite. Abdallah apparaît comme l’apprenti sorcier d’un enjeu qui le dépasse, démiurge d’enjeux qui le surpassent tant en Irak, qu’au Liban qu’auparavant en Afghanistan.

Dans cette perspective, la transaction du siècle conclu, en septembre 2010, entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis, de l’ordre de quatre vingt dix milliards de dollars d’armement, comprenant près de trois cents appareils et des missiles à guidage, vise officiellement à renforcer le Royaume face à l’Iran, non Israël, puissance nucléaire occupante de Jérusalem, le 3 me haut lieu saint de l’islam, mais aussi et surtout à consolider la dynastie dans son rôle de gendarme régional, alors que les deux pays balises de l’Arabie (Irak et Yémen) sont déstabilisés et que l’arc de l’Islam, qui va de la Somalie à l’Indonésie en passant par les pays du Golfe et l’Asie centrale, devient le nouveau centre de gravité stratégique de la planète avec l’émergence de la Chine et de l’Inde et leur contournement de l’Occident par l’Afrique.

Indice complémentaire de sa vassalité, le nouveau contrat militaire de quatre vingt dix milliards de dollars conclu entre les Etats Unis et l’Arabie saoudite. Le plus important contrat d’armement de l’Histoire vise à « renforcer les capacités combatives du Royaume face à l’Iran » sans faire peser des risques sur Israël. Les avions saoudiens seront privés d’armes de longue portée afin de sécuriser l’espace aérien israélien et leurs performances, tant en ce qui concerne leur équipement que leur maniabilité, seront, en tout état de cause, de moindre capacité que le nouveau appareil que les Etats-Unis envisagent de vendre à Israël, 20 chasseurs-bombardiers américains F-35 Lightning II (JS F-35), le super bombardier de supériorité technologique, dont le coût unitaire atteint la somme considérable de 113 millions de dollars pièce.

Ainsi donc par un subterfuge que les politologues américains désignent du vocable de « Politics of fears », la politique de l’intimidation, qui consiste à présenter l’Iran comme un croquemitaine, l’Arabie saoudite est contrainte de se doter, non d’une défense tous azimuts, mais d’une posture défensive anti iranienne, autrement dit de renforcer le royaume « face à l’Iran », puissance du seuil nucléaire, et non Israël, puissance nucléaire de plein exercice, de surcroît puissance occupante de Jérusalem, le 3me haut lieu saint de l’Islam.

Au total, le montant des transactions militaires entre les pétromonarchies du Golfe et les Etats-Unis, pour 2010-2011, s’élèvera à 123 milliards de dollars. Le reliquat se partageant entre Les Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Sultanat d’Oman, qui débloqueront ainsi, à eux quatre, une somme colossale pour résorber le chômage aux Etats-Unis, maintenir un bassin d’emploi de 75.000 poste sur cinq ans, et justifier, sous l’apparence d’un faux équilibre, une transaction qualitativement supérieure entre les Etats-Unis et Israël.

Soixante dix huit ans après son indépendance, le trinôme sur lequel s’est constitué le Royaume (Islam Pétrole wahhabisme) paraît devoir prendre une nouvelle configuration. Si l’Islam, sa rente de situation, est assurée de pérennité, le pétrole est voué au tarissement ou au dépérissement du fait des énergies de substitution, de même que la dynastie wahhabite, à moins d’une remise en question de sa conception monolithique de l’Islam et du monde, de sa conception de l’Etat et de ses rapports avec ses concitoyens, de ses rapports avec la réalité de son environnement arabe, pas uniquement constitué de sunnites, ni uniquement de musulmans, ni même uniquement d’Arabes (kurdes et kabyles), mais également d’Arabes chiites souvent patriotes et de patriotes arabes pas toujours musulmans (Chrétiens arabes), pas toujours nécessairement en état de prosternation permanente devant les Etats-Unis d’Amérique, leurs bienfaits et leurs méfaits.

La famille royale saoudienne aura emprunté un bien curieux cheminement pour se maintenir au pouvoir, le parfait contre-exemple des annales de la géopolitique mondiale. A trop ménager ses alliés islamistes, elle s’est affaiblie en leur donnant la possibilité de se retourner contre leur ancien mentor. En instrumentalisant ses formations panislamiques par des opérations de diversion (Afghanistan) ou de déstabilisation (Syrie, Egypte et Algérie) sans jamais les désavouer ou les museler, l’Arabie saoudite se retrouvera en charge du passif du legs islamiste, de la destruction des Bouddha de Bâmiyân par les Talibans aux attentats anti-américains du 11 septembre 2001, soumise à la suspicion de l’opinion occidentale et à la vindicte de ses anciens protégés islamistes.

Comment expliquer un tel comportement ? Que des dirigeants aient pu sur une aussi longue période se confiner dans le rôle de sous-traitant, accepter de s’engouffrer aveuglément dans des combats contre des ennemis à eux assignés par leur tuteur, sans marquer un temps d’hésitation, un sursaut d’amour propre national ? S’amputer sciemment d’alliés naturels, sans poser la question de la comptabilité avec l’intérêt national ? Condamner l’avant garde révolutionnaire arabe, la sacrifier pour la satisfaction d’intérêts étrangers, sans s’interroger sur le bien fondé d’une telle politique ?

A quelle logique répondait un tel comportement singulier. Mégalomanie ou Mégalocéphalite ? Machiavélisme ou Cynisme servile ? Exorbitance ou Aberration mentale ? Posture ou imposture ? Près de quarante ans après les faits, la pertinence d’une telle politique n’a toujours pas été démontrée mais ce qui s’est révélé comme un fait avéré est qu’ « il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet » (9). Une sentence à méditer alors que le Royaume, la banque centrale du pétrole, envisage, pour la première fois de son histoire, de mettre un terme à la prospection pétrolière de son sous sol afin d’épargner ses richesses en vue de les « transmettre aux générations futures » (10), alors que sa richesse risque de tarir, par voie de conséquence, son impunité, au moment même où la Chine est en passe de contester aux Etats-Unis, son leadership planétaire.

Références

7 -Précisions de Chass Freeman, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Arabie Saoudite (1989-1993) sur la fonction dérivative de la guerre d’Afghanistan sur la jeunesse saoudienne par r6pport au problème palestinien au cour de ce même documentaire de Jihane Tahri

8–« La Cia et le Djihad (1950-2001) » de John Cooley, ancien correspondant pour le Moyen orient du journal de Boston « Christian Science Monitor » et de la chaîne ABC news. Editions Autrement 2002.

9-L’expression est du Comte Honoré Gabriel de Mirabeau (1749-1791), un des plus brillants orateurs de la révolution française, auteur de « Essai sur les lettres de cachet et les prisons d’état ». Il participera à l rédaction de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ».

10– Cf. Le Monde .7 juillet 2010 « Le roi Abdallah annonce l’arrêt de l’exploration pétrolière en Arabie Saoudite » Une contrainte de plus (et de taille) pour retarder le déclin de la production mondiale. L’Arabie Saoudite, premier producteur mondial de pétrole, aurait mis un terme à la prospection sur son sol afin d’épargner ses richesses et de les transmettre aux générations futures, selon une déclaration du roi Abdallah datée du 1er juillet. L’annonce a été faite à Washington devant des étudiants saoudiens, précise l’agence de presse saoudienne. Prononcée deux jours après une rencontre entre le souverain saoudien et le président américain Barack Obama, elle résonne comme une mise en garde.

L’arrêt du développement de nouveaux champs pétroliers en Arabie Saoudien menace de compliquer un peu plus l’avenir de la production mondiale de pétrole, face à une demande toujours plus forte. En effet, l’Arabie Saoudite détient à elle seule 20 % des réserves mondiales d’or noir. Tempérant le malaise déclenché par cette annonce, un officiel du ministère du pétrole saoudien a indiqué à l’agence Dow Jones que cette déclaration ne signifiait pas un arrêt définitif, « mais qu’elle voulait plutôt dire que les activités d’exploration futures devraient être menées sagement », précise le Financial Times. Le quotidien économique londonien rappelle que la compagnie pétrolière nationale saoudienne, l’Aramco, est censée actuellement prospecter en mer rouge et dans le golfe persique.

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One Comment

  1. Le défi Oussama Ben Laden est politique .
    Le défi chiite Hassan Nasrallah est une atteinte à l’Islam, une réalité à deux visages.

    Je suis un homme cartésien, Oussama Ben Laden n’a jamais touché à la religion, s’entre tuer avec la famille royale est un choix et ce n’est pas mon problème.
    Hassan Nasrallah n’est pas musulman selon les musulmans et selon les juifs et les chrétiens aussi et il se dit musulman, ce n’est pas un libre culte, c’est une atteinte au culte des autres.

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