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Lakhdar Brahimi : « C’est à croire que c’est la Palestine qui occupe Israël »

Lakhdar Brahimi, ancien diplomate algérien et ancien représentant spécial des Nations Unies en Irak, en Afghanistan et en Afrique, est connu pour avoir sillonné le monde en tant que fonctionnaire international et géré des conflits réputés pour leur complexité, comme la guerre civile au Liban. Dans cet entretien accordé au quotidien El Watan, il revient sur les grands problèmes du monde avec une profondeur et une finesse remarquables.

Comment les attentats du 11 septembre 2001 ont-ils été ressentis à l’ONU ?

Comme un véritable séisme. Personne ne s’attendait à cette attaque spectaculaire et meurtrière en Amérique. De plus, on craignait que le siège de l’ONU soit la prochaine cible. Je crois que tous les Etats ont été secoués tant par la nature que par l’ampleur du désastre. L’ouverture des travaux de l’Assemblée générale, qui a lieu le troisième mardi de septembre, a été retardée de quelques semaines. A ma connaissance, cela ne s’était jamais produit auparavant. Quand le débat général a commencé, tout a été recentré autour de ces attentats et de leurs conséquences sur les relations internationales.

Etes-vous de ceux qui disent qu’il y a un avant le 11 septembre et un après le 11 septembre ? Comment se caractérisent l’un et l’autre ?

Je ne pense pas qu’il y ait divergence à ce sujet. Il y a effectivement un avant et un après le 11 septembre 2001. Mais naturellement tout le monde ne voit pas ces deux périodes – surtout la seconde – de la même manière. Jusqu’au 11 septembre, il y avait un avant et un après la chute du mur de Berlin. La fin de la guerre froide et l’effondrement de l’URSS ont donné naissance au monde unipolaire, dominé par l’hyperpuissance américaine. En son temps, le Mouvement des pays non-alignés avait milité de manière conséquente contre la fatalité et les rigidités de la guerre froide. Cependant, la guerre froide ne s’est pas terminée par la coexistence pacifique que nous appelions de nos vœux, mais par la victoire d’un camp sur l’autre. Et le vainqueur entendait dicter ses conditions non seulement au vaincu, mais à l’ensemble de la communauté internationale. Le Mouvement des non-alignés s’était déjà essoufflé bien avant la chute du mur de Berlin. Depuis, il est pratiquement sans voix.

Les Etats-Unis ont élaboré une nouvelle conception du monde. Quelles sont les grandes lignes de cette nouvelle politique que vous avez contestée publiquement à plusieurs reprises ?

Au lendemain de la première guerre du Golfe, le président américain George Bush père était venu annoncer, à la tribune des Nations unies (mai 1991), l’avènement d’un « nouvel ordre international ». Je n’y ai jamais cru, pour ma part. Certes, l’Amérique était désormais la seule hyperpuissance et exerçait une influence considérable dans tous les domaines. Mais l’époque était celle d’une longue transition, pas celle d’un nouvel agencement des relations internationales, accepté par tous et stable. Quant à George W. Bush, il s’est réveillé au lendemain du 11 Septembre 2001 et s’est déclaré « Président de temps de guerre » (War President).

Il dit que son pays était engagé dans une guerre globale contre le terrorisme. Certes, Eisenhower (guerre de Corée), Kennedy, Johnson, Nixon (Viêt-nam) et son propre père (première guerre du Golfe) avaient également dirigé le pays en temps de guerre, mais lui se disait engagé dans une véritable guerre mondiale, à l’instar de Franklin D. Roosevelt durant la Seconde Guerre mondiale. Dans ce qu’il a appelé sa guerre contre le terrorisme, il considérait que tous les pays et tous les peuples doivent être partie prenante. Et il dira solennellement que, dans cette guerre, « quiconque n’est pas avec nous, est contre nous ».

Ainsi, pour Bush fils, ce n’est plus la fin de la guerre froide qui ouvre la voie à une nouvelle ère dans les relations internationales, mais le 11 septembre et ce qu’il baptisa guerre globale contre le terrorisme. Il faut cependant bien voir que George Bush ne réinvente pas la roue. On connaît les tendances profondes et anciennes des USA à l’isolationnisme. Lorsque la puissance américaine s’est engagée dans la vie internationale, son engagement a toujours été caractérisé par un particularisme très fort et une réticence de plus en plus vive à l’égard du droit international. C’est depuis le président Ronald Reagan en 1981 que la puissance américaine s’est progressivement éloignée du multilatéralisme pour affirmer de plus en plus ce que l’on appelle l’exceptionnalisme américain. Cet exceptionnalisme s’exprime par un mépris de plus en plus accentué du droit international.

A certains moments, l’Amérique semble prétendre imposer sa propre législation au reste du monde. L’exceptionnalisme US a trouvé son expression la plus spectaculaire dans la proclamation appelée par ses auteurs – un groupe de politologues et d’hommes politiques conservateurs ou d’extrême droite, les néo-conservateurs – du nom de nouveau siècle américain (The New American Century). La théorie du nouveau siècle américain est très simple : l’Amérique a gagné la guerre froide, elle est la seule grande puissance sur terre et elle doit le rester. Elle ne doit pas permettre l’avènement d’une nouvelle puissance (la Chine par exemple) ou d’un groupe de puissances. La version de Bush de cette théorie va se confectionner un ennemi à la mesure de ses ambitions. Cet ennemi s’appellera d’abord terrorisme international. Très vite, il deviendra terrorisme islamique et, pour certains, islamo-fascisme. De là à designer le monde musulman et l’Islam comme l’ennemi, il n’y avait qu’un pas que beaucoup en Amérique, en Europe, en Israël et même ailleurs ont franchi avec allégresse.

Il n’y a pas de doute que la rhétorique a changé avec Obama. Son remarquable discours du Caire était plein de promesses. Washington ne parle plus de guerre globale contre le terrorisme, encore moins de terrorisme islamique. Mais le puissant lobby israélien et ses fanatiques alliés au sein de la droite chrétienne sont encore plus virulents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au temps de George Bush et Dick Cheney. Et si Obama surveille son langage, pour l’essentiel, il y a plus de similitudes que de différences entre sa politique et celle de son prédécesseur, surtout en ce qui concerne le Moyen-Orient.

Où en sommes-nous aujourd’hui. Qu’en est-il advenu de ce fameux siècle américain ?

La très grave crise financière, la confirmation de la puissance chinoise, le retour d’une Russie plus confiante sur la scène internationale, l’importance grandissante de pays émergents tels que l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, la Turquie, semblent marquer un retour progressif vers un monde multipolaire. Obama lui-même donne l’impression de comprendre et d’accepter cette évolution. Il n’est pas certain que l’ensemble de son Administration le suive. En tous les cas pas le Congrès élu en 2010, républicain et très conservateur avec des relents franchement fascistes. Le spectacle qu’ils ont donné d’eux-mêmes en recevant Netannyahou (le Premier ministre israélien ndlr) était hautement significatif et préoccupant. L’islamophobie se porte très bien. Regardez seulement cet attentat à Oslo le mois dernier et le délire de son auteur sur internet.

Il y a aussi l’invasion de l’Irak. Est-ce cela le changement ?

Pour les néo-conservateurs, envahir l’Irak était une véritable obsession bien avant le 11 septembre. Dick Cheney était acquis. Ce n’était pas très difficile de convaincre George Bush. La légende des armes de destruction massive que l’Irak de Saddam Hussein était supposé posséder n’était que cela : une légende. Les plus militants pour la cause de l’invasion, et de vieille date, étaient des sionistes inconditionnels : Daniel Pearl, Paul Wolfowitz, Elliot Abrams pour ne citer que les plus connus. En fait, dès le lendemain du 11 septembre, tous les efforts de ces individus étaient tendus vers l’Irak, pas l’Afghanistan. Le professeur Bernard Lewis, (l’orientaliste bien connu, converti au sionisme depuis longtemps et principal inspirateur de la politique des néo-conservateurs vis-à-vis du monde arabe et de l’Islam) dira, dès le 14 septembre 2001, à un visiteur, que l’Amérique allait envahir l’Irak le 17 septembre, une réunion est tenue au Pentagone pour discuter, non pas de l’Afghanistan, mais de l’Irak. Le méprisable Ahmed Chalabi (exilé irakien à l’époque ndlr) est convié à cette réunion. Tony Blair (l’ancien Premier ministre britannique ndlr) jouera un rôle néfaste que beaucoup de ses concitoyens – probablement la grande majorité – trouvent indigne, voire criminel. L’invasion était illégale, injuste, injustifiée. L’occupation fut tout simplement criminelle. On a systématiquement détruit l’Irak et causé la mort de centaines de milliers d’innocents. Etait-ce l’objectif poursuivi ?

Je pense qu’il faudra un jour constituer une grande commission internationale pour enquêter de manière systématique et crédible au sujet de ce qui s’est passé avant, pendant et après l’invasion de l’Irak. Les apprentis sorciers, qui ont poussé à l’invasion de l’Irak, pensaient que cette aventure allait contribuer à asseoir de manière définitive la suprématie américaine et permettre en particulier de redessiner ce qu’ils appelaient le Grand Moyen-Orient à l’avantage des Etats-Unis et d’Israël. Mais l’aventure a tourné au désastre pour eux ; elle a ruiné les Etats-Unis, détruit leur prestige dans le monde et montré leur vulnérabilité.

Quel est l’impact de ce changement de la scène internationale sur des pays comme l’Algérie ?

L’Algérie fut un ténor parmi les pays non-alignés. Le Sommet d’Alger, en 1973, fut l’un des plus réussis – peut-être le plus réussi – de toute l’histoire du Mouvement. Comme nous l’avons dit plus haut, la voix de ce Mouvement a commencé à s’éteindre bien avant la fin de la guerre froide. Depuis, on n’entend plus les non-alignés. La Ligue arabe s’est également éclipsée. Seule l’Union africaine essaie, avec plus ou moins de bonheur, de maintenir une certaine présence. Un pays comme l’Algérie ne peut affirmer sa présence, s’exprimer et défendre ses intérêts qu’en s’appuyant sur de tels relais.

Si ces relais font défaut, les choses deviennent difficiles. De plus, le cauchemar de la décennie noire a considérablement affaibli notre pays à l’intérieur de ses frontières, à l’échelle régionale et dans le monde. Aujourd’hui, les cartes se mélangent de nouveau à tous les niveaux. Ceci est porteur de nouveaux dangers, mais cette situation offre également d’excellentes opportunités, si on ne va pas vers elles en rangs dispersés tant à l’échelle nationale qu’au plan régional et au niveau du Tiers-Monde.

C’est la fin du « qui tue qui ? ». Les attentats du 11 septembre ont-ils rendu la définition du terrorisme moins équivoque ?

Il n’y a pas de doute que le 11 septembre a ouvert les yeux à beaucoup de responsables, de journalistes, d’intellectuels, qui avaient été si scandaleusement injustes envers l’Algérie et sottement irresponsables dans leurs analyses. On sait maintenant qui tuait qui. Mais la définition du terrorisme, c’est autre chose. La question est à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU depuis des années. Les Occidentaux disent que tout recours à la violence est terrorisme. Certains pays, comme les Scandinaves, sont peut-être sincères. Ce n’est pas le cas pour d’autres qui ne s’embarrassent guère pour trouver tout à fait légitime le recours à la violence par les groupes qu’ils soutiennent. Ce deux poids, deux mesures s’exprime dans tout son cynisme lorsqu’il s’agit de la Palestine. Quand Israël bombarde, assassine, torture, il exerce son droit légitime à se défendre. Quand les Palestiniens ont recours à la force, sous quelque forme que ce soit, c’est du terrorisme. C’est à croire que c’est la Palestine qui occupe Israël.

Vous, personnellement, étiez au cœur des changements qui ont vu le jour après le 11 Septembre, pour avoir pris une part importante lors de la conférence de Bonn sur l’Afghanistan. Quel a été exactement le rôle des Nations unies ?

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Disons que j’étais présent et qu’à partir des postes de haut fonctionnaire international que j’occupais, j’ai pu observer les choses de près. Ainsi, la conférence de Bonn sur l’Afghanistan a eu lieu après l’intervention militaire américaine et la chute du régime des talibans. J’avais été chargé de préparer et de présider cette conférence, puis de diriger la mission des Nations unies à Kaboul pour aider le peuple afghan à reconstruire son pays. L’intervention américaine avait été tacitement acceptée, voire soutenue par l’ensemble des pays membres des Nations unies ; mais elle ne fut jamais officiellement autorisée par le Conseil de sécurité. La Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (en anglais United Nations Assistance Mission for Afghanistan ou Unama), que j’ai dirigée jusqu’au début de 2004, n’avait rien à voir avec l’opération militaire américaine baptisée « Enduring Freedom » L’action de l’Unama était entièrement consacrée à la reconstruction de l’Afghanistan – tant pour ce qui est des institutions étatiques qu’au plan économique, social et culturel. Deux faiblesses principales de l’action internationale :

a – peu après notre arrivée à Kaboul, en décembre 2001, j’avais suggéré que nous essayons de tendre la main à tous ceux qui n’avaient pas été représentés à Bonn, y compris les talibans. Cette suggestion fut unanimement rejetée par les nouvelles autorités afghanes, les USA, l’Inde, l’Iran, la Russie ;

b – les Américains voulaient se venger de Ben Laden et punir les talibans qui avaient refusé de leur livrer le leader d’Al Qaîda. Ils n’étaient guère intéressés par le devenir de l’Afghanistan ; ils ne pensaient déjà qu’à l’Irak.

Et pourtant aussi bien le président Karzai que les Etats-Unis et même l’OTAN déclarent maintenant privilégier un règlement pacifique incluant les talibans. Qu’a-t-il bien pu se passer ?

Oui, je crois qu’on reconnaît, en effet, que l’arrogance qui a caractérisé l’intervention américaine en Afghanistan ainsi que les erreurs commises par la communauté internationale (ONU incluse) sont largement responsables de la situation présente. On reconnaît aussi, je crois, que les USA ont commis une faute lourde de conséquences en se détournant de l’effort de reconstruction en Afghanistan pour se précipiter vers l’invasion et l’occupation de l’Irak. Disons tout de même qu’il y a eu des voix qui s’étaient élevées, même à Washington – trop timidement, on le voit aujourd’hui – pour mettre en garde contre cette politique aventuriste. Je nommerai ici Colin Powell, alors secrétaire d’Etat, qui partageait nos idées pour l’Afghanistan, et qui, je crois, était peu enthousiaste pour la guerre en Irak. Mais il se déconsidéra très lourdement, lorsqu’il accepta de se prêter à cette piteuse farce au Conseil de sécurité, peu de temps avant l’invasion de l’Irak.

L’on est tout de même loin du concept de sécurité collective…

Oui et non. Comme je l’ai dit plus haut, certains dirigeants américains, mais aussi des médias comme la chaîne de télévision Fox News pensent que les USA sont au-dessus du droit international. Mais le droit international existe bien. Bien des progrès sont faits dans tous les domaines, même si les textes votés en ce sens sont peu ou mal appliqués ou alors mis en œuvre de manière sélective. Les pays du Tiers-Monde n’ont pas tort de s’élever contre ces pratiques. Mais plutôt que de se cantonner dans une attitude frileuse, ils devraient au contraire lutter pour que l’application de ces textes ne se fasse pas au détriment de leurs intérêts légitimes. On se plaint souvent, avec raison, des faiblesses des Nations unies. Mais qui sont donc ces Nations unies, sinon en tout premier lieu les Etats membres eux-mêmes ? C’est aussi la société civile, les médias de tous les pays, les citoyens libres et responsables du monde entier qui se doivent d’œuvrer ensemble, avec patience et persévérance pour que le droit international s’applique à tous, dans l’intérêt de tous et qu’il soit respecté par tous.

Ne croyez-vous pas que la question des luttes de libération, comme c’est le cas en Palestine, a été étouffée et qu’elle a même régressé ?

Il n’y a plus beaucoup de colonies, fort heureusement. Le cas de la Palestine n’en est que plus dramatique. Un véritable scandale en fait ; une honte pour l’humanité tout entière. Petit à petit, les Etats-Unis ont réussi à marginaliser complètement les Nations unies dans la gestion politique de ce conflit. Les pays du Tiers-Monde s’en sont progressivement désintéressés – surtout après les accords de Camp David et l’établissement de relations diplomatiques entre l’Egypte et Israël. Un pays, comme l’Inde qui entretenait des relations privilégiées avec la plupart des pays arabes, notamment l’Egypte de Nasser et l’Algérie, l’Irak entretient aujourd’hui des relations étroites avec Israël. Les pays arabes ont très largement contribué à l’isolement des Palestiniens et à la mainmise des Etats-Unis sur le dossier politique. Or, les Etats-Unis ne cachent pas qu’ils soutiennent à 100% toutes les positions des gouvernements israéliens, quels qu’ils soient. Obama avait fait preuve d’une timide velléité. Il s’est aligné par la suite sur la position de ses prédécesseurs. Pour que les choses changent de manière significative, il faudrait améliorer l’équilibre entre Israël et la Palestine. Pour le moment, Israël est beaucoup trop fort et la Palestine beaucoup trop faible. Il est possible de changer un peu cette équation asymétrique, notamment en soutenant plus énergiquement les Palestiniens, et en les encourageant à entreprendre une résistance pacifique générale, y compris par des manifestations de masse contre l’occupation – à l’instar de ce qui s’est passé en Tunisie et en Egypte.

Le monde arabe est secoué par des révoltes depuis le début de cette année. Comment les qualifier ? Est-ce une nouvelle phase historique pour le monde arabe ?

On discute beaucoup ces temps derniers afin de savoir si ces révoltes, comme vous les appelez, méritent bien leur nom de « printemps arabe ». Chaque fois que j’ai eu à m’exprimer sur ce sujet, que ce soit en public ou en privé, j’ai dit à peu près ceci :

 a – tous les peuples arabes aspirent au changement. Quoi de plus normal, de plus légitime ?

 b – théoriquement tous les dirigeants devraient pouvoir conduire eux-mêmes les processus de changement ; à l’évidence les dirigeants tunisiens, égyptiens, yéménites, libyens, syriens et bahreïnis ne l’ont pas fait ; ils en ont payé – ou ils vont en payer – le prix ;

 c – dans les pays que je viens de citer et dans tous les autres, le changement – indispensable et inévitable – se fera de façon différente. Les gouvernements ont la responsabilité première, mais la société ne devrait ni exagérer ni abdiquer son rôle. Là encore, la Tunisie, l’Egypte, mais aussi la Libye, la Syrie, le Yémen sont pleins d’enseignements pour tous. Je suppose que la longue et dure expérience depuis Octobre 1988 dans notre propre pays est, elle aussi, riche en enseignements pour nous-mêmes et pour les autres. Certes, les réformes politiques sont essentielles. Mais qu’en est-il de l’éducation – celle qui est dispensée à l’école, mais aussi celle qui est prodiguée à la maison, sur les terrains de sport, à l’usine, au bureau, dans la rue ? Lorsque le Dr AbdulRahman – un savant Pakistanais – a reçu le prix Nobel (de physique, je crois), il y a une trentaine d’années, le comité suédois lui posa la question suivante : « Il y a des centaines de millions de musulmans dans le monde et vous êtes le premier et le seul savant musulman qui ait reçu un prix Nobel. Il y a moins de 10 millions de juifs dans le monde et des savants juifs raflent plusieurs Nobel chaque année, pourquoi ? » Depuis, il y a eu un autre prix Nobel scientifique musulman : Ahmed Zouwail, Egyptien de naissance. Mais c’est en Amérique qu’il vit et c’est là qu’il fit les travaux qui ont été couronnés.

L’explication est simple : nos systèmes d’éducation ne sont pas faits pour former « des têtes bien faites », au mieux, « des têtes bien pleines ». Et les budgets que nos Etats consacrent à la recherche sont dérisoires ;

 d – les Occidentaux ont tort de croire qu’ils peuvent téléguider ou même inspirer le changement où que ce soit. La plupart des pays arabes auront désespérément besoin d’aide économique. Mais les changements politiques ne seront viables que s’ils sont authentiquement d’essence nationale ;

 e – Il est grand temps de faire revivre une coopération interarabe active et crédible. Savez-vous que l’ensemble du monde arabe exporte hors hydrocarbures – moins que la petite Suisse ?

 f – La coopération régionale peut et doit dépasser le seul cadre arabe. La Turquie mène une politique débordante d’activité et pleine d’imagination. L’Iran a bénéficié de manière inespérée de l’invasion américaine de l’Irak. Entre Téhéran et ses voisins immédiats, il y a de nombreux problèmes. Certains de ces problèmes sont objectifs, concrets, tels les îles occupées depuis la période du Shah. Les problèmes subjectifs ne sont pas moins réels. Ma modeste expérience m’a appris qu’il n’y a pas de problème insoluble. Mais bien peu de problèmes sont résolus du jour au lendemain. Personne ne possède de baguette magique. Enfin l’Asie – et pas seulement la Chine et l’Inde – est entrée de plain-pied dans l’histoire. Le monde arabe ne peut que gagner à développer ses relations avec les pays de ce continent ;

 g – Washington estime qu’Israël doit absolument être inclus tout de suite et sans condition dans le Grand Moyen-Orient. Non, Israël ne peut absolument pas dans les conditions actuelles, être intégré au sein de la région. Au contraire, à mon avis, nous devons boycotter Israël tant qu’il mène cette politique d’occupation, de spoliation et de répression vis-à-vis des Palestiniens. Les membres de la Ligue arabe suivis par les membres de la Conférence islamique ont unanimement déclaré qu’ils normaliseront leurs relations avec Israël le jour où un Etat palestinien viable dans les frontières de 1967 aura vu le jour ;

h – On ne peut pas, dans ce contexte, occulter le Maghreb. Et le Maghreb ce sont tout d’abord les relations entre le Maroc et l’Algérie

El Watan

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