La chaîne de l’information LCI organisait depuis deux semaines un débat entre Bernard-Henri Lévy et moi-même programmé pour le mardi 8 mars prochain. Etant donné l’intérêt de ce débat, la chaîne avait même décidé de changer l’horaire du magazine quotidien « Question d’Actu » (normalement à 11 heures du matin) pour une tranche horaire plus intéressante : 18h30 – 20h00. Bernard-Henri Lévy avait confirmé par écrit sa participation, les règles de gestion des temps de parole et les thèmes avaient été discutés : un débat de fond devenait enfin possible. Apparemment.
Depuis les premiers contacts, j’avais annoncé que Bernard-Henri Lévy ne participerait pas à un tel débat. Une fois déjà il avait fait mine d’accepter une rencontre pour se rétracter au dernier moment et faire ainsi annuler purement et simplement l’émission. Les journalistes étaient plus confiants cette fois-ci et m’assuraient que Bernard-Henri Lévy avait, par écrit, confirmé sa participation. C’était sans connaître l’homme et ses méthodes : « Rebelote ! », Bernard-Henri Lévy se dérobe et prouve qu’il ne tient pas au débat… à l’instar d’ailleurs de Caroline Fourest qui, pour la même émission, a refusé la confrontation. « Rebelote ! » également. Il est amusant de constater que Bernard-Henri Lévy a justifié sa décision après, dit-il, avoir lu le livre d’entretien avec Aziz Zemouri Faut-il faire taire Tariq Ramadan ?, auquel il ne veut pas faire de la publicité…
Le débat n’aura pas lieu mais ce qui demeure le plus grave et le plus attristant dans l’affaire c’est que le débat de fond, raisonné et constructif, semble devenir impossible en France. La passion et les condamnations définitives l’emportent sur tout autre approche raisonnable.
En ce qui me concerne, je fais face à un double phénomène aggravant. Soit on assiste, comme certains l’ont qualifié, à un « lynchage médiatique » pur et simple ; soit c’est le boycott caractérisé par lequel on s’évertue à ne plus me donner la parole : de plus en plus de salles me sont interdites et il s’agit dans les médias de m’empêcher de m’exprimer dans des conditions minimales d’objectivité et de débat équilibré (le CSA est même intervenu pour signifier que j’avais été trop invité).
J’observe néanmoins cette situation avec sérénité : en France, l’état de la réflexion et du débat concernant l’islam, les Français de confession musulmane et la construction de la France plurielle de demain est pauvre, superficiel et se nourrit des peurs et des racismes. Il faudra bien, pour le bien-être de tous, briser ces carcans et ses positions sectaires : de là où je suis, avec mes moyens et mes partenaires, je continuerai à me battre pour les idéaux de la citoyenneté égalitaire, contre tous les racismes et pour la promotion du droit des femmes. Par les livres, les conférences et sans jamais éviter le moindre débat contradictoire.
Genève, le 2 mars 2005
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