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Fait divers

La radio s’est fait hier matin, 15 mai 2006, l’écho d’un fait divers : au Maroc, un touriste français est victime d’un meurtre. Il est arrêté. Mais un différend s’installe sur les motivations, donc sur le caractère, du crime. L’accusation, nous dit-on, a conclu à l’acte d’un déséquilibré. La famille de la victime, par la voix de son avocat français, conclut au geste d’un islamiste fanatique, voulant s’en prendre à un touriste non-musulman. Elle en veut pour « preuve » (sic) le profil du meurtrier : un jeune homme barbu, vêtu d’une djellaba, et qui s’est élancé sur sa victime en criant « Allah Akbar ! »

Étrange « preuve » en vérité. Comme si porter une barbe et une djellaba, et hurler « Dieu est grand » en frappant à mort un touriste étranger était incompatible avec le déséquilibre mental. Comme si un tel déséquilibre était le privilège de gens rasés de frais, portant costume et cravate, et hurlant des obscénités. Si, en France, un homme vêtu d’une robe de bure et arborant une grande croix poignardait un touriste japonais en criant « Au nom du Père », il ne viendrait pas à l’idée de grand monde d’y voir l’effet d’un complot des émules de Monseigneur Lefèbvre.

On peut certes objecter à la remarque qu’il y a, au Maroc, plus d’hommes portant la djellaba (alors que chacun sait que seul le complet veston est une tenue normale) qu’il n’y a, en France, d’individus se promenant en bure. Mais puisque, justement, ce meurtre est – heureusement ! – exceptionnel, si bien que barbes et djellabas, par leur caractère banal, ne peuvent valoir explication. Faut-il, au Maroc ou ailleurs, voir derrière tout barbu en djellaba un « islamiste » ? Faut-il y voir un assassin potentiel ?

Ce n’est pas d’après le costume d’un meurtrier que l’on peut évaluer sa santé mentale. Son « profil » est une chose plus complexe, que l’on ne peut réduire aux mots, assurément dépourvus de portée criminelle intrinsèque, qu’il a pu prononcer en commettant son acte. Et quand bien même la folie se moulerait dans des thèmes idéologiques réels, cela ne signifierait pas que ces thèmes idéologiques en seraient la cause.

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À supposer que l’auteur d’un acte se prévale d’un courant politique ou religieux, ce courant ne peut être mis en cause que si l’on prouve par ailleurs la cohérence de cet acte avec le fondement idéologique qu’il se donne, qu’on puisse l’inscrire dans une décision collective, dans le plan concerté d’un groupe, etc.

Est-ce le cas dans ce drame ? Le peu qu’on en sache ne permet pas de le dire. Mais ce qu’on peut dire avec assurance, c’est que voir dans la pilosité, la tenue, et les mots prononcés par le meurtrier la preuve qu’il serait sain d’esprit, et que son acte serait celui d’un « islamiste », c’est flatter les pires stéréotypes.

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