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Face au blocus, les Qataris jouent la carte de l’ouverture et du débat

Selon une enquête de l’université Northwestern, les citoyens du petit émirat sont devenus plus ouverts à la politique, plus tolérants et plus exigeants avec leur gouvernement. 
« Si le blocus imposé au Qatar par l’Arabie saoudite et ses alliés en juin 2017 a eu peu d’impact sur l’économie et la vie politique du pays, il a toutefois provoqué “des changements importants dans l’opinion publique qatarie ». C’est l’une des principales conclusions de l’enquête Media Use In The Middle East 2018, réalisée par une équipe de chercheurs de l’université Northwestern au Qatar (Northwestern University in Qatar, NU-Q).
Dans un article paru le 12 février dans le Washington Post, Justin D. Martin, professeur agrégé au programme de journalisme et de communication stratégique de la NU-Q et chercheur principal de l’enquête sur l’utilisation des médias au Moyen-Orient, revient sur les principaux enseignements de ce sondage.
Dix-huit mois après le début de la crise la plus sérieuse qu’ait connue le Conseil de coopération du Golfe (CCG), « la famille régnante au Qatar est la même. Le pays entretient toujours de bonnes relations avec les États-Unis, la Turquie et la majeure partie du monde. Selon les prévisions de la Banque mondiale, l’économie qatarienne connaîtra une croissance de 3 % en 2019 et 2020 », constate le chercheur.
Pourtant, le Qatar n’est pas tout à fait le même. Les résultats de l’enquête montrent « des points d’inflexion clairs sur un large éventail d’attitudes politiques ». Les Qataris sont notamment devenus « plus ouverts à la politique et plus ouverts aux critiques publiques à l’égard du gouvernement ».
Les Qataris prennent la parole
Une réaction pour le moins surprenante soulignent les scientifiques : dans la plupart des situations similaires observées par des chercheurs en sciences sociales, c’est l’effet inverse qui se produit. Confrontées à une agression ou à une situation de tensions, la plupart des populations se renferment sur elles-mêmes, se montrent plus autoritaires et plus hostiles à certaines libertés perçues comme un risque supplémentaire dans une situation tendue.
Mais tandis que les pays menacés par des forces extérieures ont tendance à devenir moins tolérants et à limiter la liberté d’expression, au Qatar la parole se libère.
Selon le professeur Martin, « le blocus semble avoir encouragé les Qataris à être plus ouverts sur les questions de liberté d’expression ». L’enquête révèle en effet que la plupart d’entre eux se sentent maintenant à l’aise en discutant de politique (72 % en 2018, contre 23 % en 2017) et environ la moitié estime que les gens devraient pouvoir critiquer les gouvernements en ligne (48 % en 2018, contre 19 % l’année précédente).
En matière de liberté d’expression, les réponses des Qataris se démarquent tout particulièrement de celles de leurs voisins égyptiens, jordaniens, libanais, tunisiens et émiratis. Ainsi, en 2018, 68 % des Qataris estiment que chaque citoyen devrait pouvoir s’exprimer en ligne même si ses idées sont impopulaires. Ils n’étaient que 35 % à le penser en 2017.
Les conséquences surprenantes du blocus
Comment expliquer cette situation ? Trois hypothèses apparaissent.
D’abord, le blocus est un événement politique et social détonnant dans un pays historiquement plutôt tranquille. Le flegme qatari s’en est trouvé bousculé, notamment auprès d’une jeune génération confrontée pour la première fois à une crise politique d’une telle ampleur. Une situation qui a participé à délier les langues, nourrir les dialogues et les échanges. Comme l’explique Dima Khatib, directrice générale d’AJ+ (le service d’information en ligne de la chaîne Al-Jazeera) citée par le professeur Martin “le blocus semble avoir fait émerger un nouvel espace en ligne pour discuter publiquement, d’abord, des problèmes auxquels leur pays est confronté et, ensuite, des préoccupations de chacun”. Le blocus a été un véritable séisme dont les secousses se sont propagées dans chaque foyer qatari, faisant apparaître un sujet de discussions politiques et de débats dans un pays jusque là concentré sur ses performances économiques.
Seconde hypothèse, complémentaire de la première : la crise ouverte avec l’Arabie saoudite, pays guère porté sur les droits de l’Homme, a peut-être poussé un certain nombre de Qataris à revendiquer encore plus fort leur attachement aux libertés individuelles pour réaffirmer leur opposition à Riyad.
Enfin, les statistiques révélées par le Washington Post sont aussi révélatrices d’une nation sûre d’elle-même, après avoir tenu en échec ses puissants voisins. Une confiance dans l’avenir et dans la solidité du pays qui s’en ressent dans le rapport à la liberté d’expression.

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