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D’un intégrisme à l’autre

Une question semble préoccuper tous les esprits : doit-on autoriser le port du voile à l’école ? Le conseil d’état a pourtant statué, mais cela ne suffit plus semble-t-il. En tout cas pas en ce qui concerne le foulard car c’est bien lui qui pose le plus problème. Celui-ci ne renvoie pas à quelque chose de commun à l’ensemble de la société française. Cette différence là n’est pas comprise. Pourtant face à la différence les programmes d’éducation à la citoyenneté de la république française sont clairs : tous différents mais tous égaux.

Que se passe-t-il en France ? le pays qui a su faire prévaloir la raison sur tout autre mode de pensée semble entrer dans une réelle frénésie. Comment la nation qui a vu naître les lumières, où se sont forgés les droits de l’homme s’apprête-t-elle soudain à renouer avec un néo-obscurantisme. Notre république deux fois centenaires s’ébranlerait-elle pour un vêtement. N’a-t-on plus confiance en notre pacte républicain ? La question est ailleurs. Comment expliquer un intégrisme qui forcerait l’individu à se découvrir contre son gré ? Au nom de quoi peut-on s’ingérer dans l’intimité d’une conscience ? Pour son bien nous dit-on. Et l’objectivité dans tout ça. Nous aurions donc à signifier ici ce qui était « le bon » en matière de vêtement. Qu’allons-nous donc répondre à ces individus, qui au nom de leur subjectivité unique, aveuglés par leurs convictions imposent à d’autres individus leur mode de pensée  ? En d’autre terme, la liberté consisterait à faire “ce que je veux”, sinon, garde aux réfractaires.


De quelle liberté parlons-nous alors ? Le minimum de liberté que l’on doit à un citoyen est qu’il définisse lui-même ce qui correspond à sa pudeur. Il est donc évident qu’une personne qui ne souhaite pas le porter ne le porte pas, et nous condamnons tous ces cas de figure chaque fois qu’ils se présentent. Une démarche personnelle, religieuse ou non, n’a de sens que si elle est le fruit du libre choix de chacun.

Il n’y a pas si longtemps, on expliquait aux individus “issus de l’immigration” qu’il y avait une loi, une seule, et qu’elle devait s’appliquer à tous. Aujourd’hui, à ces individus qui ont respecté la loi qui, en réalité, est une loi sage élaborée pour la paix sociale, on explique qu’il faut alors changer cette loi car elle n’est plus adaptée. Adaptée à quoi ou plutôt à qui  ? Allons, un peu d’honnêteté ne ferait de mal à personne  ! Nous rappelons ici à l’ordre les politiciens de ce pays en les mettant en garde contre une loi discriminante à l’endroit de la communauté musulmane. Tout ce tapage médiatique a eu au moins le mérite de délier les langues. On entend ici et là que « ceux qui n’aiment pas la république, qu’ils aillent ailleurs », ou que « quand on va chez quelqu’un on fait comme lui, on s’assimile à sa culture, que l’Europe a opté pour le modèle laïque, qu’elle à écarté les religions et qu’elle se battra pour cet état », et quelques minutes plus tard du même orateur que « l’Europe reste quand même de tradition judéo-chrétienne ». Décidément, les autorités publiques semblent ne pas vouloir comprendre qu’elles s’adressent à des citoyens français, tout aussi français qu’eux-mêmes. Eh oui, pour ceux qui hésitent encore à mettre une étiquette sur ce discours, qu’ils n’hésitent plus. Un racisme ordinaire est en train de s’installer et prend en otage la vie politique du pays. On nous propose des statistiques affirmant que c’est l’opinion de la majorité des français. Comment pourrait-il en être autrement avec toute cette désinformation à faire radicaliser contre les musulmans les plus « islamophiles » s’ils ne prennent pas de recul. La question n’est donc pas celle du foulard, plus que symbolique, elle est plus profonde. Bien que ce débat tende perpétuellement à aborder l’islam dans une de ses formes ou dans une manifestation spécifique, il s’agit pour nous d’aller plus loin. Cette loi qui est sur le point d’être votée par nos élus, nos représentants, de droite comme de gauche, va pénaliser une expression religieuse.

EMF s’inquiète du climat d’islamophobie qui s’installe dans le pays et qui est repris et instrumentalisé par différents politiques. Aussi, nous Etudiants Musulmans de France, sortons de notre réserve pour affirmer que nous n’accepterons pas une telle initiative qui sera vécue comme une persécution à l’endroit exclusif de la communauté musulmane. Nous appelons à une application stricte de la loi 1905. Nous nous inscrivons en cela dans la lignée des institutions spécialistes qui oeuvrent, connaissent le terrain et qui sont animées par un souci de justice et de valeurs universelles : la Ligue des Droits de l’Homme, la Ligue de l’Enseignement, le MRAP etc. Il est important pour nous tous de dépassionner le débat et de l’extraire des enjeux politiciens qui l’instrumentalisent à souhait.

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Nous appelons tous les citoyens français, attachés aux principes fondateurs de notre république à s’opposer à une loi qui commence à cadrer la pensée de l’individu. Nous mettons en garde la société contre ces dérives dont l’histoire nous a montré ô combien elles étaient dangereuses. Il n’y aura pas de paix sociale sans confiance sociale. Il ne doit pas exister de sous-citoyenneté. Les citoyens musulmans ne sont pas au-dessous de la loi ni au-dessus. A quand une grande émission sur les 99 % de musulmans vivant en France en mettant de côté pour une fois le 1% d’extrémistes que l’on retrouve dans toutes les autres sphères de la société ? Il ne doit pas y avoir d’un côté la société et de l’autre les musulmans comme c’est le cas aujourd’hui, mais les citoyens qui oeuvrent pour la république et les autres. Et que l’on cesse, s’il vous plaît de nous présenter que la seule alternative à l’intégrisme musulman, c’est contraindre des consciences libres qui ne demandent que l’épanouissement dans le respect du lien social qui fonde notre société.

Aujourd’hui, en tant qu’étudiants et acteurs de ce pays, nous trouvons déplacé de focaliser le débat sur la question du foulard quand on sait les problèmes auxquels est confrontée notre école.

Etudiants musulmans de France

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