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Du débat à Déat

Les débats sur l’identité nationale me laissent depuis longtemps perplexe : je suis un Français de souche, indubitablement. Ma famille est connue depuis des siècles en Languedoc, comme je l’avais expliqué dans un article ici même (2). Je suis donc toujours un peu étonné de voir qu’un tel sujet puisse agiter à ce point certains de mes compatriotes.

Il me semble que nous avons ici un double phénomène : d’une part un “effet pied noir”, qui fait que des Français “récents” (par rapport à mon histoire familiale) soient plus Français que moi par exemple, du moins si je m’en tiens à leurs discours : ce sont eux qui demandent des comptes, des justifications, lancent même des débats sur l’identité nationale. « Effet pied noir » donc, car j’y vois plus le reflet d’une identité personnelle vacillante, d’une insécurité ressentie sur ce qu’ils peuvent être, d’une mise en péril de leurs positions acquises.

En guise de projet politique, cela a donné le putsch d’Alger, avec la mise en place d’un pouvoir dont la réalité était celui d’officiers ambitieux et fanatiques, comme le disait si justement – et admirablement à mon sens – le Général de Gaulle, et cela a produit l’O.A.S. Il est dommage que ceux qui voulaient faire étudier l’apport de la France à nos anciennes colonies n’aient pas eu l’idée de faire étudier parallèlement l’apport de nos anciennes colonies à la France, et plus particulièrement à notre culture politique.

N’ayant pour ma part jamais eu le moindre doute sur le sujet – mon appartenance « nationale » est claire – je n’ai jamais éprouvé le besoin d’en rajouter, ni même de refuser, de mesurer ou de compter comme un gagne petit à qui voulait devenir Français. Que d’autres le deviennent ne m’enlève rien à moi et je suis même heureux de voir que l’on puisse choisir ma culture d’origine, qui est donc suffisamment attractive. Ce point de vue semble curieusement de plus en plus « étranger » à mes présumés compatriotes.

J’ajoute en outre que j’ai la conviction que mon éducation protestante jointe à l’histoire – protestante aussi – de ma famille, nous fait accorder une attention particulière à tous ceux qui, de près ou de loin, peuvent se trouver dans la situation qui a été la nôtre au XVII° siècle après la Révocation de l’Edit de Nantes.

Je pense ici au mot de Louis XIV à notre représentant à la Cour, laissant tomber froidement : « Mon grand père vous a aimé, mon père vous a craint, et moi je ne vous crains ni ne vous aime. » Nous n’en sommes pas très loin dans l’attitude qu’a aujourd’hui la classe politique à l’égard de l’islam et des musulmans. Rappelons nous ce qui a suivi cette déclaration : l’interdiction du culte, la démolition des temples, les galères, la prison… Lorsque l’on a une telle culture, l’interdiction des minarets trouve un écho particulier.

D’autre part, il y a des discours souvent un peu courts portés par certains musulmans, qui revendiquent tout à la fois le respect de leurs valeurs propres et qui s’insurgent lorsque d’autres – non musulmans – leur retournent ce même discours.

J’entends de là certains se hérisser. Je voudrais bien être compris : je crois avoir suffisamment défendu notamment tant sur ce site que dans ma vie professionnelle, la liberté de culte, la possibilité de construire des lieux de culte – avec minarets ! – la liberté de porter le voile ou pas, pour ne pas avoir à revenir trop longtemps sur mes convictions personnelles.

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Néanmoins, il serait bon de méditer ce que l’Imâm ‘Alî disait de la parole : on en est le maître tant qu’on ne l’a pas prononcée, on en est l’esclave une fois que c’est fait. Une situation de minorité impose, que nous le voulions ou non, une attention particulière aux paroles qui sont prononcées car elles sont systématiquement sur interprétées. Nous ne vivons pas sur une île déserte, et le discours que l’on porte est aussi dans ce qu’entend l’interlocuteur. Y faire attention permettrait de gagner en cohérence et en force et d’éviter des propos contre productifs..

Ceci dit, cela n’enlève rien à la critique que l’on peut faire du débat en cours, lancé pour des raisons claires à force d’être troubles : les manœuvres pré électorales évidentes, la lâcheté à surfer sur une opinion sensible à ce sujet, la demande de « modestie » théoriquement adressée à toutes les religions mais ne concernant en réalité que l’islam – car on ne va pas raser les clochers existants si l’on interdit les minarets « ostentatoires » -, la tartufferie générale de cette position, qui n’est pas une politique, rend ce débat non pas inutile, mais ignominieux par les relents qui l’accompagnent.

J’espère toujours d’un homme politique qu’il ait une ambition, qu’il pose un projet pour la réaliser, qu’il donne des méthodes pour l’atteindre. En guise d’ambition nous n’avons là que manœuvres à courte vue, en guise de projet qu’abandon de soi-même, en guise de méthode la stigmatisation de l’Autre.

Partis comme César, les auteurs de ce débat rentreront comme Pompée et pourraient bien finir comme Déat.

Notes :

(1) Marcel Déat, (07.11.1894 – 05.01.1955). D’abord député SFIO de 1926 à 1928 et de 1932 à 1936, après avoir été exclu de la S .F.I.O. Compte tenu de ses dérives autoritaristes, il fonde, en 1941 le Rassemblement national populaire, un parti collaborationniste, qui se déclare socialiste et européen. Il termine sa carrière politique en 1944 comme ministre du Travail et de la Solidarité nationale dans le gouvernement de Vichy, avant de finir dans le camp des ultras de la collaboration.

(2) Jeanne d’Arc à l’Académie Française »

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