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Dieu aime-t-il la mort ?

«  La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » Saint Irénée

 

Jean Rostand, éminent biologiste, fut aussi philosophe et écrivain.  Il est connu pour son athéisme. Dans son ouvrage Pensées d’un biologisteil écrit cette phrase pathétique où nous croyons déceler une conception dramatique de l’existence humaine, un pessimisme et une révolte contre la mort inéluctable des hommes : «  On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d’hommes on est conquérant. On les tue tous, on est un Dieu.» Est-ce avec le même état d’esprit.- ces lignes paraissent dire à peu près la même chose –  que Malraux dans La Voie Royale écrit : «  qu’aucune pensée divine, qu’aucune récompense future, que rien ne peut justifier la fin d’une existence humaine.»

Dieu serait selon Jean Rostand un « tueur » au sens de la définition de Larousse : «  Faire mourir (qqn) de mort violente ». Il place Dieu après l’assassin et le conquérant. L’intention est donc bien déclarée : Dieu surpasse les hommes par les nombres de « tués». Sans doute les lignes de Rostand troublent l’esprit et n’apaisent pas, elles sont surtout accusatrices envers Dieu lui-même.

Deux sens de lecture peuvent se présenter à nous :

  • Rostand voit les choses sous l’angle d’un humaniste, et devant le tragique et la façon dont il conçoit le drame humain, il fait le procès de Dieu dans l’histoire.  Il cherche alors «  Dieu dans l’histoire, c’est-à-dire la main de Dieu dans tous les événements de l’histoire ». De même  Léon Bloy, qui d’une plume sensible écrit : «  Dix-neuf siècles accomplis de christianisme, autant dire une centaine de générations arrosées du sang du Christ ! Et pour quel résultat ? Le XXe siècle peut se le demander avec stupeur.»

  • Rostand est un révolté contre la mort biologique elle-même.   On voit ici l’ambigüité de l’homme de science (de surcroît d’un biologiste) qui veut récuser, ou n’accepte pas le puissant phénomène inhérent à la condition humaine.  Pourtant, comme le dit Albert Jacquard «  Il me faut l’admettre, mon corps est mortel ; mon existence biologique ne peut être éternelle. » (Dieu ?, Stock/Bayard, p.141, 2003)

Mais le dénominateur commun de ces sens supposés, c’est bien la mort qui est en question.  Précisons, la mort des hommes.

Le problème philosophique de la mort

Epicure, avec une simplicité déconcertante, considère que la mort est un non-événement, puisque jamais nous la rencontrerons : « La mort, n’est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n’est pas là, et que, quand la mort est là, nous y sommes plus. Dons la mort n’existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu’elle n’a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus. »

De son point de vue la mort n’est rien : « Accoutume-toi de penser que la mort n’est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensation ». Pour lui, l’âme (il reconnaît donc son existence) n’est qu’un ensemble d’atomes qui se désagrègent à la mort, et en toute logique « ce qui est dissous ne sent pas, et ce qui ne sent pas n’est rien par rapport à nous ».  De même que la mort est « privation de sensation ». Epicure établit donc un rapport étroit entre la mort, l’immortalité de l’âme et la sensation. Mais l’affirmation n’est que pure spéculation, car nier la sensation après la mort, c’est se placer dans une situation irréelle, c’est « s’attribuer un savoir qu’on n’a point » car « tant qu’on n’a pas vu de ses yeux, on n’a le droit de rien affirmer » disait Mauriac.

«  Je voudrais voir un homme sobre, modéré, chaste, équitable, prononcer qu’il n’y a point de Dieu. Cet homme ne se trouve pas ». Cette sentence de La Bruyère vaut bien pour Sade, lui qui est à l’origine du mot   sadique,   se propose de nous parler du problème de la finitude. On ne sera pas étonné de lire ce qui suit. Pour lui la mort n’est rien : «  A cet instant que nous appelons mort, tout paraît se dissoudre ; nous le croyons par l’excessive différence qui se trouve alors entre cette portion de matière, qui ne paraît plus animé ; mais cette mort n’est qu’imaginaire, elle n’existe que figurativement et sans aucune réalité. »

Sade qui a substitué à Dieu la Nature, innocente même le meurtre et le légitime moralement : «  Ô Juliette ! ne perdez jamais de vue qu’il n’y a point de destruction réelle ; que la mort elle-même n’en est point une, qu’elle n’est, physiquement et philosophiquement vue, qu’une différente modification de la nature (…) La naissance de l’homme n’est donc pas plus le commencement de son existence, que la mort n’en est la cessation ; et la mère qui l’enfante ne lui donne pas plus la vie, que le meurtrier qui le tue ne lui donne la mort.» Le problème de la mort a préoccupé Feuerbach à tel enseigne qu’il écrira un livre intitulé : Pensée sur la mort et l’immortalité.Sa pensée est proche de certains philosophes de l’antiquité : « La vie ou le sens, qui ne saisit que le réel, le donné positif, ne peut sentir a propre négation ; personne ne peut donc sentir sa propre mort », ou encore tout proche d’Epicure il écrira : «  La mort n’est la mort que pour les vivants, non pour les mourants ; pour ces derniers elle n’est et n’est terrifiante qu’aussi longtemps qu’elle n’est pas encore la mort »

Il nie l’immortalité de l’âme et par delà même tout jugement à la fin du monde : «  Si la mort n’est qu’une négation qui se nie elle-même, de même l’immortalité, dans le sens ordinaire, comme simple contrepartie de cette négation, n’est qu’une stérile affirmation de l’individu, de l’existence et de la vie. (…) De même que la mort n’est qu’une négation apparente, poursuit Feuerbach, de même l’immortalité n’est qu’une apparente affirmation. »

Il n’y a aucune preuve de l’existence de l’immortalité ou de l’au-delà : « La prétendue croyance des peuples à une autre vie n’est rien d’autre que la croyance à cette vie.» Pour lui, la religion – Dieu, l’au-delà et l’immortalité – est du ressort de l’imagination et non du savoir.

L’existentialisme athée et la mort

«  Toute philosophie est une philosophie de la vie et de la mort» déclarait Husserl. La pensée de Heidegger est dans le prolongement de celle de Husserl, en ce sens qu’elle s’est préoccupée de restituer une authentique pensée de « l’être »

Heidegger  qui a fait de l’existence humaine le thème central de sa réflexion,  introduira dans la pensée existentialiste des concepts tels que, le   Dasein, la déréliction.   Pour lui l’homme est jeté dans la vie sans défense. Ce monde lui est étranger, il est là sans raison (facticité), il est en face de rien, le néant, il n’y a ni de valeurs absolues ni Dieu.

L’homme est un être-pour-la-mort et la mort est présente à chaque moment de la vie. Elle ne se partage pas, elle est mienne, elle « se dévoile comme la possibilité absolument propre, inconditionnelle, indépassable ».  Il voit dans la mort un révélateur authentique et ontologique de l’existence humaine. Pour lui c’est notre conscience de la mort qui nous donne la signification au fait d’être, mais aussi c’est en la regardant en face que nous devenons des êtres, selon Heidegger «  authentiques » car vivre authentiquement c’est ressentir la proximité de la mort, c’est rester dans son attente permanente.

L’essor de la pensée existentialiste athée est dû essentiellement à Jean-Paul Sartre, dialecticien hors pair. Pour lui : «  l’existence précède l’essence » et d’expliquer : «  Qu’est ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que l’homme existe d’abord…et qu’il se définit après », mais l’existence chez Sartre est absurde «  il est absurde que nous soyons nés, et il est absurde que nous mourrions », non sens absolu d’une existence où l’homme se sent « de trop ».

Les conséquences de cette idée sont des réflexions qui vont alimenter toute la pensée de Sartre. Selon ce dernier «  l’histoire d’une vie quelconque est l’histoire d’un échec ». Elle est une « passion inutile ». Il donne à la mort un caractère absurde. Elle est le néant, elle ne donne pas un sens à la vie, elle est une réalité en dehors de notre existence, le fait même que nous sommes condamnés à mourir rend notre vie absurde : «  une fois mort, dit Sartre, je ne verrai plus rien et je n’entendrai plus rien, le monde continuera pour les autres, mais pas pour moi…Impossible que la mort soit mienne. Elle est absurde. »

Pour Albert Camus il «  n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. ». Selon Camus, le caractère mortel de l’existence, l’idée de la mort,  rend la vie absurde, et de quelque point de vue qu’on se place, dans sa pensée «  ce qui vient après la mort est futile ». Le monde est absurde et tout est sans raison, l’existence de l’homme est faite de «  hasards, d’actes involontaires et gratuits, de gestes vidés de leurs sens par l’habitude, et que tout ce ruisseau sordide roule vers la mort»

La question de la finitude

Le livre de Judith Hermann Alice est un recueil de cinq récits sur le sujet de la mort. C’est un livre intense qui nous raconte la mort de cinq hommes qu’Alice connaissait. C’est donc notre rapport à la mort que Judith Hermann essaye d’examiner. Mais dans tout le livre, de page en page, on ne trouvera pas les questions existentielles ou celles de la foi. Pourtant nous dit Pascal «  Il importe à toute la vie de savoir si l’âme est mortelle ou immortelle.». Se poser la question nous évite de tomber dans ce que Montaigne appelle la « nonchalance bestiale ».

Mais que savons-nous de la mort, « Le grand peut-être » d’après Stendhal, du destin de l’âme après la mort, des rapports de l’âme et du corps. Dès qu’on s’installe dans ces questions, on est dans l’incertitude, la spéculation et ces passages saisissants de Benjamin Constant où l’on ressent toute l’étendue du mystère de la mort : « De ce gouffre où se sont accumulées, depuis tant de siècles, tant de créatures d’espèces diverses, les unes fortes et audacieuses, les autres sensibles et passionnées, mais toutes attachées à la terre par tant d’intérêts et de liens, aucun cri ne s’est échappé : aucune instruction ne nous est parvenue, du sein de l’abîme si riche d’expériences englouties»

La terre s’entrouvre et se tait : elle se tait en se refermant, et sa surface redevenant uniforme, laisse nos questions sans réponse et nos regrets sans consolation. (De la religion, livre VII, chap. IX). Ni concept ni intuition, la mort comme disparition du moi est une idée à quoi rien d’observable ne correspond, parce qu’elle est inconnaissable, inénarrable, irréductible. Car la mort, l’âme, la résurrection ne sont pas des objets de connaissance, ce sont des concepts indémontrables et quiconque se risque d’aborder, par exemple l’assomption de la finitude, se met dans un état de subjectivité.

Sur le sujet, Françoise Dastur, prodigue son talent de philosophe en ces termes : «  Devenir un mortel, dit-elle, c’est en effet cesser de céder aux illusions de l’immortalité, cesser de supposer qu’il y a quelque chose que l’on pourrait nommer absolu et qui subsisterait indépendamment de l’homme, c’est parvenir à véritablement habiter la terre et séjourner dans un corps. C’est à partir de là que pourrait alors être révélé à l’être humain que l’angoisse de la mort n’est nullement incompatible avec la joie d’exister.» Hélas ! La formule ne convient qu’à son auteur.

Pour Kant « de la mort, nul ne peut faire l’expérience (l’expérience postule la vie) ; on ne peut l’observer que chez les autres », Jules Renard a bien vu que « ceux qui ont le mieux parlé de la mort sont morts ». Cette question de la survie personnelle au-delà de la mort, Jean Ziegler, dans son ouvrage Les Vivants et les morts l’aborde en ces termes : «  Nous ne pouvons dire positivement que la mort détruit le sujet épistémique et interrompt sa vie de façon définitive et durable en tant que personne humaine. Nous ne pouvons pas non plus affirmer avec certitude qu’il y a, au-delà de la coesura une région encore inconnue d’existence où le moi poursuivrait, après la destruction du corps et de la conscience épi phénoménale, une vie propre »(Paris, Seuil, 1975, p. 283). Le mystère est entretenu et l’énigme demeure totale.

L’au-delà n’est connaissable que par la Révélation.

« Ôtons-lui l’étrangeté » disait Montaigne sur la mort. Mais avec quels moyens ? Nous avons vu que la philosophie sur la question de la mort et du destin de l’âme, de l’aveu même de Schopenhauer, nous engloutie dans des « notions faibles et sans consistance ». Quand la philosophie se saisie du problème de la mort, ce « pur point d’interrogation » selon Levinas, c’est pour nous apaiser de l’angoisse de la mort. Mais en réalité, cette énigme est insurmontable.

Des auteurs matérialistes, et non des moindres, reconnaissent que la mort est une « chose indécidable (…) incertitude primordiale et absolue » (Marcel conche). « De la mort même, en elle-même, nous ne savons rien » (D. Lecourt). « Grand énigme du destin de l’homme Pour Jankélévitch. « Mystère ultime » pour André Comte-Sponvile. Même la science reste impuissante devant la mort. Dans son livre La mort Jankélévitch écrit que « la mort, étant au-delà de nos pouvoirs, marque les limites de toute technique », c’est une « maladie que nul remède ne guérira, que nulle médecine ne vaincra » ; c’est un « destin inéluctable que nul progrès technique ne saurait infléchir ». 

La Révélation : Le Coran et la mort

La question de la mort est trop sérieuse pour la confier  aux philosophes. Pour le musulman, il ne fait aucun doute : le sens de la vie, la mort et le Jugement dernier ne sont pas indépendants de la Révélation (le Coran), qui est la source intacte du croyant. Pour le Coran, il est impossible de décrire ce que sera l’au-delà de la mort que par ilm al yaquin (la science certaine ou l’œil de la certitude, Sourate CII, 5 et 7), c’est dire que les expériences « de proximité de la mort » ou le phénomène des NDE, ne constituent pas en islam, des preuves d’une vie après la mort.

En islam, il y a ce qu’on appelle el-aqida et al-ibadat qui sont distincts des al-mouamalt (c’est-à-dire les relations interpersonnelles et les affaires sociales). Al-aqida et al ibadat sont des prescriptions immuables et ne sont aucunement sujets à changer : la vie après la mort qui est intimement liée au jugement dernier fait partie de al-aqida : «  Ceux qui croient fermement à la vie future»   Coran II, 4).

Le Coran parle de l’existence humaine, de la finitude de l’être humain en termes explicites : «  Nous avons créé l’homme d’argile fine, puis nous avons fait une goutte de sperme contenue dans un réceptacle solide Puis, de cette goutte, nous avons fait quelque chose qui s’accroche, puis, de cette masse nous avons créé des os ; nous avons revêtu les os de chair, produisant ainsi une autre création Béni soit Dieu, le meilleur des créateurs ! Vous mourrez ensuite, puis, le Jour de la Résurrection, vous serez ressuscités. » (Coran XXIII, 12-16)

Le processus est donc très clair : création de l’homme, la mort puis la résurrection. Les Logiciens définissent la Déduction comme le «  raisonnement qui va des principes à la conséquence ». Il y a dans le principe du Jugement dernier la présence indispensable de l’homme, donc la vie. Le processus est donc tout à fait logique, et lorsque Théodore répond à Ariste, il est dans cette même logique : « …Il a promis aux justes une vie éternelle ; il a menacé les méchants d’un feu éternel. Dieu a donc révélé notre immortalité. » (Malebranche, Entretiens sur la mort, I, Vrin).

Les ayets de la mort

Mais qu’est-ce que la mort ? Le dictionnaire Lissan al arab définit (p.817) la mort comme ce qui « est contraire à la vie ». Une définition d’une extrême simplicité. Dans le Coran, il n’y a pas de définition de la mort, mais la vie et la mort sont inséparables, lorsqu’il s’agit de la mort des hommes, car on le verra plus loin, il y a différentes morts dans le Coran.

«  Dieu fait vivre et il fait mourir » (Coran III, 156)

«  Il fait vivre et il fait mourir » (Coran IX, 116)

« C’est lui qui fait vivre et qui fait mourir, et c’est vers lui que vous retournerez »  (Coran X, 56)

« Oui, c’est nous qui faisons vivre et qui faisons mourir » (Coran X, 23)

« C’est lui qui fait vivre et qui vous fait mourir » (Coran XXIII, 80)

« C’est lui qui donne la vie et qui fait mourir » (Coran XL, 68)

« Il donne la vie et il donne la mort » (Coran XLIV, 8)

« Dis : Dieu vous fait vivre, puis il vous fera mourir ; il vous réunira, ensuite le Jour de la Résurrection »   Coran XLV, 26)

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« C’est nous qui faisons vivre et qui faisons mourir » (Coran L, 43)

«  Il fait vivre et il fait mourir » (Coran LVII, 2)

A la lecture de ces ayats, on ressent bien que la mort porte avec soi l’exclusivisme. Il n’y a que Dieu qui fait mourir. Il y a la vie après la mort. Il y a peut être dans cette ayat du Coran une définition implicite de la vie : «  Abraham dit : Mon Seigneur ! Montre-moi comment tu rends la vie aux morts. Dieu répondit : Est-ce que tu ne crois pas ? Il répondit : "Oui, je crois, mais c’est pour que mon cœur soit apaisé."

Dieu dit : "Prends quatre oiseaux ; coupe-les en morceaux ; place ensuite les parts sur des monts séparés, puis, appelle-les : ils accourront vers toi en toute hâte. Sache que Dieu est puissant et sage »" (Coran II, 260) La vie après la mort, mais Dieu seul sait, c’est revenir à l’état initial. Mais ce que nous apprend le Coran avec certitude :

«  Qu’il est celui qui rend la vie aux morts » (Coran XXII, 6)

«  C’est nous qui rendons la vie aux morts » (Coran XXXVI, 12)

« C’est lui qui fait revivre les morts » (Coran XLII, 9)

« Possède le pouvoir de rendre la vie aux morts  » (Coran XLVI, 33)

«  Voici comment Dieu rend la vie aux morts»    (sourate II, 73)

« N’aurait-il pas le pouvoir de rendre la vie aux morts » (Coran LXXV, 40)

Bien plus,  Dieu a assigné à la vie et à la mort un but : «  celui qui a créé la vie et la mort pour vous éprouver et connaître ainsi celui d’entre vous qui agit le mieux » (Coran LXVII, 2). On voit ici  que les deux états, la vie et la mort donnent un sens à la vie.

Dans le Coran Dieu parle de la mort et de la vie,. Mais singulièrement,  il ne parle pas que de la mort des hommes par allégorie.  Il nous parle de la mort de la terre par exemple : «  Dans l’eau que Dieu fait descendre du ciel et qui rend la vie à la terre après sa mort » (Coran II, 164) ou « Dieu fait descendre du ciel une eau par laquelle il fait revivre la terre après sa mort » (Coran XVI, 65) ou «  C’est lui qui déchaîne les vents comme une annonce de sa miséricorde. Lorsqu’ils portent de lourds nuages, nous les poussons vers une terre morte ; nous en faisons tomber l’eau avec laquelle nous faisons croître toute sorte de fruits. Nous ferons ainsi surgir les morts. Peut-être réfléchirez-vous ? » (Coran VII, 57)

Dieu parle de revivification de la terre par l’eau, et du mourant par la résurrection. De la mort intellectuel : «  Celui qui était mort, que nous avons ressuscité et à qui nous avons remis une lumière pour se diriger au milieu des hommes, est-il semblable à celui qui est dans les ténèbres d’où il ne sortira pas ? » (Coran VI, 122)

Mais on voit bien que la mort dans ces différentes ayats est synonyme d’infertilité, de sécheresse, de ténèbres, d’ignorance. Une définition de la mort par métaphore. Mais lorsque le Coran parle de la vie, c’est par exemple :

De la vie intérieure : « Ô vous qui croyez ! Répondez à Dieu et à son Prophète lorsqu’il vous appelle à ce qui vous fait vivre. » (Coran VIII, 24).

De la vie juridique : « Il y a pour vous, une vie, dans le talion » (Coran II, 179).

Plus frappante encore, cette exhortation de Dieu aux hommes, à ne pas considéré les morts dans la voie de Dieu, comme des morts : « Ne crois pas que ceux qui sont tués dans le chemin de Dieu sont morts. Ils sont vivants » (Coran III, 169).

Dieu nous dit dans le Coran qu’il aime les pieux, il aime ceux qui se purifient, il aime le vrai repentir, comme il aime la vie.

Le moment de la mort

Il est indéniable que le moment de la mort reste un mystère et une situation que personne ne peut décrire puisque elle est du ressort de l’inconnu et de l’inénarrable. Le Coran va nous la décrire avec la clarté de la Révélation, d’une manière précise et détaillée. L’instant de la mort est un instant de la Vérité : « L’ivresse de la mort fait apparaître la Vérité. On soufflera dans la trompette. Voici le jour de la menace. Chaque homme sera accompagné d’un conducteur et d’un témoin.

Tu restais indifférent à cela ; nous avons ôté ton voile ; ta vue est perçante aujourd’hui » (Coran L, 19-22).

L’ultime moment, inéluctable, irréversible, où l’homme est seul face à la mort, où Dieu par Sa grandeur et Sa puissance défie toute intervention en cet instant : « Lorsque l’âme remonte au gosier d’un moribond,Et qu’à ce moment-là, vous le regardez, nous sommes plus près de lui, que vous l’entourez et vous ne vous apercevez pas.Mais si vous n’êtes pas au nombre de ceux qui doivent être jugés, pourquoi ne feriez-vous pas revenir cette âme, si vous êtes véridiques » (Coran LVI, 83-87).

Le Jugement dernier comme accomplissement de la justice

Pour Kant « la vertu est toujours au commencement ». Elle est inachevable, elle ne peut être atteinte en cette vie. L’immortalité est offerte à l’homme mais seulement comme possibilité pour lui, de se perfectionner. Il justifie donc l’immortalité dans une existence morale. Mais que vaut la vertu dans l’au-delà.

L’action dans le Coran, est limitée par la mort de l’individu : « Si tu voyais alors les criminels, têtes basses devant leur Seigneur ! Notre Seigneur, Nous Avons vu et entendu, renvoie-nous donc afin que nous puissions faire du bien ; nous croyons (maintenant) avec certitude. » (Coran 32-12). Mais la réponse de Dieu ne laisse subsister la moindre équivoque : « Goûter donc ! Pour avoir oublié la rencontre de votre jour que voici. Nous aussi Nous vous avons oubliés. Goûter au châtiment éternel pour ce que vous faisiez » (Coran 32 – 14) 

Il y a pourtant une exception à cette situation. Un jour un homme, qui était Saad Ibnou Obada, est venu chez le Prophète pour lui demandé qu’est-ce qu’il pouvait faire de bien pour sa défunte mère. Le Prophète lui conseilla de creuser un puits pour être utile aux gens, ce qu’il fit. Il dédia cet ouvrage à sa mère qu’il nomma Le puits de oummi Saad.

On voit donc ici  l’attitude extrêmement reconnaissante de l’islam pour les bonnes œuvres. Elles sont d’ailleurs multiple (construire un pont, planter un arbre, découvrir un remède, s’occuper d’un enfant, etc.) ce que le Coran appelle les traces : « C’est Nous qui ressuscitons les morts et écrivons ce qu’ils ont fait ainsi que leurs traces » ( XXXVI- 12), ce sont des actions qui restent vivantes parce que utiles aux gens, même après la mort de l’individu.

Si la négation de Dieu, du Jugement dernier « ne peut avoir lieu sans préjudice pour le sentiment moral »,  il est aussi contre notre attente de justice. Le Jugement dernier est un jour de rétablissement de la justice, mais de la justice divine, car il est évident que la justice des hommes est toujours partielle. Zwingli est bien dans cette ligne quand il écrit que « la justice humaine est faible et impotente », nul doute que c’est la nature humaine qui par sa faiblesse est incapable de sonder les cœurs, les intentions profondes, les mobiles des hommes, qui sont les éléments les plus déterminants pour une justice vrai.

Dans son livre Misère de l’homme sans Dieu, Pascal fait une distinction très nette entre la justice divine et la justice des hommes.

La justice des hommes, nous dit Pascal, est une justice des apparences, celle de Dieu repose sur le vrai. Le Coran affirme cette justice divine le jour du Jugement dernier : « Ensuite, au Jour de la Résurrection, vous vous disputerez auprès de votre Seigneur » (Coran 39- 31) devant celui qui «  connaît la trahison des yeux, et ce que les poitrines cachent » (Coran 40- 19) le « Connaisseur de ce qui est caché et de ce qui est apparent » (Coran 13 -9) et le «  jour où leurs langues, leurs mains et leurs pieds témoigneront contre eux de ce qu’ils faisaient » (Coran 24-24). 

L’amour et la mort : l’espérance dans la certitude de l’au-delà

Les «  histoires de cercueils, c’est triste et pas joli », disait le poète. Certes, La mort rend triste, elle fait pleurer, elle est redoutée et mal aimée, elle sépare les êtres, « elle est partout, devant nous, derrière nous », elle n’épargne personne. A la mort de son fils Ibrahim, le Prophète était triste et avait les larmes aux yeux, mais il nous apprit que l’amour en Dieu se pérennise par la vie même dans l’au-delà.

Personne n’a mieux ressenti que Gabriel Marcel cette espérance d’une manière si intense. Il évoque une  «  réunion intime qui rassemblait, la veille des obsèques, les amis d’un homme qui, pendant des années et dans des circonstances parfois très dures conforme sa vie de la façon la plus stricte aux prescriptions de l’Evangile. Non seulement, on ne sentait aucune tristesse chez ses proches qui avaient entièrement participé à sa vie et à sa foi, mais une sorte de sourire était sur leur visage, il était évident que la mort était vaincue. Cette foi était vraiment comme l’expérience anticipée d’une communion pleinement assurée dans la lumière du Christ.

Il écrit aussi : « Je rappellerai d’abord cette phrase d’un de mes personnages : aimer un être, c’est dire : toi, tu ne mourras pas. Mais quel peut être le sens exact de la portée d’une telle affirmation ? Elle ne se réduit sûrement pas à un vœu, à un optatif, elle présente bien plutôt le caractère d’une assurance prophétique… Qui pourrait se formuler exactement comme suit : quels que soient les changements survenus dans ce que j’ai sous les yeux, toi et moi, nous resterons ensemble ; l’événement qui est survenu et qui est de l’ordre de l’accident, ne peut rendre caduque la promesse d’éternité incluse dans notre amour...» (Le Mystère de l’Être, tome II, Foi et réalité, Paris, Aubier, 1981, pp. 154-155).

Ou encore : «  Le seul problème essentiel est posé par le conflit de l'amour et de la mort. S'il y a en moi une certitude inébranlable, c'est qu'un monde déserté par l'amour ne peut que s'engloutir dans la mort, mais c'est aussi que là où l'amour persiste… la mort ne peut pas ne pas être en définitive vaincue…. On lui dit, que Gabriel Marcel avait très peur de la mort de Gabriel Marcel, ce à quoi il répliqua : J'ai peur de la mort de l'être aimé par Gabriel Marcel. »

Jean-Jacques Rousseau a admirablement mis ce bonheur, cette béatitude de retrouver au ciel ceux que nous avons aimés sur la terre. Avec ce récit de M. de Wolmar, Saint-Preux a reçu la dernière lettre de Julie : « Non, je ne te quitte pas, je vais t’attendre. La vertu qui nous sépara sur la terre nous unira dans le séjour éternel. Je meurs dans cette douce attente : trop heureuse d’acheter au prix de ma vie le droit de t’aimer toujours sans crime, et de te le dire encore une fois ! »

C’est dans le même sentiment et avec une étrange parenté que Diderot livrait à Sophie Volland les résultats de ses spéculations (lettre du 15 octobre 1759) : «  Ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent ! Que sais-je ? Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état. Peut -être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme. (…), Ô ma Sophie ! Il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre avec vous quand nous serons plus, s’il y avait dans nos principes une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun, (…) elle m’est douce, elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous.»

Le Coran  d’une manière sublime, nous apprend que la mort ne séparera pas les êtres qui se sont aimés dans l’amour de Dieu : « Ce Jour-là, les amis deviendront ennemis les uns des autres, à l’exception de ceux qui craignent Dieu ».

Entrez au Paradis, vous et vos épouses ! » (Coran XLII, 67 et 70). Joseph, qui enfant était séparé de son père Jacob, est peiné  par  la douleur de la séparation, lui dira après l’avoir rencontré des années après, qu’il surmontait cette situation par la conviction, que de toute façon il croyait aux retrouvailles dans l’autre monde.

Un jour le Prophète parla à l’oreille de sa fille Fatima  qui sourit. On l’interrogea sur ce sourire,  elle répondit que son père lui a dit qu’elle sera la première à le rejoindre après sa mort. Le Prophète a ordonné un jour, d’enterrer ensemble, deux compagnons morts dans une bataille parce « qu’ils s’aimaient dans l’amour de Dieu », dit le Prophète. Abu Hamed El Ghazali, qui a écrit un livre   "La vie après la mort"   nous raconte dans son Ihya que Bilal sur son lit de mort, sa femme criait : Quelle catastrophe ! Mais lui, le compagnon du Prophète, qui a été si proche de lui a apprit à dire magnifiquement cette espérance avec une certitude qui fait vibrer le cœur : « Non, quelle joie, demain je rencontrerai les bien-aimés : Mohamed et ses compagnons. » Il est remarquable de constater le triomphe de la vie.

Certitudes

L’existentialisme athée, qu’Emmanuel Mounier qualifie de «  la dernière absurdité de ce siècle » mais reste  néanmoins « le courant le plus riche et le plus abondant de ce siècle » n’a ramené, sur ce sujet aussi important, que le doute et l’incertitude, il a rendu l’homme « philosophiquement ivre » selon Kafka. Gaston Berger a bien dénoncé ces négateurs de la transcendance qu’il catégorise en « satisfaits », en « résignés » et en « résolus ».  Sacha Guitry a bien vu que «  Nier Dieu, c’est se priver du seul avantage que présente la mort »

La «  joie veut l’éternité de toutes choses, veut la profonde éternité. » disait Nietzsche, mais l’éternité suppose la vie. Il n’y a pas de vie sans la résurrection et l’homme n’est pas destiné à la mort, mais à la résurrection. « Ressusciter-moi le premier, j’aimais tellement la vie. » « Je ne meurs pas, disait sainte Thérèse de l’Enfant de Jésus, j’entre dans la vie.» Ibn Arabi exprime sa foi par cette certitude : « La mort n’est qu’un mouvement allant de la demeure de ce monde à la demeure de l’éternité. La mort n’est pas la fin de la vie.»

« Considère les traces de la miséricorde de Dieu et comment il fait vivre la terre après sa mort. Tel est, en vérité, celui qui rend la vie aux morts.» (Coran XXX, 50) .« Dieu Il n’y a de Dieu que lui, le Vivant » Coran II, 255).

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