Le monde économique actuel est malade : il souffre d’instabilité et de dysfonctionnements d’autant plus gênants que les acteurs économiques sont interdépendants. Parler de crise économique en 2004 est paradoxal. Le système économique n’a jamais autant produit, ni autant consommé. Le progrès technique et industriel permet d’accroître régulièrement tous les agrégats en stocks et en flux. D’un point de vue culturel, l’on se rapproche du “règne de la quantité1“, où les valeurs quantitatives dominent les valeurs qualitatives. En d’autres termes, le chiffre domine la culture, la finance détermine les orientations culturelles de nos sociétés.
Pourtant, même en régime quantitatif, où les critères de réussite sont chiffrés, le système économique est confronté au phénomène de déflation industrielle. Il s’agit d’une maladie du système productif qui tend à détruire le tissu industriel d’une économie donnée au profit d’une économie virtuelle évaluée en performances financières. Certains libéraux appellent ainsi de leurs voeux l’avènement d’une “société postindustrielle”2. Néanmoins, l’euphorie des périodes de forte croissance, comme celle que nous avons connue à la fin des années 1990 aux Etats-Unis, alterne avec des rééquilibrages destructeurs.
L’une des prétentions des économistes capitalistes est d’analyser les phénomènes économiques au moyen de lois dites scientifiques afin de répondre à la question suivante : comment organiser la rareté des ressources matérielles de l’humanité ? Ils considèrent qu’il faut s’appuyer sur des modèles mathématiques quantifiables et laissent une place extrêmement réduite aux facteurs culturels dans leur discours économique. L’hypothèse centrale du capitalisme suppose que les ressources dont l’humanité dispose sont rares voire insuffisantes pour satisfaire les besoins humains croissants et incontrôlables3. Mais cette hypothèse n’a jamais été prouvée. Si l’on se réfère, par exemple, à l’évolution des réserves prouvées d’hydrocarbures, celles-ci sont restées stables voire ont augmenté grâce au progrès des techniques d’exploration-production depuis 40 ans alors que l’angoisse suscitée par leur épuisement est entretenue depuis les années 19704.
Mais l’hypothèse selon laquelle le principal problème économique tient à la rareté des ressources ne fait pas l’unanimité. En effet, le Saint Coran envisage autrement le problème économique posé à l’humanité. Dans les versets 32 à 34 de la sourate Abraham, la nature humaine est placée au coeur de deux problèmes économiques : le premier concerne la juste répartition des ressources matérielles compte-tenu de l’injustice humaine ; le second concerne la bonne utilisation des ressources compte-tenu de l’ingratitude et de la prodigualité humaines5. C’est pourquoi, selon la perspective islamique, la résolution des problèmes économiques passe par une moralisation des relations économiques. A ce titre, l’Islam envisage la culture au centre de la réflexion sur la crise économique.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde sur le diagnostic d’une crise économique profonde à la fois dans les pays en développement et dans les pays à économie développée (I). Mais les avis sur les causes profondes de cette crise sont partagés (II). Enfin, l’on verra très brièvement en quoi les propositions faites par le système islamique fournissent une réponse adéquate aux difficultés rencontrées (III).
I. La crise économique mondiale est profonde et structurelle
Pour un observateur non averti, il est peut-être difficile de saisir l’ampleur des difficultés économiques connues par les pays de l’OCDE car il existe un véritable “containment” de l’information à ce sujet. Force est de constater que la crise économique mondiale est grave. Pour l’année 2003, la croissance du PIB en volume de la plupart des économies riches était inférieure à 1% à l’exception des USA. Dans quasiment tous les pays de l’OCDE, la production industrielle a baissé. A l’inverse, les déficits publics ont fortement augmenté pour atteindre un niveau supérieur à 5% du PIB (USA:7%, France, RU, Allemagne : 4-5%). Seule l’économie chinoise, hors OCDE, se distingue par un taux de croissance du PIB à 8% par an. La baisse de la production industrielle dans les pays de l’OCDE a lieu alors que la masse monétaire en circulation dans l’économie (M5) a fortement augmenté entre 1998 et 2004, particulièrement aux USA et au Japon. Cette forte création monétaire alimente les bulles hypothécaires et immobilières à caractère spéculatif des grandes capitales. Autre symptôme inquiétant, la dette extérieure des USA atteint en 2004 28% du PIB américain et 6% du PIB mondial et pose la question de la remise en cause de la confiance des investisseurs étrangers dans l’économie américaine. En soi, ces statistiques sont déjà préoccupantes. Toutefois, la situation réelle des économies l’est encore plus.
D’abord parce que les mesures rendues publiques sont discutables, à l’image du chiffre de la croissance du PIB américain publié en 2003 qui s’établissait selon le gouvernement fédéral à 7,7% du PIB. Par ailleurs, ces chiffres ne donnent pas, loin s’en faut, une image fidèle et exhaustive de l’économie d’un pays. Si l’on veut être plus précis, on peut qualifier une économie donnée en termes de volumes stockés, de flux et de risques. En elles-mêmes, les statistiques de volume n’explicitent pas grand chose, mais comparées à celles d’autres pays et mises en relation avec les données en flux et de risque, elles peuvent expliquer des tendances nouvelles. Les données en flux révélatrices de dysfonctionnement concernent le déficit de la balance des paiements, l’augmentation de la masse monétaire, les tensions sur les prix immobiliers et la moindre attractivité du marché américain aux yeux des capitaux étrangers. En terme de risque, le risque systémique du système financier mondial s’est encore accru en 2003-2004. Le système financier mondial doit sa survie à la réalisation de trois conditions :
la confiance générale qu’ont les acteurs économiques et financiers envers le système national et international
l’existence d’un taux de croissance nominal du PIB supérieur à la croissance de la masse monétaire dans les grands pays industrialisés
le maintien d’une attractivité supérieure des économies importatrices de capitaux par rapport aux économies exportatrices de capitaux.
Or, ces trois conditions ne peuvent être remplies en respectant les normes prudentielles et réglementaires régissant la vie économique au niveau des acteurs financiers. Écartelées entre des exigences contradictoires, le monde de la finance et de l’entreprise a dû recourir à des subterfuges comptables destinés à dissimuler des difficultés financières considérables. C’est le cas du courtier en énergie ENRON qui avait dissimulé durant les années 1990 des milliards de dollars de dette grâce à des milliers de sociétés “navette”. Le scandale de la faillite d’ENRON en 2002 a entraîné dans sa chute la disparition de la société commissaire aux comptes d’ENRON, le cabinet d’audit Arthur Andersen courant 2003. Ces deux entreprises étaient le symbole du capitalisme américain6. Au-delà du caractère exemplaire de cette affaire, c’est la recherche effrénée du profit érigé en système dogmatique qui est pointée du doigt. Pourtant, le cas ENRON n’est pas un cas isolé et le nombre d’entreprises surendettées et surévaluées est plus important qu’on ne le pense. Quant aux banques, le nombre de créances douteuses au sein de leur bilan a affaibli leur crédibilité et suscite des questions au sujet de leur solvabilité. Ainsi, les plus grosses banques américaines, bénéficiant de la règle du “too big to fail”, ont été mises sous tutelle fédérale en 2001 dans le cadre de la loi sur la faillite bancaire. Au Japon, suite à l’éclatement de la bulle immobilière en 2001 dans ce pays, le système bancaire est moribond et sa survie ne tient qu’à la politique de sauvetage volontariste du gouvernement japonais. Ce phénomène se répercute violemment sur les économies des pays en développement tels la Turquie, les pays asiatiques, la Russie, les pays d’Amérique latine…
En simplifiant à l’extrême, on peut dire que le système capitaliste oscille entre deux phases successives. En phase haute, on adopte l’approche du “credit view” qui consiste à provoquer l’investissement en facilitant son financement à travers le crédit : les entreprises investissent et s’endettent alors que les banques financent les entreprises en recourant massivement au crédit.
Graphique 1. Courbe d’investissement I des entreprises en fonction du ratio dette D /capitaux propres
Graphique 2. Représentation graphique de la contradiction entre le taux d’intérêt i et l’investissement I
Graphique 3. Répartition de la qualité des actifs bancaires
Le recours massif au crédit provoque une forte création monétaire et conduit les banques à préférer les projets à fort rendement. Or, les projets les plus rentables sont souvent de nature spéculative ou financière. Les investissements productifs étant moins rentables, ils se trouvent écartés du circuit de financement. C’est pourquoi l’on constate une contradiction dans les évolutions des taux d’intérêt régulant l’offre et la demande de capitaux d’une part, et des investissements productifs ne pouvant offrir un rendement aussi élevé que les investissements spéculatifs d’autre part. Il se produit un phénomène de sélection adverse au détriment de l’investissement productif industriel ou agricole. De plus, les projets à fort rendement étant souvent de nature spéculative, même s’ils sont solvables pris individuellement, sont risqués pris dans leur ensemble et ajoutent au risque systémique du système bancaire. En cas de faiblesse conjoncturelle, la demande de consommation faiblit et l’investissement également. En période de récession, le libéralisme substitue à la politique de l’offre une politique de la demande qui consiste à stimuler la demande par la dépense publique et par des réductions d’impôt. C’est le libéralisme “keynésien”. Le libéralisme monétaire et le libéralisme keynésien sont donc deux formes complémentaires de mise en oeuvre du capitalisme. Mais le libéralisme keynésien est difficilement justifiable car son principe consiste à faire supporter au contribuable le coût des déboires du libéralisme monétaire. C’est pourquoi il s’accompagne du développement de l’Etat-providence (welfare-state). Il semble que les contradictions internes du capitalisme génèrent pendant la phase A les causes de la récession en phase B. Cette thèse rejoint la théorie des cycles (Kondratieff, Juglar, Kitchin).
Graphique 4. Aperçu de l’évolution aléatoire des cours boursiers
Graphique 5. Courbe de l’investissement industriel Iind en fonction du taux d’intérêt i.
Ce mécanisme de crise boursière et bancaire est objectivement décrit par Kindleberger7. Dans un système en semi-faillite comme aujourd’hui, il convient de reconnaître les erreurs passées et d’accepter de remettre en cause des engagements contractuels. Mais ce scénario est difficile à imaginer dans le monde des affaires anglo-saxon, où la crédibilité repose sur le respect des engagements8. D’ailleurs, le risque systémique est mal-évalué car d’une part, on a voulu délibérément dissimulé son importance et d’autre part, la théorie économique libérale a donné au taux d’intérêt un rôle explicatif qu’il n’a pas réellement. En effet, la théorie libérale considère le taux d’intérêt comme un déterminant essentiel de l’investissement industriel alors que les études empiriques invalident cette prétention9. Cette erreur d’appréciation résulte à notre avis de l’affirmation selon laquelle le coût du capital sur le marché financier est donné par le taux d’intérêt.
II. Il n’y a pas de consensus sur les causes profondes de la crise économique
Si le diagnostic fait l’unanimité, l’explication de ces symptômes est controversée. Chacun aura tendance à expliquer les problèmes rencontrés par une explication justifiant son engagement idéologique. Un libéral aura tendance à dénoncer les rigidités structurelles de l’économie ; un keynésien fustigera la faiblesse de la demande. Toutefois, rares sont les auteurs qui ont analysé en profondeur les causes des crises cycliques que vivent les économies capitalistes depuis le 19ème siècle. Il convient d’abord de remarquer que ces crises sont récurrentes en Europe occidentale depuis au moins deux siècles et il est logique de ne pas imputer ces crises à des phénomènes postérieurs. Certains voient dans ces crises un moment nécessaire de rééquilibrage des marchés. Toutefois, certaines crises sont si brutales qu’il n’est pas possible d’accepter leur coût social en tant qu’étape normale du système capitaliste. Une réponse appropriée aux causes profondes de ces crises est donc nécessaire.
D’autres auteurs voient dans ces crises le signe inacceptable mais incontournable d’une mutation technologique du système productif : selon cette opinion, la crise serait l’acte de naissance d’une ère nouvelle à l’exemple de la crise de l’industrie cotonnière en Angleterre au 19ème siècle, la crise de la sidérurgie au 20ème siècle, la crise de l’internet au 21ème siècle. Néanmoins, cette explication ne s’applique pas à toutes les crises.
En fait, la plupart des auteurs trouvent dans le fonctionnement du système financier capitaliste l’origine des grandes crises. Plus précisément, la crise résulte d’un emballement euphorique du système financier. Jacques RUEFF10 désigne le système monétaire occidental de l’après-guerre comme le principal responsable des dysfonctionnements du système financier international. En effet, le système des “changes-or”, parce qu’il rend caduc le mécanisme de stabilisation de la balance des paiements grâce à la contrepartie en or des dettes de change, autorise les USA à s’endetter vis-à-vis du reste du monde sans en subir les inconvénients. Toutefois, un endettement trop important discrédite le système et augmente le risque systémique. Paradoxalement, les réformes du système monétaire intervenues dans les années 1970 étendent le système incriminé à l’ensemble des grandes monnaies de réserve sans référence à une parité-or. A l’heure actuelle, les monnaies des grands pays industrialisés ne sont pas encadrées par un cours ou une parité officielle. Ainsi, en théorie, la valeur des monnaies entre elles dépend de l’offre et de la demande sur le marché des changes. De cette façon, les autorités monétaires des grandes monnaies de réserve comme le dollar, l’euro ou la livre sterling, détiennent de facto “un droit de seigneuriage11” sur le reste du monde. Ce système monétaire organise le bradage des petites économies émergentes ouvertes aux échanges et contribue à discréditer le système financier dans son entier en rendant la valeur des actifs aléatoire, risquée et dépendante des autorités monétaires des grandes monnaies. Si l’argumentation de J.RUEFF est séduisante, elle se réduit aux mécanismes monétaires et ne suffit pas en soi à expliquer le phénomène de crise financière dans son ensemble.
C’est pourquoi d’autres ont donné des causes plus profondes aux crises financières. Parmi les thèses avancées, le taux d’intérêt joue un rôle significatif. Dans son livre traduit dans de multiples langues, Helmut KREUTZ12 affirme que “les évolutions liées au pouvoir d’achat monétaire sont dues aux évolutions dangereuses du taux d’intérêt qui sont elles-mêmes à l’origine de stagnations et des récessions cycliques et qui, à long-terme, conduisent à la destruction de l’ensemble du système économique”. H.KREUTZ dénonce l’effet néfaste de l’intérêt dans la distribution des richesses, le phénomène de thésaurisation et ses effets sur l’économie, le phénomène des bulles financières et de spéculation, enfin le lien entre l’intérêt et le chômage. Bien que le champ de cet ouvrage dépasse celui de cet article, KREUTZ analyse la relation existant entre les crises cycliques et le taux d’intérêt. Il considère que la solution émergera d’une réflexion sur le rôle et la nature de la monnaie. Il s’agit de mieux contrôler la liquidité et les flux monétaires dans l’économie. Pour KREUTZ, l’existence du taux d’intérêt n’est pas remise en cause mais son fonctionnement doit être encadré afin de lui retirer son effet thésaurisateur. A cette fin, il s’inspire du concept de “monnaie franche” développé au 19ème siècle par Silvio GESELL13.
III. Face aux difficultés posées par le système économique actuel, la pensée économique islamique apporte des réponses significatives
Comparé à la confusion théorique du capitalisme, la pensée économique islamique répond clairement à certaines interrogations. Sur la base de fondements philosophiques et économiques précis14, le système islamique se pose comme une alternative au système usuraire. A l’instar des pensées économiques d’inspiration chrétienne ou juive, le discours économique s’enrichit d’un niveau de légitimation supplémentaire en prenant en compte des valeurs morales en sus de l’impératif d’efficacité économique. C’est à ce stade que la culture retrouve son rôle social discriminant. Ainsi, les textes religieux prohibent catégoriquement le recours à l’intérêt dans les transactions financières. Aujourd’hui, on définit l’intérêt comme la fixation a priori d’un taux d’intérêt sur un capital prêté, à parité de pouvoir d’achat constante. Contrairement à GESELL, qui imagine un taux proche ou égal à zéro, le fiqh prohibe son existence même. Cette prohibition implique de penser un système financier différent du système usuraire. En système capitaliste, il existe des tentatives de financement sans intérêt, à la marge du système conventionnel. Il s’agit du capital-risque, de la société en commandite, de la rémunération des salariés en capital15… La vision alternative, qui prohibe le taux d’intérêt, s’appuie sur des fondements culturels et religieux pour légitimer sa démarche. On peut citer Aristote, la loi juive, la religion chrétienne primitive. La doctrine sociale de l’Eglise catholique n’est pas étrangère à une certaine défiance vis-à-vis de l’intérêt.
Plus précisément, le débat sur l’intérêt se divise sur deux visions contradictoires de la nature humaine. Pour les adversaires du taux d’intérêt, le Créateur a suffisamment doté la nature en richesses ; la recherche du profit et la multiplication des richesses n’est pas en soi un objectif de l’être humain : leur modèle social est généreux et solidaire. A l’inverse, les capitalistes libéraux tiennent cette vision pour irréaliste car selon eux les ressources naturelles sont rares et les hommes, d’une nature cruelle, doivent lutter entre eux pour obtenir la plus grande part d’un gâteau limité16. Le désaccord est philosophiquement très marqué. Les deux positions sont inconciliables entre les tenants de l’intérêt, qui le considèrent comme un incontournable pis-aller économique,et ses adversaires, qui mettent en avant ses effets sociaux destructeurs.
Or, l’islam prétend guider l’humanité dans tous les aspects de la vie économique.En se référant aux juristes musulmans, comme par exemple le juriste ja’farite AL-MUHAQQIQ17, on remarque que la châri’a contient un chapitre consacré aux transactions économiques ainsi que de nombreuses dispositions légales éparses, concernant l’impôt et d’autres sujets patrimoniaux. C’est sur la base de l’ensemble de ces dispositions légales que AL-SADR prétend induire un système économique cohérent comportant un système bancaire sans intérêt18. La méthode proposée par AL-SADR prend en compte l’expérience humaine passée dans le domaine économique pour apporter une solution adaptée19. En résumé, le système islamique résout théoriquement les contradictions internes au capitalisme en conciliant les effets distributifs des facteurs de production, notamment le capital et le travail ainsi qu’en alignant les déterminants de l’investissement sur les caractéristiques de l’investissement productif. Concernant le système bancaire, qui est une innovation historique dans le monde de l’islam, sa principale particularité est l’obligation légale d’équivalence de l’actif avec le passif du bilan bancaire afin d’éviter toute crise d’insolvabilité. Soulignons ici qu’il n’existe pas à notre connaissance de théorie formalisée par un grand auteur de la monnaie en islam. Les marchés financiers sont orientés par des critères d’efficience et de profit réalisé au moyen de méthodes précises de benchmarking des projets et d’une connaissance précise de la demande (risque et solvabilité). L’objet de cet article n’étant pas de présenter le système économique islamique, nous nous limitons à cette brève description.
Ironiquement, certains auteurs soutiennent que l’élimination du taux d’intérêt est une condition réalisatrice du libéralisme sur les marchés financiers. En effet, sur un marché sans taux d’intérêt, le caractère purement quantitatif de la sélection des projets s’atténue pour laisser une plus grande marge de manoeuvre à l’investisseur et donnant de ce fait plus de chance à des projets qui, en appliquant l’orthodoxie financière, auraient été écartés. Sur un marché libéré du taux d’intérêt, où ne s’exerce plus la sélection adverse par les taux, des projets de bonne qualité avec des rendements inférieurs au taux de rendement interne (TRI) égal à i peuvent être réalisés20. Au niveau microéconomique, c’est cette marge de manoeuvre qualitative qui permet de prendre en compte la culture, de nature qualitative, dans les projets d’investissement et d’échapper à la dictature du chiffre.
En conclusion, nous constatons que les solutions purement quantitatives aux problèmes économiques ont montré leur limite. Aussi, une théorie économique doit également clairement définir ses fondements philosophiques et religieux car les comportements économiques des agents ne peuvent s’expliquer par leur seul aspect quantitatif.
Notes :
1. GUENON, René. Le Signe des temps ou le règne de la quantité
2. Propos relaté par LAROUCHE, Lyndon. Alors, vous voulez tout savoir sur l’économie ? Paris : Editions Alcuin, 1998, chapitre 8, p.189-209.
3. AL-SADR, Muhammad Bâqir. Notre Economie, 1961.
4. FAVENNEC, Jean-Pierre. “Economie du pétrole”, cours donnés à l’Institut Français du Pétrole, 2000.
5. AL-SADR, M.B. ibid.
6. BAUMANN, Claude. PIAGET, May. La Chute de l’empire Andersen : crise, responsabilité et gouvernement d’entreprise, Paris : Dunod, 2003.
7. KINDLEBERGER. Manias, Panics and Crashes : a history of financial crisis, Wiley, 2001.
8. RUEFF, Jacques. Le pêché monétaire de l’Occident, Paris : Plon, 1970.
9. HICKS, The determinants of Investment, 1969.
10. RUEFF,J. Opus.cit.
11. RUEFF,J. Idem.
12. KREUTZ, Helmut. Monnaie, intérêt et crises économico-sociales , (en persan) Téhéran : Maison de la jeune pensée, 1999,124p.
13. GESELL, Silvio. L’ordre économique naturel
14. AL-SADR, M.B. Notre Economie, 1961
15. WEIZMANN. The Share Economy ,1998 ( ?)
16. MISES, Ludwig von
17. MUHAQQIQ AL-HILLÎ, Charâ’ fî al-islâm, 6ème siècle de l’hégire lunaire.
18. AL-SADR,M.B. La Banque non-usuraire en islam, 1977 et L’islam conduit la vie, 1979
19. AL-SADR, Notre économie, “L’opération de découverte”
20. ORDODY de ORDOD, Stanislas. Thèse sur la finance reposant sur le partage ex-post du profit, Paris : La Sorbonne Paris-1, 1995.
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