La guerre menée contre les talibans a franchi le cap des neuf ans et l’engagement des forces de l’OTAN dans cette interminable guerre anti-insurrectionnelle s’amoindrit. Le moment est-il venu de négocier un accord avec les talibans ? Si c’est le cas, que faut-il entendre par ’’négocier avec les talibans’’ ?
Avec plus de 150 000 hommes en Afghanistan, 30 000 soldats supplémentaires étant sur le point d’arriver d’ici la fin de l’année, et une recrudescence des attaques des talibans contre des objectifs civils et militaires au cours des quatre dernières années (+40%), il n’est pas certain que les conditions entourant les pourparlers qui précèdent les négociations permettent d’instaurer un climat de confiance, de réduire la méfiance réciproque et d’initier un système de dialogue durable et structuré pour les médiateurs.
Récemment, le Général David Petraeus, commandant de la force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) de l’Otan et commandant des forces américaines, a tenu une séance à huis clos sur la stratégie militaire et politique à adopter avec des représentants de douze pays à majorité musulmane, dont l’Iran, et l’Organisation de la conférence islamique (OCI). L’internationalisation de la responsabilité des pays à majorité musulmane est une étape importante vers la stabilisation de l’Afghanistan car elle renforce leur rôle, en tant que parties prenantes, qui consiste à créer un pays stable et opérationnel.
En 2008, l’Arabie saoudite a fixé les bases de futures négociations lorsqu’elle a invité les principaux chefs talibans et officiels afghans à participer à une réunion privée pour discuter d’un cessez-le-feu et de la fin de l’insurrection. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement afghan, reconnaissant la nécessité de se réconcilier avec les talibans de base, a pris des mesures audacieuses avec la Loi sur la réconciliation nationale en Afghanistan, avec l’amnistie générale et la stabilité nationale adoptée en janvier 2010 et, plus récemment, avec le programme pour la paix et la réintégration en Afghanistan (PPRA) visant à renforcer la sécurité et les institutions civiles et gouvernementales tout en favorisant la réintégration d’anciens insurgés dans leurs communautés.
Pendant trop longtemps, les responsables politiques et les tacticiens militaires impliqués dans la guerre en Afghanistan ont considéré les acteurs religieux soit comme des obstacles à l’établissement de la paix soit comme la source de conflit. Cependant, la réalité est bien plus subtile. Nous avons vu que la religion est un facteur qui a du poids dans la consolidation de la paix et les processus de réconciliation. Compte tenu de l’inimitié pernicieuse entre les chefs talibans et les représentants du gouvernement afghan et l’alliance pro-occidentale du président afghan Hamid Karzaï, les négociations avec les talibans fragmentés représenteront un défi encore plus grand.
Il est clair que les trois principales factions de talibans – la Quetta Shura, qui est le conseil suprême des talibans d’Afghanistan, le Hezb-e-Islami et le réseau Haqqani lié au Pakistan – ne sont pas en mesure ou sont peu disposées à venir s’asseoir ensemble à la table des négociations pour parler d’une seule voix. Par conséquent, il vaut la peine d’investir dans les groupes qui ont indiqué être disposés à discuter. Cela dit, selon Burhanuddin Rabbani, ancien président afghan (de 1992 à 1996) et actuel chef du Front national uni en Afghanistan (une coalition de plusieurs partis politiques), des discussions auraient eu lieu pour faire ouvrir des canaux de communication avec la Quetta Shura et le Hezb-e-Islami par le mollah Zaeef, ancien ambassadeur et porte-parole des talibans, depuis plusieurs mois maintenant.
Le mollah Omar, père spirituel et chef charismatique des talibans afghans, a plusieurs fois exigé de ne traiter qu’avec des officiels non corrompus et de porter devant un tribunal les responsables gouvernementaux afghans expressément impliqués dans des actes de torture et de meurtres de civils et d’insurgés présumés.
Dans ce contexte, tout accord qui permettrait à ceux qui combattent au nom de l’islam de passer du statut d’insurgés à celui d’intervenants de la société civile devra tenir compte de variables et de points de vue multiples. Cela implique enfin que les autres parties prenantes tiennent compte du fait que les talibans voient le monde dans le cadre d’une conception religieuse. Bien que certains considèrent cette conception comme contradictoire ou contre-productive, il faut la prendre en compte pour comprendre la raison d’être du mouvement des talibans qui existe depuis vingt et un an.
Les négociations avec les médiateurs talibans soulèveront des questions pour donner suite à un plan d’action pour la réconciliation, pour exécuter un programme de responsabilité et pour élaborer une feuille de route pratique pour la réintégration d’anciens combattants dans la société sans qu’ils aient à connaître l’humiliation. Plus important encore, des tiers médiateurs devront garantir les accords prévoyant le partage des pouvoirs et un calendrier précis pour leur mise en oeuvre.
Encourager une culture de la paix pendant et après les négociations exigera la synchronisation du travail et de l’engagement des personnes et des organisations formées aux questions de justice de transition, de guérison des traumatismes, de construction de la paix, de transformation des conflits et de développement économique et social durable.
En partenariat avec le CGNews
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