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Après l’antisémitisme, l’islamophobie

Le fossé se creuse entre beaucoup de musulmans, en France et ailleurs, et une grande partie des élites et de l'opinion publique française. Les premiers, en France et au Maghreb notamment, rappellent que les actes d'islamophobie sont de plus en plus fréquents. Les autres jugent, après les crimes commis contre des journalistes et des juifs, que ce parallélisme est déplacé.

C’est sans état d’âme qu’Abderrahim Ariri, le directeur du magazine marocain Al Watan, a publié en « une » de son magazine un photomontage représentant François  Hollande sous l’apparence d’Hitler.Comparant la situation de la France à celle du IIIe  Reich, et de la « Nuit de cristal » dans laquelle le führer a forgé un argument pour immédiatement assassiner 91 juifs et déporter 35 000 d’entre eux, notre confrère ajoute : « L’acte terroriste est un don du ciel pour Hollande, qui en a profité pour se redonner une virginité politique »… Et d'ajouter: « Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo nous accumulons les témoignages sur l’insupportable islamophobie qui monte en France ». Heureusement de pareilles bêtises, inutiles dans la surenchêre, ne sont produites que par une fraction très minoritaire du monde arabe.

Indignation sélective

Mais cette une d'un journal marocain montre, par son outrance, que les deux parois d'un abîme s'écartent un peu plus entre ceux que l'Occident – ou eux mêmes- identifient comme "musulmans", et le reste de notre monde. Même s'il n'est pas question de trouver là un chemin de traverse pour absoudre les crimes commis contre Charlie Hebdo,  la policière de Montrouge et les clients de l'épicerie cacher, beaucoup de musulmans, interpellés par ces massacres à Paris, rappellent à leur tour d'autres drames, "leurs" drames. D'autres morts, d'autres victimes. Révélatrice est ainsi la « une » du périodique tunisien « l'Audace », copie exacte de celle publiée par Charlie Hebdo au lendemain du massacre. Sauf que ce n’est plus Mahomet qui s’exclame « Tout est pardonné », en montrant une pancarte "Je suis Charlie". Cette fois, à  la place du Prophète, on voit un juif orthodoxe qui brandit un autre mot d'ordre, celui qui exprime une douleur universelle dans le monde arabe:: "Je suis Gaza". 

Ce genre de réplique, comme celle qui suit un tremblement de terre, était attendue. Quand des centaines de milliers de citoyens défilent pour défendre "la liberté d'expression" -donc le droit au libre blasphème- un retour du boomerang , y compris en France, est inévitable. Réplique d'hommes meurtris, qui se sentent injustement humiliés et qui dénoncent la sélectivité de l'indignation. Rélique dégradante quand elle trouve son soutien  chez Dieudonné, l'ami de Le Pen,  dans la théorie du complot qui nie toute vérité et la retourne.

"Je suis ton Islam"

Pour mesurer la montée de l'islamophobie, nul besoin d'attendre que l'eau du tsunami revienne à la rive. Les sondages, qui placent Marine Le Pen en tète du premier tour des présidentielles avec trente pour cent des voix, alors qu'elle a fait de la mise en cause de l'islam le ressort de son commerce, témoigne de l'hystérie contre les fidèles au Coran. Comment Manuel Valls a-t-il pu déclarer, devant l'Assemblée Nationale, "Il faudrait un jour en France que les juifs n'aient plus peur et les mususulmans plus honte". "Honte" de quoi ? Honte de partager les mêmes prénoms que ceux des deux tueurs fascistes qui ont ensanglanté notre histoire? Honte non. Mais peur: oui.

C’est dans l’indifférence, et sans que les ministres viennent  pleurer sur son cadavre, que le 13 janvier,  dans le tumulte qui a suivi l’attentat,  un homme d'origine marocaine a été tué de 17 coups de couteau. Cela se passe dans le  Vaucluse. Citons le Figaro : « Un homme de 28 ans a fait irruption au domicile de ses voisins après avoir enfoncé la porte. Il a frappé à plusieurs reprises Mohamed El Makouli, âgé de 47 ans, avant d'être désarmé. Il est reparti chez lui chercher un second couteau et a asséné d'autres coups au père de famille.

Sa compagne, blessée aux mains en voulant s'interposer, a pris la fuite avec leur bébé avant d'alerter les gendarmes. Plus tard elle a témoigné avoir entendu l'agresseur crier "Je suis ton Dieu, je suis ton islam". Rassurons-nous, dans sa grande sagesse, le procureur d’Avignon, plutôt que de s’indigner, a sobrement déclaré : "L'aspect islamophobe sera vérifié dans le cadre de l'instruction". Voilà un magistrat que « Charlie » pourrait caricatuer sous un parapluie.

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Si la mort oubliée  de monsieur El Makouli est la démonstration extrême du racisme, l’islamophobie que l’on va qualifier « d’ordinaire » est également en plein essor . Pas besoin d’énumérer les mosquées taguées ou enduites de sang de cochon. C’est stupide, gravement symbolique, mais le symbole n’est que ciment. Attardons nous sur deux cas, révélés par la presse, ceux d’enfants conduits à la police pour s’être « mal comportés », au moment de la minute de silence ordonnée dans les écoles in memoriam.

Huit ans et terroriste

A Nice, ville où l’UMP se livre à une surenchère avec le Front National, un petit Ahmed, âgé de huit ans, est aujourd’hui porté au ban de l’infamie pour avoir, pendant la fameuse minute, plus ou moins balbutié qu’il était du « côté des terroristes ». En préambule signalons que chaque jour ce gamin rencontre des citoyens ordinaires qui lui inculquent, s’il venait à l’oublier, qu’il est de la même rive de la Méditerranée que les frères Kouachi. Imaginons donc que, pour ce gosse, « terroriste » est un synonyme « d’arabe ».

Questionné, le petit garçon a d’ailleurs été incapable de donner une quelconque définition du mot qui le conduit au pilori. Il a huit ans. Pourtant, après avoir été physiquement chahuté par l’encadrement de l’école, affirment des témoins, il a été conduit à la police où il a été incriminé pour « apologie du terrorisme ». Oublions que, finement, alors qu’il jouait dans le bac à sable de la cour de récré, un « maî
tre » lui a fait  observer : « Tu peux creuser, tu ne trouveras pas de kalachnikov pour nous tuer ».

Authentiquement "Charlie"

A Villers-Cotterêts, ville Front National, c’est la radio "Beur FM" qui a révélé un autre cas, semblable à celui  d’Ahmed. Cette fois il se prénomme Ayman, et le petit criminel a neuf ans. On l’accuse, toujours pendant le temps du silence national, d’avoir dit « Allah akbar . Vive le Coran » … 

L’enfant a été convoqué à la gendarmerie qui, fidèle à sa mission antiterroriste a, sur procès-verbal, désigné le djihadiste comme apologue de la terreur. Manque de chance, le pauvre gamin a été victime d’une machination. Celle d’un voisin de cantine qui a tout inventé, et rapporté le mensonge à sa mère, une employée de la cantine. Rappelons que la dame est donc une employée de la mairie FN. Derechef, cette mère  qui pense bien a sonné l’alarme et le petit « arabe » s’est retrouvé au poste. Lieu où ne vont jamais, et c’est tant mieux, ceux qui le qualifient de « bougnoule » à longueur de récrés. Mais, gloire soit rendue à Jean-Baptiste Bladier, le procureur de l’Aisne qui avait à préparer la guillotine pour le petit fou d’Allah. Cet homme s’est indigné : « Sur le plan de la matérialité les faits sont infondés »… « Je souhaite que les conclusions de l’enquête servent, à l’avenir, à éviter de s’emballer inutilement ». 

Au bout du compte, ce Bladier ne serait-il pas authentiquement Charlie? Soucieux de dénoncer tous les démons, tous les crimes.

Mondafrique

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