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Algérie : La recrudescence des attentats terroristes annonce-t-elle le retour des « éradicateurs » ?

Comme on pouvait s’y attendre, la recrudescence des attentats terroristes dans les wilayas du centre-est limitrophes de la capitale durant ce mois de ramadan, et dont le plus spectaculaire fut le double attentat suicide qui a visé le mess des officiers situé à l’extérieur de l’Académie militaire inter-armes (AMIA) de Cherchell le vendredi dernier à l’heure de l’Iftar, a été l’occasion pour les courants dits « éradicateurs » de relever la tête malgré une marginalisation politique que la faiblesse endémique de leur mobilisation illustre parfaitement.

En effet, les derniers attentats terroristes qui ont fait de ce mois de ramadan un des plus sanglants depuis dix ans ont été du pain béni pour les partisans de la politique du « tout sécuritaire » qui voudraient exploiter la révolte des Algériens face à ce déchaînement de la violence gratuite pour reprendre les positions perdues au sein des appareils de l’Etat et imposer leur programme de « changement démocratique » fondé sur un retour au suffrage censitaire en vue d’écarter un peuple jugé immature au nom de la lutte contre l’islamisme qu’il n’hésitent pas, dans un raccourci idéologique primaire, à condamner sans appel comme la matrice idéologique du terrorisme !

A l’heure où les puissances occidentales qui régentent le monde ne peuvent se permettre de tels raccourcis idéologiques préférant gérer de manière réaliste des réalités sociopolitiques complexes dans un souci de préserver leurs intérêts stratégiques dans la région comme on le voit aujourd’hui en Tunisie, en Egypte et en Syrie où les Américains sont engagés dans des négociations discrètes avec les Frères Musulmans, sans parler de la Libye où carrément ils ont été surpris la main dans le sac dans une honteuse compromission avec un groupe djihadiste qu’ils combattaient ils n’y a pas si longtemps, que proposent les courants auto-proclamés « démocratiques » algériens que des médias à la solde de l’ancienne puissance coloniale moussent à chaque occasion pour leur éviter une mort politique certaine ?

Une grille de lecture simpliste

Si on suit ces énergumènes, la recrudescence des attentats terroristes en Algérie signe l’échec de la politique de « réconciliation nationale » du président Bouteflika. Celui-ci est présenté comme un allié des « islamistes » infiltré au sommet du pouvoir. Des légendes circulent sur les soi-disant avantages accordés aux terroristes repentis libérés ou descendus des maquis. La thèse paresseuse suivant laquelle la vigueur de l’islamisme ne serait que le produit artificiel de la politique d’arabisation et d’ « orientalisation » de la société algérienne est brandie comme une vérité « scientifique » pour justifier une fuite en avant politique des plus autistes.

Que le pouvoir algérien ait réussi à apprivoiser une grande partie de l’opposition islamiste dont les Frères Musulmans du MSP présents au parlement et dans le gouvernement de coalition est un fait indiscutable. Mais pour autant peut-on honnêtement nier la profondeur de l’enracinement sociologique d’un courant qui fait partie intégrante du processus de recomposition des élites dirigeantes algériennes quelles que soient les réserves qu’on peut avoir sur son programme ? Au demeurant, ce phénomène n’est pas propre à l’Algérie mais correspond à une tendance lourde qui structure l’ensemble des espaces publics arabes. Même les puissances occidentales, avec à leur tête les USA, sont obligées d’en tenir compte.

Pourquoi ce qui est appelé dans les diplomaties occidentales « Realpolitik » serait toujours assimilé à de la récupération et de la manipulation quand il s’agit de l’Algérie ? Le célèbre philosophe allemand Hegel disait déjà : « les deux extrêmes se touchent » en reprenant le vieux sage grec Héraclite. En accusant les Frères Musulmans d’être à la solde du pouvoir, les pseudo-démocrates font objectivement le jeu des groupes djihadistes radicaux dont la violence aveugle fait le jeu des secteurs les plus répressifs au sein du pouvoir algérien et converge avec les stratégies déstabilisatrices de certaines officines budgétivores.

Pour les « démocrates » qui se sont trompés de société, tout raccourci est bon du moment qu’il justifie l’appel au meurtre de leurs compatriotes qui ne pensent pas comme eux et qui sont autrement plus nombreux Ce serait donc cette politique de « compromission » et de « laxisme » à l’égard des « islamistes » qui expliquerait selon les « éradicateurs » la persistance du terrorisme. La solution ? Elle coule de source : Le retour à la politique d’éradication suivie durant la décennie 90 qui a fait 200 000 victimes ! Des rumeurs savamment cultivées parlent d’un probable retour aux affaires du général Mohamed Lamari, ancien chef de file des « éradicateurs » et connu pour ne pas faire dans les sentiments en matière de répression et qui a été obligé de démissionner en 2004 suite à un différend avec le président de la République sur la gestion de la question sécuritaire.

Cette grille de lecture primaire fait l’impasse sur des réalités autrement plus complexes. Réalité militaire d’abord. Dans un pays au relief montagnard comme l’Algérie, des groupes terroristes peuvent activer durant des décennies s’ils ont un minimum de soutien volontaire ou contraint de villageois. Ils peuvent également constituer une source de nuisance en ville s’ils disposent d’argent, d’explosifs et de groupes de soutien urbains. Que des questions technico-sécuritaires comme le degré de concertation et de coopération entre les différents corps constitués interfèrent avec des luttes de pouvoir comme ce fut le cas entre les militaires et l’ancien ministre de l’intérieur, Nourredine Zerhouni, appelé « Nounou la gaffe » en raison de son comportement provocateur lors du tristement célèbre « printemps noir » kabyle de 2001, est un fait qu’aucun observateur sérieux de la scène sécuritaire algérienne ne saurait ignorer.

Que l’application tordue de la loi sur la « réconciliation nationale » par une bureaucratie incompétente ait pu souffrir de lacunes regrettables et que l’accalmie relative des dernières années ait conduit les bureaucrates du pouvoir qui parlent de « terrorisme résiduel » à un optimisme exagéré qui pourrait expliquer que les services de sécurité aient baissé la garde, ce sont également des faits incontestables.

Mais la question de fond qu’il faut se poser pour bien mesurer tout le degré d’aventurisme politique qui anime des courants ultra- minoritaires décidés à entraîner la société algérienne dans une guerre civile qui risque de finir par une intervention étrangère est celle-ci : Comment une solution purement sécuritaire qui n’arrive pas à endiguer la folie meurtrière de groupes djihadistes estimés à un millier d’activistes au maximum aurait-elle pu faire face à la violence démultipliée de plusieurs mouvements armés en même temps, sachant que les combattants de l’AIS (armée islamique du salut) de Madani Mezrag étaient environ au nombre de 6000 quand ils sont descendus du maquis en 1999, sans parler des autres groupes et terroristes qui se sont rendus dans le cadre des dispositifs de la « concorde civile » et de la « réconciliation nationale » durant la dernière décennie ?

La stratégie de la provocation

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A regarder de près les enjeux de l’équation sécuritaire algérienne, on se rend compte bien vite que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Les politiciens qui font de la lutte contre le terrorisme un lucratif fonds de commerce à des fins de pouvoir évidentes passent le plus clair de leur temps entre le bunker du Club des Pins (appelé par la vox populi Club des lapins) et les salons parisiens de leurs amis BHL, Adler et consorts ! Les militaires, gendarmes et policiers qui font face quotidiennement au terrorisme sont de leur côté issus du peuple, ce même peuple contre lequel les « démocrates » censitaires voudraient les voir retourner leurs fusils au nom de la lutte contre l’islamisme. Pour Said Sadi et ses amis, tous les barbus et toutes les moutahadjibates seraient des intégristes et des terroristes en puissance !

Pour des raisons politiques à la fois internes et externes, et malgré le soutien acharné de la France, la stratégie de la tension suivie par les « éradicateurs » a échoué en Algérie. La guerre civile qui aurait pu finir par une intervention étrangère, seule capable de ramener au pouvoir un courant ultra-minoritaire incapable d’arriver au pouvoir par la voie des urnes, n’a pas eu lieu.

Qu’est-ce qui leur reste ? L’espoir que les révoltes du « printemps arabe » fassent tâche d’huile en Algérie et leur permet de monter dans le train du changement avec l’aide de leurs commanditaires, passés maîtres dans l’art de la manipulation et des « révolutions orange » en vue de mettre en place des gouvernements « démocratiques » bidon au service des multinationales et des puissances occidentales ! Ce fut un fiasco total en Algérie. Les manifestations auxquelles ont appelé les amis de Said Sadi ont fini par rassembler cinquante personnes à Alger ! Lors de la commémoration annuelle du printemps berbère le 20 avril dernier, le RCD a rassemblé moins de 500 personnes à Tizi Ouzou et environ le même nombre à Béjaia ! Il n’y a pas de quoi fouetter un rat d’égout !

Vient enfin la bouée de sauvetage : La recrudescence du terrorisme en plein mois de ramadan. Se voyant dans l’incapacité d’influer aussi bien sur les généraux algériens que sur les chancelleries occidentales par ses appels endémiques à l’ « « éradication » de l’intégrisme, même si des raisons différentes peuvent expliquer le réalisme des uns et des autres, le RCD recourt à la seule carte qu’il lui reste : le chantage au régionalisme sachant que c’est la seule question qui ne laisse pas insensibles les généraux algériens.

La carte du régionalisme

Face à la recrudescence des attentats terroristes qui ont ciblé particulièrement la Kabylie en raison de son relief montagnard et sa proximité de la capitale surtout à partir du moment où le dispositif sécuritaire a réussi à boucler cette dernière et à y empêcher le moindre attentat durant tout le mois de ramadan, le RCD n’a pas hésité, dans une sortie irresponsable et scélérate, à accuser le pouvoir algérien d’être derrière ces attentats en vue de « punir la Kabylie. ». En recourant à une telle couleuvre, les dirigeants du RCD savaient bien qu’ils pouvaient compter sur la méfiance viscérale des Algériens à l’égard d’un pouvoir passé maître dans la guerre spéciale et les coups fourrés surtout que les généraux algériens ne sont pas connus pour être des enfants de chœur.

Les dirigeants du RCD savaient également que le moment était propice pour noyer un pouvoir algérien supposé en indélicatesse avec les maîtres du monde suite à sa position sur le conflit libyen. Sauf que ces imbéciles n’ont pas l’air de prendre toute la mesure des changements géostratégiques qui s’opèrent dans la région et qui expliquent que quels que soient les différends qui opposent le pouvoir algérien aux puissances engagées en Libye et au-delà du froid réel qui frappe actuellement les rapports franco-algériens en raison du bellicisme provocateur de Sarkozy, Bouteflika et ses généraux continuent à entretenir des bonnes relations avec les Anglo-saxons et les Allemands qui savent mieux que le RCD ce qui se passe réellement sur le terrain en Algérie ! D’ailleurs c’est ce qui explique peut-être le désarroi de Paris qui ne peut plus compter que sur un joker complètement dépassé par la course !

Ces positions politiques soi-disant « démocratiques » sont en réalité directement inspirées par une haine viscérale à l’égard d’un peuple dont l’acharnement à défendre ses droits sociaux et démocratiques face à un pouvoir imprévoyant et rongé par la corruption n’a d’égal que son attachement multiséculaire à l’islam qui fait historiquement partie intégrante de sa personnalité nationale.

Ce même peuple qui a montré à chaque fois qu’il en a eu l’occasion qu’il refuse le diktat d’une minorité idéologique et politique alliée à une lumpen-bourgeoisie vivant comme un parasite à l’ombre de l’économie rentière et n’hésitant pas à s’allier à l’ancien colonisateur pour sauvegarder ses positions menacées. Aujourd’hui, force est de constater qu’à l’infamie des positions antipopulaires avérées, le RCD n’hésite pas à ajouter l’aventurisme politique en jouant avec le feu du régionalisme.

Et ce, au risque de pousser une jeunesse excédée et fragilisée par des conditions de vie difficiles et sujette à des campagnes de manipulation soft par les médias français et arabes vers une issue dangereuse dont personne ne sait où elle pourra s’arrêter si jamais les pyromanes actionnés par des groupements d’intérêts voraces et des lobbies revanchards bien connus ne sont pas neutralisés à temps.

Mais tout indique que la dernière sortie du RCD finira comme elle le mérite, une sortie désespérée qui ne fera pas dévier de son destin national une région dont le caractère frondeur et résistant ne l’a jamais empêché de se hisser au niveau des défis historiques auxquels se trouve confrontée l’Algérie surtout quand des menaces extérieures réelles se profilent à l’horizon comme c’est le cas aujourd’hui avec les probables débordements du conflit libyen…

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