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Abraham/Ibrahim, réapprendre à vivre ensemble

Le mois béni de Ramadhan est une école du vivre ensemble. Réapprendre à vivre ensemble, à partager, est une urgence. Jeûner y contribue. Sans aucune hésitation, soyons fidèles à nos références.
Les prophètes, d’Abraham, Ibrahim al-Khalîl, l’ami de Dieu, à Mohamed (Sws) sceau des envoyés, le bien aimé de Dieu, symbolisent le paradigme de l’hospitalité, de la fraternité humaine et du vivre ensemble. Ils annoncent et avertissent que Dieu est Un et l’Humanité une. Il faut en tirer les leçons et apprendre à se maîtriser pour surmonter les épreuves du vivre.
En notre époque trouble, qui a perdu le sens spirituel du monde et celui de l’hospitalité, dialoguer autour d’Abraham/Ibrahim, point de rencontre de nos valeurs communes, est salutaire. Le dialogue interreligieux s’enrichit à chaque fois que le prophète Abraham, figure fondatrice, est revisité.
Abraham,  est le symbole fort de la convergence et du bien commun.  Il est le père commun des trois monothéismes, le prophète de la promesse,  de la fraternité  et de l’hospitalité.  Pour ses fils,  Isaac et Ismaël,  il a promis une postérité bénie par le Divin. Le Prophète (sws), l’homme total et universel,  et à sa suite les musulmans témoignent avec patience de cette dimension et du respect du droit à la différence.
La Bible et le Coran relatent la dimension de l’hospitalité comme valeur première au cœur de la croyance en un au-delà du monde et d’un Dieu unique qui s’adresse à l’humanité à travers ses envoyés: « Dieu dit: Certainement Sara, ta femme, t’enfantera un fils; et tu l’appelleras du nom d’Isaac. J’établirai mon alliance avec lui comme une alliance perpétuelle pour sa postérité après lui. …A l’égard d’Ismaël, je t’ai exaucé. Voici, je le bénirai, je le rendrai fécond, et je le multiplierai à l’infini. » (Genèse 17.19 et .20)
Être utile à l’humanité
Le Coran précise avec clarté les qualités du Prophète emblématique : « Ibrahim était doux, compatissant et enclin au repentir. » (2.75), «Abraham patriarche, était un modèle de dévouement à Dieu et un pur monothéiste qui ne s’est jamais compromis avec les idolâtres. » (16.120)
Abraham  est par excellence le prophète de l’hospitalité sacrée, qualité que les croyants ouverts de toutes les religions en général et les arabes et les musulmans en particulier vont perpétuer. En ces temps durs pour les migrants, les exilés et les déplacés, se souvenir d’Abraham est salutaire.  Le meilleur des croyants est le plus utile à l’humanité, à toutes les nations.
Lorsqu’Abraham reçu, sous formes humaines, des anges envoyés, il s’empressa de leur offrir l’hospitalité : « Il leva les yeux, et regarda: et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna en terre…J’irai prendre un morceau de pain, pour fortifier votre coeur; après quoi, vous continuerez votre route; car c’est pour cela que vous passez près de votre serviteur. …Abraham deviendra une nation grande et puissante, et en lui seront bénies toutes les nations de la terre. » (Genèse, 18.2, 18.5, 18.7,   18.18).
Le Coran rappelle la scène : « T´est-il parvenu le récit des visiteurs honorables d´Abraham ? Quand ils entrèrent chez lui et dirent : “Paix!”, il [leur] dit : “Paix, visiteurs inconnus”. Puis il alla discrètement à sa famille et apporta un veau gras. Ensuite il l´approcha d´eux… “Ne mangez-vous pas?” dit-il. » (51.24)
De même lorsque Agar et son fils Ismaël sont exilés, seuls dans le désert, selon l’islam en Arabie, ils trouvent refuge près d’une source, hôtes du Seigneur. La Bible et le Coran concordent sur nombre de faits et divergent sur d’autres. Agar accepte l’épreuve, assortie d’une promesse : Tu appel­leras ton enfant “Dieu entend”, en hébreu: Ishmaël, en arabe Ismail.  L’hospitalité d’Abraham est le miroir de l’hospitalité sacré du Divin qui s’ouvre, parle à l’humanité et offre des lieux de séjour sur terre, dans l’attente de la demeure éternelle.
Le vivre ensemble
En fidélité à Dieu, Abraham veut honorer ses hôtes. La figure d’Abraham est l’expression de l’hospitalité biblique et coranique. Il donna l’hospitalité pour marquer que l’humanité doit s’entre aider, être magnanime et réaliser le vivre ensemble, conformément au projet Divin.
L’épisode selon la Bible se déroule en deux scènes, l’’accueil sous un arbre (vv. 1-8), puis dans la tente (vv. 9-15). Art de vivre et fruit de la foi, à la fois innée et réfléchie, le sens de l’hospitalité, fonde le vivre ensemble et s’oppose à toutes les formes d’égoïsme, d’exclusion et de violence.
 
Le Coran proclame que pratiquer l’hospitalité et vouloir vivre ensemble pour la Face de Dieu est la bonne voie : « Nous avions auparavant indiqué à Abraham la bonne voie, car Nous savions qu’il en était digne. » (21.51). La sagesse spirituelle nous apprend que par l’hospitalité le plus comblé est celui qui reçoit. Quand ce sont les envoyés de Dieu qui visitent un prophète, le don s’adresse à tous, afin de suivre l’exemple.
Abraham après avoir été troublé et touché reconnait les envoyés du Seigneur. Le récit est une parabole ouverte sur le partage et la générosité, en direction des « fils du chemin » selon l’expression coranique. Le croyant ne peut qu’accueillir son frère humain, car c’est accueillir un signe du Seigneur. Le Messie, Jésus fils de Marie, le dira plus tard à sa manière : « j’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli; j’étais nu, et vous m’avez habillé; j’étais malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi!… chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Mathieu, 35, 31-46)
L’hospitalité  permet de persévérer dans le don de soi,  le dépassement de la différence, attitude du décentrement, de l’inconditionnel et de la gratuité. Pour la Bible, l’hospitalité est comme la foi de Job : offerte “ pour rien ” (Jb 1, 9). A celui qui est hospitalier, sans rien attendre en retour, entre dans la béatitude, dira Jésus : “ Heureux seras-tu alors de ce qu’ils n’ont pas de quoi te le rendre ! Car cela te sera rendu lors de la résurrection des justes ” (Lc 13, 14).
Pour l’islam,  nous serons de vrais croyants que lorsqu’elle on offre le meilleur de ce que nous avons. L’épisode de l’hospitalité offerte par Abraham à ses hôtes, le Coran proclame qu’elle doit être rappelée : « Rappelle-leur l’histoire des hôtes d’Abraham» (15, 51).
Le Coran et le Prophète de l’islam, sceau des envoyés, s’adressent à toute l’humanité en mettant l’accent sur la miséricorde, sans exclure le droit à la légitime défense comme dernier recours, en respectant la dignité humaine et le droit humanitaire.
Abraham nous rappelle que la vie doit se fonder sur l’accueil, la confiance, la bienveillance envers autrui, qui n’excluent pas la vigilance. En continuité, le Prophète de l’islam demande « Que celui qui croit en Dieu et au Jour dernier reçoive généreusement son hôte ! » 
La première partie de la profession de foi musulmane « Il n’y a pas de Dieu si ce n’est Dieu » concerne une étape de l’expérience spirituelle d’Abraham. Selon le Coran, l’attitude d’Abraham comme père du monothéisme, de la civilisation musulmane et judéo-islamo-chrétienne, s’est fondé sur cet axiome, de l’unicité absolue. Le Coran raconte comment Abraham devient croyant authentique refusant toutes les formes d’idolâtrie. La force de l’islam repose sur le principe de l’unicité de Dieu et le refus de l’éphémère.
Abraham est appelé par sa tradition à adorer les astres; il les contemple la nuit et lorsque le jour advient et que les étoiles disparaissent, il dit : «je n’aime pas ce qui passe ». Puis il regarde la lune, cette dernière décline et disparaît. Abraham confirme : « je n’aime pas ce qui passe ». Le jour il se fixe sur le soleil, mais ce dernier disparaît le soir. Abraham affirme définitivement: « je n’aime pas ce qui passe ! ».
Le musulman, le croyant, l’homme abrahamique et mohammadien, se tient à distance de ce qui est éphémère et fermé. Il témoigne de sa confiance à ce qui ne meurt jamais «Dieu» l’Unique, l’Un, Celui à qui rien ne ressemble. Abraham confiant répond à l’appel de Dieu par “Me voici”, expression que proclament le Prophète et les musulmans lors du pèlerinage à La Mecque.
Les pensées et les actes du musulman n’ont de sens que s’ils s’inscrivent pour Dieu, non pas pour en tirer un bénéfice, un profit, une gloire. Recevoir des hôtes, des étrangers, des fils du chemin, c’est le faire humblement pour une vérité transcendante. Abraham, selon le Coran, exprime la vérité ultime : “Tout passe, sauf la face de Dieu”.
Être hospitalier, partager, s’ouvrir, c’est garder en vue « qu’il n’y a pas de dieux si ce n’est Dieu ». Les biens que l’on possède, la richesse, la puissance, ne sont pas éternels, mais des signes, où nous sommes mis à l’épreuve.
Le souci de  la voie droite et celui de la fraternité humaine éclairent le chemin des croyants.  Dans un monde déshumanisé et désorienté, il est vital, à mille lieux des rigorismes et fanatismes, de se souvenir du sens spirituel ouvert de l’existence, de témoigner avec bonté et semer la culture de la paix.
Mustapha Cherif, philosophe et islamologue, professeur des Universités, est lauréat du prix Unesco du dialogue des cultures et du prix italien Ducci pour la paix. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, dont «L’Émir Abdelkader, apôtre de la fraternité» éditions Odile Jacob, Paris 2016.

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3 Comments

  1. – Dis: «O gens du Livre, venez à une parole commune entre nous et vous: que nous n’adorions qu’Allah, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneurs en dehors d’Allah». Puis, s’ils tournent le dos, dites: «Soyez témoins que nous, nous sommes soumis».(S3-V64).
    Pour vivre ensemble il faut se conformer au verset ci-dessus.
    Sinon
    Ni les Juifs, ni les Chrétiens ne seront jamais satisfaits de toi, jusqu’à ce que tu suives leur religion. – Dis: «Certes, c’est la direction d’Allah qui est la vraie direction». Mais si tu suis leurs passions après ce que tu as reçu de science, tu n’auras contre Allah ni protecteur ni secoureur.(S2-V120).
    Soyons honnêtes et évitons les interprétations imprudentes.
    SVP le noble coran ne peut pas être comparé à la bible actuelle mais à l’Évangile tel que révéle au fils de Mari (sws) !

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