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Une critique de l’islamologie moderne : pour une alternative salutaire et identitaire (partie 1)

L’islamologie moderne est basée sur des fondements erronés, qui ne cadrent pas avec l’Islam comme religion et comme civilisation. Cette critique ne vise pas tous les islamologues, mais seulement ceux qui s’éloignent de l’esprit du Livre révélé.

Ainsi, avant de formuler notre critique, nous allons dresser un tableau synthétique des différents courants de pensée de l’islamologie moderne afin de retracer leurs principes directeurs. Ce n’est qu’ensuite que l’on remettra en cause ces mêmes principes, en proposant une lecture du Coran qui soit conforme aux enseignements de notre patrimoine religieux, avec toutefois un regard rationnel qui nous permettra de saisir ce qui est important dans ce patrimoine et de faire face aux tentatives de déconstruire notre religion et notre histoire religieuse.

Une déconstruction pernicieuse qui représente une vraie menace pour l’Islam, en tant que réalité existentielle et sacrée plongeant ses racines dans une histoire millénaire, qui imprègne le monde d’aujourd’hui.

  1. Les principaux axes de recherche de l’islamologique moderne

Nous allons dégager, de manière la plus élargie possible, les principes directeurs de l’islamologie moderne pour mieux les analyser avec un regard critique :

– Examiner comment l’Islam est né et s’est construit dans le sillage de l’histoire, tout en jetant un regard critique sur les différentes interprétations du message coranique[1]. Ce principe directeur est sous-jacent à de nombreuses tentatives qui prétendent à la scientificité, mais qui sont devenues vraiment problématiques vis-à-vis de l’Islam en tant que révélation divine et histoire authentique de la prédication prophétique.

Parmi les thèses qui ont eu pignon sur rue, ces dernières décennies, figurent en bonne place celle qui prétend que le Prophète Mohammed est l’auteur du Coran (selon des histoires légendaires et très spéculatives affirmant qu’il y a eu un contact hypothétique entre le Prophète et des communautés chrétiennes ou juives en leur empruntant un texte qui deviendra le Coran), et des assertions sur la rédaction du Coran durant des époques tardives  (Omeyyades et Abbassides).

–  Soumettre l’Islam et notamment la révélation coranique à l’examen des sciences humaines modernes qui ont été élaborées par l’Occident.

Tout en se réclamant d’une démarche purement scientifique, et donc rationnelle et objective, les islamologues modernes ne poursuivent qu’un seul but : déconstruire le discours islamique dans toutes ses formes (le Coran révélé, les hadîths, la théologie, etc.), à l’appui de méthodes dites scientifiques.

C’est dans cet esprit critique que Mohamed Arkoun a élaboré ce qu’on appelle l’Islamologie appliquée : considérer le Coran comme un texte littéraire et humain qu’il est possible d’analyser avec l’entendement humain.

Dans une thèse de doctorat intitulée « L’art narratif dans le saint Coran », Mohammed Ahmad Khalafallâh (1916-1991) développa le premier cette approche, certains versets du Coran ayant pour lui la résonance de paraboles, voire étaient empreints d’une poésie suscitant l’émotion. Ce qui laisse clairement entendre que le texte coranique possède une structure littéraire.

Disons-le tout de suite et sans ambages : cette thèse suggère de manière explicite que les versets coraniques reflètent des concepts et des croyances humaines qui n’ont rien à voir avec le divin. Ils établissent des liens thématiques entre la Bible et le Coran en identifiant un « sous-texte » biblique dans le texte coranique, en faisant dialoguer le Coran avec la Bible et en affirmant qu’il inclut des passages du Talmud et des apocryphes juifs et chrétiens. Cette approche prétend que la tradition biblique est une grille d’analyse pour comprendre le monde coranique[2].

  1. Critique de l’axe de recherche sur l’origine du Coran et de l’Islam

Commençons par le premier axe de recherche qui retrace la genèse historique du Coran et de l’Islam, soit en certifiant que le Prophète Muhammad est l’auteur du Livre saint, soit en affirmant qu’il a été rédigé longtemps après la mort de ce dernier.

A contrario, les historiens musulmans ont raconté l’histoire du Prophète de manière très précise. On dispose donc de témoignages scientifiques précieux sur sa vie et sur de nombreux aspects de sa mission.

Ceux, parmi les islamologues qui réfléchissent sur la genèse du Coran et évoquent une évolution du texte coranique en plusieurs étapes, jusqu’à sa codification définitive qui ne prendra fin, selon eux, qu’à l’époque omeyyade (entre 685 et 705) avec la destruction de toute recension, ignorent peut-être que des historiens musulmans aussi éminents que Al-Shâhristani, Al-Djawzi et Al-Tabari ont relaté les débuts de l’Islam en se basant rigoureusement sur le récit des compagnons du Prophète et d’autres sources.

Leurs témoignages sont essentiels, car ils nous permettent de comprendre l’histoire de l’Islam de la manière la plus analytique et la plus cohérente possible. Leurs récits des vives dissensions qui opposèrent les musulmans durant les guerres civiles entre Ali et Muawiya, entre Ali et les Khawaridj et entre Ali et Aïcha, l’épouse du Prophète, sont d’une objectivité sans pareil.

Il faut dire que même si la codification du Coran et la disparition des codex disparates ont pris du temps, il n’en demeure pas moins que la volonté de préserver le texte coranique est demeurée vivace chez les musulmans. Les musulmans n’ont manifesté aucun désir de dissimulation et de manipulation, ces pratiques étant contraires à leurs habitudes tribales. Ce qui ne fut pas le cas du christianisme, qui a connu des révolutions, des résistances et des combats sans merci entre des factions religieuses différentes.

On connaît tous les circonstances énigmatiques qui entourent la rédaction des bibles et de leurs auteurs, le problème des écritures dites apocryphes, sans parler de la Bible de Barnabé et des manuscrits de la mer morte. Rien de tel chez les tribus arabes qui n’avaient aucune raison de dissimuler et de revendiquer des recensions différentes du Coran, ce qui a facilité grandement la destruction des recensions à l’époque d’Uthman.

L’impasse d’un tel axe de recherche est d’autant plus rédhibitoire que, dans son histoire des religions, Ernest Renan, un orientaliste pourtant controversé, ne doute pas que l’histoire de l’Islam, à ses débuts, pose un sérieux problème. En outre, il n’a pas hésité à affirmer qu’il n’existe aucune preuve nous permettant de conclure à l’existence de Jésus, ce qui démontre son impartialité historique.

Dans l’étude de l’histoire du christianisme, on fait la distinction entre le christianisme primitif (la vie de Jésus) qui fait l’objet de débats hautement spéculatifs, tellement cette histoire des débuts du christianisme est méconnue, et le christianisme qui s’est formé à un stade avancé et qui n’est, pour les historiens chrétiens, que la synthèse entre le judaïsme, la civilisation romaine et la philosophie grecque.

Rien de tel dans l’histoire et l’avènement de l’Islam, qui n’ont aucun secret pour les historiens musulmans et ne reflètent aucun syncrétisme ou assimilation de cultures différentes. Le Coran a été révélé tel quel, sans aucune influence extérieure. Alors que les prétendues preuves historiques sur les grands personnages du passé ne sont pas aussi « neutres » et « objectives » qu’on le croit[3], les témoignages historiques des compagnons du Prophète de l’Islam et des historiens musulmans, décrivant les débuts de l’islam, sont parfaitement objectifs et cohérents.

En effet, ces derniers ont dépeint avec force détails les divisions entre les différentes factions islamiques ainsi que la guerre civile lors du califat d’Ali, le dernier Calife bien guidé, mais aussi la puissante révélation coranique qui se propagea durant les différentes phases de la prophétie de Muhammad. Ces historiens impartiaux ont d’ailleurs bien mis en évidence les erreurs politiques d’Ali, qui lui furent fatales face à la faction hostile des Omeyyades.

Ils ont également raconté avec émotion les épisodes de triste mémoire, au cours desquels le Prophète s’attira les foudres de ses farouches adversaires, notamment lorsqu’il partit convaincre les gens de la Cité de Taif et en fut chassé avec une violence inouïe. Ce qui fut très éprouvant pour lui.

Dans le Coran, il est fait référence à cet épisode. Raconter les échecs et autres épreuves qui jalonnèrent le parcours du Prophète est bien la preuve de l’objectivité du récit historique qui est fait de sa vie exceptionnelle. En revanche, est-ce que dans la Guerre des Gaules narrée par César, ce dernier parle de ses échecs ? Est-ce que Ramsès a parlé de sa défaite à Qadesh ?

Les compagnons du Prophète et les historiens musulmans qui sont venus après eux ont fait preuve d’une grande probité intellectuelle en ne cachant rien des revers et autres affronts essuyés par le Prophète. Leurs descriptions furent même très réalistes.

Voici un exemple édifiant : dans l’ouvrage d’Al-Shâhristani, Al Mil’al ou al-Nihal (livres des factions musulmanes), on trouve une référence aux propos mortifiants d’Al-Khuwaisiri al-Tamimi qui, en s’adressant au Prophète Muhammad, le fustigea : « Rends justice Muhammad, tu n’as pas été vraiment juste ». A ces mots, le Prophète lui répondit : « Si je ne suis pas juste, qui pourrait l’être ? ». La vanité de son ennemi était telle que ce dernier rétorqua au grand homme de l’islam : « Ceci est un jugement que je n’utilise pas en faveur d’Allah, le Très-Haut ».

La révélation de cette invective adressée au Prophète ne constitue-t-elle pas la preuve éclatante de l’impartialité du récit émanant des compagnons de Muhammad et des historiens musulmans ? Aucun historien moderne n’aurait pu faire la même chose au sujet d’un personnage aussi illustre et vénéré, dont la trajectoire unique, les vertus et la grandeur du dessein sont passés à la postérité.

Al-Shâhristani évoque un épisode intéressant raconté par l’Imam Abu Muhammad ben Ismaël al-Bokhari, en s’appuyant sur le récit d’Abdallah ben Abbas : « Lorsque le Prophète était très malade au point que sa mort s’en est suivie, il a dit « Qu’on me ramène un parchemin et une plume pour que je puisse vous laisser un livre grâce auquel vous n’allez pas vous égarer ». C’est alors que Omar ibn al-Khâtab a affirmé « Le Prophète est très malade. Il nous suffit d’avoir le Livre [Le Coran] ». Après ces propos, un certain vacarme s’est instauré autour du Prophète. C’est alors que ce dernier a dit « Sortez d’ici, je n’accepte point la discorde » ».

Un tel récit ne peut pas être le fruit de l’imagination, tant il est réaliste et non entaché de mythes. Le Prophète était un homme après tout. Il fut confronté aux défis de l’existence et de son insigne mission, avec ses hauts et ses bas, jusqu’à l’immense réussite finale qu’on connaît. De tels récits sont nombreux. On en trouve également chez Al-Tabari et Al-Djawzi.

Lors des premières expéditions contre les Byzantins, le Prophète ordonna de préparer l’armée d’Oussama. Or, un groupe de personnes justifièrent leur inaction en invoquant sa maladie qui ne permettait pas, selon eux, de le laisser seul pour aller combattre. Ils estimèrent préférable d’attendre de voir si le grand homme de l’islam allait se rétablir ou non. Là aussi, c’est un témoignage très réaliste sur la fin de vie du Prophète Muhammad.

Nous allons maintenant rapporter le triste épisode de la mort du Prophète, tant il reflète, à lui seul, le réalisme historique et la rationalité dont firent preuve les premiers dirigeants de l’Islam.

À la mort du Prophète, Omar ibn Al-Khâtab a dit : « Celui qui affirme que le Prophète est mort, je le tuerai avec mon épée. Il a été élevé au Ciel comme Jésus. ». C’est alors qu’Abou-Bakr répondit :  « Pour celui qui adore Muhammad, Muhammad est mort. Quant à celui qui adore le Dieu de Muhammad, alors le Dieu de Muhammad est vivant et il ne meurt jamais ».

Il cita ce verset du Coran : « Muhammad n’est qu’un messager – des messagers avant lui sont passés – s’il mourait, donc, ou s’il était tué, retourneriez-vous sur vos talons ? Quiconque retourne sur ses talons ne nuira en rien à Allah ; et Allah récompensera bientôt les reconnaissants (Sourate Al-Imran, verset 144)[4] ».

Quel beau témoignage des débuts de l’Islam reflété dans ce verset ! Il nous permet de comprendre qu’en fait, ce qui compte dans l’étude de l’histoire d’une religion, ce ne sont pas de trompeuses preuves matérielles ou documentaires, mais plutôt une explication cohérente du déroulement des évènements historiques. Or, dans cet épisode de la mort du Prophète, on apprend ce qu’il s’est passé réellement durant les époques ultérieures. Cette explication est en plus corroborée par le Coran.

A cet égard, pourquoi ne trouve-t-on pas des témoignages écrits sur le Prophète ou des références documentaires et iconographiques le concernant durant le gouvernorat de Muawiya en Syrie, ainsi que dans la numismatique omeyyade au début de cet empire musulman (dans les inscriptions portées sur les pièces de monnaie qui portent plutôt les noms des califes) ? Pourquoi n’existe-t-il pas une seule référence iconographique ou documentaire ayant trait au Prophète en Syrie par exemple, sous le gouvernorat de Muawiya ?

La réponse est évidente : comme on l’a constaté dans le dernier épisode lié à sa mort, les musulmans ont décidé, suite à l’injonction d’Abu Bakr, qui deviendra d’ailleurs le premier Calife bien guidé, de ne pas diviniser le Prophète Muhammad, ni de le sacraliser comme l’on fait les chrétiens avec Jésus.

Cette attitude, à la fois rationnelle et courageuse, explique pourquoi le Prophète Muhammad n’a pas été inhumé à La Mecque, sa cité natale et séculaire, ni à Jérusalem où plusieurs prophètes reposent, se conformant en cela à l’exigence de plusieurs factions islamiques. Finalement, les musulmans ont appliqué ce que Muhammad déclara dans un hadîth : « Les prophètes sont enterrés là où ils meurent ». Le Prophète a également affirmé : « Nous les prophètes, nous ne sommes pas hérités et ce que nous laissons n’est qu’une aumône ».

Par ailleurs, Al-Shâhristani évoque avec une totale impartialité les bienfaits de certains califes bien guidés comme Uthman, mais aussi leurs erreurs avec beaucoup de détails, comme certaines décisions favorables aux omeyyades et défavorables aux premiers musulmans, s’inscrivant en faux contre les décisions du Prophète lui-même.

Abordons maintenant un épisode sur les débuts de l’Islam, qui a été bien dépeint par Al-Tabari (839-923), un historien et commentateur sunnite, démontrant clairement que le Prophète n’est pas l’auteur du Coran.

Il nous explique, de la manière la plus harmonieuse, le lien qui existe entre la sourate « l’Étoile » et un évènement qui s’est déroulé à La Mecque. « Alors fut révélée au Prophète la sourate de l’Étoile. Il se rendit au centre de la Mecque, où étaient réunis les Quraychites, et récita cette sourate. Lorsqu’il fut arrivé au verset 19 : ” Que croyez-vous de al-Lat, de `Uzza et de Manat, la troisième ? Est-il possible que Dieu ait des filles, et vous des garçons ? La belle répartition des tâches que ce serait là… ” Iblîs vint et mit dans sa bouche ces paroles : ” Ces idoles sont d’illustres divinités, dont l’intercession doit être espérée. “Les incrédules furent très heureux de ces paroles et dirent : ” Il est arrivé à Muhammad de louer nos idoles et d’en dire du bien. “… Le lendemain, Jibril vint trouver le Prophète et lui dit : ” Ô Muhammad, récite-moi la sourate de l’Étoile. ” Quand Muhammad en répétait les termes, Gabriel dit : ” Ce n’est pas ainsi que je te l’ai transmise ? J’ai dit : “Ce partage est injuste”. Tu l’as changée et tu as mis autre chose à la place de ce que je t’avais dit.  Le prophète, effrayé, retourna à la mosquée et récita la sourate de nouveau. Lorsqu’il prononça les paroles :” Et ce partage est injuste ” Le Prophète fut très inquiet et s’abstint de manger et de boire pendant trois jours, craignant la colère de Dieu. Ensuite Gabriel lui transmit le verset suivant : “Nous n’avons pas envoyé avant toi un seul Prophète ou envoyé sans que Satan n’ait jeté à travers dans ses vœux quelque désir coupable ; mais Dieu met au néant ce que Satan jette à travers, et il raffermit ses signes (ses versets)[5] ».

Cette histoire illustre combien les historiens musulmans sont imprégnés des récits du Coran, le texte fondateur de l’Islam, au point d’établir une sorte de continuum entre les versets coraniques, la vie du Prophète Muhammad  et leur propre récit. Un tel continuum nous fournit la meilleure explication du déroulement des évènements des débuts de l’Islam. Cette histoire montre que le Prophète et les musulmans n’ont pas craint de faire allusion à une tentative diabolique dont Muhammad fut la cible – l’association avec les divinités polythéistes – eux qui étaient enracinés dans une puissante croyance envers Allah, le Très-Haut.

Aucune autre religion n’aurait pris un tel risque. Dans la vie de Jésus racontée par les théologiens chrétiens, ce dernier apparaît totalement invulnérable devant les tentations du démon.

Parmi les axes majeurs de recherche relatifs aux débuts de l’Islam, il y a la non « divinisation » du Prophète, la décision de ce dernier de faire de l’expansion de l’Islam au Moyen-Orient le grand combat de sa vie (le témoignage sur l’expédition d’Oussama lorsque la maladie l’a affaibli est sans équivoques), la pureté, l’authenticité et le pragmatisme de son existence, qui sont particulièrement reflétés dans les difficultés rencontrées durant sa haute mission, le recours fréquent des musulmans aux versets coraniques pour trouver des solutions à la bonne pratique de leur religion, l’existence de nombreux hadîths et de citations des compagnons du Prophète retraçant sa vie, mais surtout le lien étroit entre de nombreux versets et les différents contextes entourant l’avènement de l’islam.

Par conséquent, l’Islamologie moderne, en s’efforçant de retracer l’origine du Coran et sa prétendue évolution, se fourvoie complètement, car elle est imprégnée de l’expérience du christianisme qui reflète une grande incertitude et des doutes sur ses débuts, ainsi qu’une forte présence de syncrétismes et d’assimilation de cultures antérieures. Ainsi, l’histoire du christianisme manque cruellement d’un enchaînement causal qui permette de relier les évènements historiques. En revanche, s’agissant des débuts de l’Islam, la réalité du Prophète et la source divine du Coran sont des éléments historiques qu’on est non seulement en mesure de relier, mais dont la véracité est aussi indiscutable.

D’ailleurs, l’écriture de l’histoire en tant que science sociale n’est autre que l’établissement de relations entre un certain nombre d’éléments pertinents qui déterminent l’existence d’une personnalité historique ou d’un évènement structurant dans l’histoire. Ces relations permettent de déterminer les causes de quelque chose de significatif en histoire.

La vie du Prophète Muhammad, les décisions de ses compagnons après sa mort, le rôle du Coran comme fondement de l’histoire de l’Islam, et les actions des musulmans des siècles plus tard constituent autant d’éléments cruciaux qui peuvent être reliés de manière cohérente. Ainsi, on n’a nul besoin d’une étude sur l’origine du Coran comme le suggère l’Islamologie moderne.

  1. Critique de l’axe de recherche sur le caractère littéraire du Coran
  •  Position du problème

Les islamologues, notamment occidentaux, sont très imprégnés par cet axe de recherche islamologique qui a pour objectif de démontrer que le Coran est un texte littéraire, c’est-à-dire d’essence humaine, et qu’il est possible de l’étudier en recourant aux sciences sociales modernes.

Mais ces approches ont toutes échoué. Elles ne sont pas reconnues par les musulmans, qui continuent à voir le texte coranique comme un texte divin qu’on ne peut interpréter, et encore moins comprendre en recourant au savoir humain moderne. En effet, la cohérence, la robustesse et l’homogénéité du texte coranique sont le hiatus sur lequel achoppe le cheval des islamologues modernes, en désarçonnant ces cavaliers…

Toutes les approches utilisées pour analyser le Coran sont illusoires, parce que le Coran est autocentré sur une seule donnée : la révélation divine. Dès lors qu’une lecture moderne et humaine intervient, elle devient intrusive et artificielle. Les visées intéressées des hommes dans ce bas monde, comme le développement ou la modernisation, ne justifient pas une telle violence philosophique et épistémologique. Il convient de préciser que la démarche de tels penseurs ne vise qu’à critiquer la sacralité des textes religieux, avant de voir en ceux-ci de simples textes littéraires. Nous allons d’abord critiquer cette approche, qui considère un livre divin comme le Coran comme un livre littéraire, et qui n’est qu’une étape pour dépouiller le texte religieux de sa sacralité, en y décelant des mythes et des croyances dépassées.

L’exemple d’Amin al-Khûli est révélateur. Ce dernier met l’accent sur l’arabité du Coran en arguant que la compréhension de l’environnement arabe, mais aussi de l’esprit et du style arabes est primordiale pour le comprendre[6]. Or, cette manière de voir est erronée. Un bon croyant, qui lit une traduction du Coran dans une autre langue, serait tout aussi bien ému qu’un autre croyant qui le lit en arabe. L’universalité du Coran transcende tout particularisme linguistique. Cette façon de voir a ouvert la voie à une orientation des recherches sur le Coran qui tend à le considérer comme un « texte littéraire ».

Muhammad Khalafallâh est allé loin dans cette voie. Il est allé jusqu’à identifier des versets coraniques du genre parabolique et des versets basés sur des légendes[7]. Un tel travail montre qu’une réflexion sur le Coran, qui s’éloigne de la transcendance du discours divin et s’aventure dans les sentiers escarpés de l’entendement ou de la passion humaine, en considérant le texte coranique comme un « texte humain », est condamnée à l’échec.

Lorsque cet auteur estime que le récit de la Table servie, descendue du Ciel à la demande de Jésus[8], est un récit parabolique[9], il s’égare complètement, parce que ce récit, qui est véridique, est le plus beau et le plus émouvant de l’histoire du monothéisme [10]. On n’en trouve aucune trace dans le christianisme qui, pourtant, est la religion de Jésus, tant le dialogue entre Jésus et Dieu, qui est rapporté dans la sourate « La Table », nous laisse voir toute la plénitude de la puissance et de la mansuétude divine, mais aussi la foi et la croyance de Jésus.

Le point culminant de cette aventure est la réflexion de Nasr Hamid Abû Zayd qui a voulu consacrer l’identification du Coran comme un texte littéraire et contextuel. Avec cet auteur, on s’aventure dans les décalages illusoires entre la Parole divine et le texte coranique.

Voici ce que Abû Zayd en dit : « Le contenu original de la Parole de Dieu dans son absoluité inconnue- je veux dire avant qu’il soit exprimé en arabe est divin et sacré, alors que son expression manifestée n’est ni sacrée ni divine. Que l’on suive la doctrine mou’tazilite de « création du Coran» ou que l’on préfère la doctrine ash’arite, la conclusion est la même : le Coran que nous lisons et interprétons n’est en aucune façon la Parole éternelle de Dieu[11] ».

Voilà, en somme, une véritable abdication intellectuelle : certains musulmans en sont arrivés au point de ne plus croire au caractère divin du Coran. Nous allons donc critiquer, dans ses fondements, toute approche visant à considérer une partie ou la totalité du Coran comme un texte littéraire et non comme la parole éternelle de Dieu.

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  • Le Coran n’est pas un texte littéraire ou de la poésie

Dans une religion comme l’Islam, une ligne de démarcation nette a été tracée entre le Coran, la littérature et la poésie. Les versets du Coran reflètent une grande esthétique qui dépasse de loin l’art poétique, ainsi que l’atteste le verset 74 de la sourate Al baqara :

« Puis, et en dépit de tout cela, vos cœurs se sont endurcis ; ils sont devenus comme des pierres ou même plus durs encore ; car il y a des pierres d’où jaillissent les ruisseaux, d’autres se fendent pour qu’en surgisse l’eau, d’autres s’affaissent par crainte d’Allah. Et Allah n’est certainement jamais inattentif à ce que vous faites ».

Dans ce verset, la comparaison entre les cœurs des mécréants et des pierres, tout en relativisant la dureté des pierres et en évoquant les ruisseaux qui peuvent en jaillir, est une très belle métaphore, riche de sens.

Il y a aussi ces versets qui possèdent une haute posture esthétique :

« Ô Marie ! dirent-ils, “tu as accompli une chose monstrueuse. [Marie] fit un signe vers [l’enfant], … “comment”, dirent-ils, “parlerions-nous à un enfançon qui est au berceau ? “.

Mais [l’enfant] a dit : Je suis serviteur d’Allah. … Il m’a donné l’Écriture et m’a fait Prophète. Que le salut soit sur moi le jour où je naquis … le jour où je mourrai et le jour où je serai rappelé vivant[12]“.

Dans ces versets, on note la présence d’un miracle : Jésus a parlé, alors qu’il n’était encore qu’un nourrisson dans son berceau. Ensuite, ce qu’il a dit résume en une phrase toute sa vie et sa mission.

Dans le Coran, la poésie a été rejetée comme un art qui ne peut égaler le Livre de Dieu. La poésie n’égale pas le Coran, non pas pour de simples raisons artistiques, mais aussi en raison de la finalité du second. Le Coran est le Livre de Dieu destiné à la prophétie et au salut des musulmans et de toute l’humanité. Ce n’est pas un texte censé seulement susciter l’admiration des lecteurs, pour ses qualités littéraires.

Il y a même des versets qui démontrent cette réalité comme ceux-ci : « Mais ils dirent : voilà plutôt un amas de rêve. Ou bien il l’a inventé. Ou c’est plutôt un poète » ; « Le Coran n’est pas la parole d’un poète, mais vous ne croyez que rarement[13]».

Ces versets viennent réfuter les allégations des premiers adversaires de l’Islam, les Qurayshites, qui considéraient les versets du Coran comme des paroles inspirées par le génie des poètes. Il y a même une méfiance de l’Islam envers la poésie ou un certain type de poésie considérée comme néfaste, ainsi qu’en témoigne ce verset :  « Et quant aux poètes, ce sont les égarés qui les suivent ».

Pour que le Coran soit un art, il faudrait d’abord admettre que la religion est morte dans les esprits et les cœurs, ce qui n’est pas le cas. On ne pense pas aujourd’hui à Dieu et aux prophètes, comme s’ils étaient semblables aux divinités romaines ou grecques.

Celles-ci n’existent dans les esprits que comme des manifestations historiques et artistiques parce qu’elles ne sont plus vivantes aujourd’hui. Elles ne sont plus objets de culte. Pour que quelque chose d’important puisse devenir un objet artistique et historique, il faut qu’il soit mort, c’est-à-dire qu’il ne suscite plus de croyances.

Or, ceci n’est pas le cas du Coran. Celui-ci reste vivant aujourd’hui. Les manifestations mortes, disons-le, c’est-à-dire les manifestations artistiques et littéraires font partie des héritages des religions, mais celles-ci transcendent ces dernières. Les œuvres d’art n’ont aucune fonction, elles sont éloignées des nécessités et des vicissitudes de l’existence. C’est pour cette raison qu’on dit qu’elles sont figées dans le temps et qu’elles sont mortes. Le Coran, en revanche, n’est pas coupé des nécessités et des vicissitudes de la vie. Il régit nos existences au plus profond de notre être et de notre moi.

Lorsqu’on dit que les œuvres d’art sont immortelles, cela signifie qu’on se donne l’illusion que celles-ci sont immortelles. On maintient, dans notre esprit, ces œuvres comme durables en dissimulant leur mort.

La religion a donné naissance à des œuvres d’art, mais celles-ci ne sont que des jalons sur le long chemin de la foi. La civilisation de l’Islam, par exemple, malgré un long déclin historique et la quasi absence de produits culturels et scientifiques de nos jours, demeure vivace grâce à la croyance en Dieu et à la foi islamique. Ce qui est essentiel à la vie d’une religion est la foi et la croyance en Dieu.

Par ailleurs, lorsqu’on parle de littérature ou d’art, on a affaire à des œuvres humaines, alors que les écritures transcrivent une parole divine. Les conséquences d’une telle différence sont nombreuses. D’abord, une œuvre d’art est le résultat d’une activité humaine. C’est donc un projet humain. Or, le Coran est la parole de Dieu. Les effets attendus d’une œuvre artistique sont supposés être de nature sentimentale ou émotionnelle. La beauté des œuvres procure généralement du plaisir. En revanche, la parole divine vise non seulement le cœur des hommes, mais aussi leur raison.

Dieu invite les hommes à l’adorer et à croire en Lui. Dans les écritures, le discours divin vise la vérité. C’est la vérité qui est racontée dans le Livre de Dieu et la vérité est quelque de chose de rationnel, de métaphysique, de philosophique et d’intellectuel. Les anciens Grecs faisaient la différence entre le Thumos, monde des plaisirs et le Logos, monde de la raison.

Enfin, les œuvres d’art renvoient à autre chose qu’elles-mêmes. Or, les versets coraniques, par exemple, ne renvoient pas à quelque chose d’autre. Elles ne sont pas des représentations, mais plutôt des affirmations, des jugements et un appel de nature eschatologique.

  • La parole divine transcende la connaissance humaine

On peut même évoquer la robustesse et la cohérence du discours divin renfermé dans les textes de la révélation du Coran. Une cohérence et une robustesse qui s’affirment sur les plans logiques et ontologiques. Ces caractéristiques qui reflètent l’unicité du discours divin et sa préservation à travers les siècles ne se rencontrent nullement dans le savoir humain.

Le discours divin est lié à la transcendance et à l’infini, contrairement au discours scientifique basé sur l’individualité de l’entendement humain qui est fini et limité. Certains scientifiques et philosophes ont compris toute la portée de cette différence en admettant que c’est la puissance divine, transcendante et infinie, qui permet d’expliquer les fondements mêmes de la pensée humaine qui ne peut à elle seule rencontrer l’infini.

Nous pouvons juste donner deux exemples qui sont tirés de l’expérience scientifique particulièrement édifiante de deux savants : Gorge Cantor et Isaac Newton. Le premier a découvert que l’existence des nombres infinis engendre des contradictions mathématiques, au point de provoquer un effondrement des mathématiques et de la logique. La seule solution pour lui d’éviter ces contradictions est de reconnaître l’existence d’une super-infinité qui est Dieu.

Quant à Newton, il a rencontré une difficulté similaire pour comprendre pourquoi les planètes ne s’écrasent pas entre elles en raison de la force de la gravitation et pour expliquer le caractère fixe et immuable de l’espace et du temps absolus. C’est l’existence de Dieu qui permet, selon lui, de résoudre les difficultés inhérentes à ces concepts scientifiques et d’empêcher les planètes de s’écraser entre elles.

Par conséquent, la pensée humaine est inexorablement limitée pour prétendre décortiquer et interpréter la parole divine présentée dans le Coran, sans l’aide de cette parole divine et en recourant seulement aux outils de la science moderne.

Le discours divin, renfermé dans le Coran, est caractérisé par la robustesse textuelle, cognitive, logique et ontologique, puisque la révélation est d’essence divine. Contrairement à tous les discours humains dans le monde moderne marqués par le doute et le relativisme, la cohérence et la robustesse du Coran sont immunisés contre toute tentative d’interprétation hasardeuse.

La robustesse du texte coranique est le corollaire de l’assurance divine de son intégrité. Voici un verset qui montre que l’homme est porté vers des interprétations hasardeuses alors que le texte coranique est robuste et cohérent :

« C’est Lui qui a fait descendre sur toi le Livre : il s’y trouve des versets sans équivoque, qui sont la base du Livre, et d’autres versets qui peuvent prêter à d’interprétations diverses. Les gens, donc, qui ont au cœur une inclination vers l’égarement, mettent l’accent sur les versets à équivoque cherchant la dissension en essayant de leur trouver une interprétation, alors que nul n’en connaît l’interprétation, à part Allah. Mais ceux qui sont bien enracinés dans la science disent : « Nous y croyons : tout est de la part de notre Seigneur !» Mais, seuls les doués d’intelligence s’en rappellent [14]».

Le tafsîr est l’activité humaine qui permet de commenter le texte coranique en recourant au Coran lui-même ou accessoirement aux dires du prophète Muhammad (hadîths). Ainsi, le Coran est le texte fondamental qui permet d’interpréter ses versets. De cette manière, les aléas et les incertitudes engendrées par les activités cognitives humaines sont d’emblée évacuées.

Le Coran est donc la parole ex abrupto de Dieu descendue sur Muhammad, son Prophète. La source du Coran est donc divine et les musulmans ne peuvent supporter qu’on l’étudie en recourant aux instruments modernes qui sont d’origine humaine. C’est Dieu qui garantit la sauvegarde physique du texte coranique et son intégrité épistémologique et ontologique.

Les principes méthodologiques suivants régissent le texte coranique :

– Le contenu de tous les versets du Coran possède une unité ontologique et épistémologique puisqu’il est le produit de la parole divine. C’est Dieu qui parle tout au long du texte coranique. « L’homme n’y a jamais [et dans la plupart des cas] la parole. De bout en bout, c’est Dieu qui parle. Il est l’unique auteur et le locuteur exclusif du Coran. Il s’y exprime selon diverses personnes grammaticales du singulier ou du pluriel[15]».

Par conséquent, aucune fragmentation ou éparpillement du discours ne peuvent être acceptés.

Le texte coranique se suffit à lui-même. Il n’y a nul besoin d’une interprétation hors tradition et hors texte coranique, et il n’y a dans les différents versets du Coran aucune proposition indécidable (ni vraie ni fausse) ou fausse sur les plans logique, scientifique et épistémologique.

L’infaillibilité du texte coranique s’accompagne de l’infaillibilité de la création divine : « Vous ne verrez pas le moindre défaut dans la création du Miséricordieux. Tournez vos yeux : Y détectez-vous la moindre faille[16]».

Fort de ces trois atouts, le texte coranique peut être considéré comme cohérent, robuste et formant un corpus unique, homogène et intelligible. Cependant, la tentative la plus soutenue de voir en lui un objet d’étude scientifique et philosophique est celle de Mohamed Arkoun. Sa lecture du Coran se fait grâce à une approche structurée et complexe : l’Islamologie appliquée. Nous critiquerons cette œuvre dans la seconde partie de cet article.

A lire sur Oumma «L’islamophobie intellectuelle : une critique». La saine critique de Rafik Hiahemzizou dans un essai éclairant

       

 

[1] Rachid Benzine dans la Pensée 2015/4, N° 384, p. 7.

[2] Gabriel Said Reynolds, The Qurʾān and the Bible. Text and Commentary, Qurʾān Translation by Ali Quli Qarai, New Haven, CT, Yale University Press, 2018, 1014 p.

 [4]  Al-Shâhristani Ahmed al-Mil’al oua al-Nahl, enquête du professeur Muhammad Ouakil, première partie, société Halabi et Associés, Le Caire 1968, p.14.

[5] Tabari, Mohammed, sceau des prophètes. Une biographie traditionnelle, extraite de la Chronique de Tabari, traduite par H. Zotenberg et préfacée par J. Berque Alfred Morabia.

[6] Ibid., p.159

[7] Ibid., p.168.

[8] Coran, Sourate 5, 112-115

[9] Op. cit. Benzine, p.168

[10] La sourate La Table est la sourate préférée du Prophète Muhammad.

[11] Nasr Hamid Abû Zayd Mafhûm al-Nass : Dirâsa fi Ulûm al-Qur’ân », Le Caire, 1993

[12] Coran, 96/28, 29,30.

[13] Coran, 69/41.

[14] Sourate 3, 7 du Coran.

[15] Guy Monot « L’humanité dans le Coran ». École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses. Tome 103, 1994, pp.19-29.

[16] Coran, 67 :3.

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Un commentaire

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  1. Ces approches que vous avez mentionnées ne reposent sur aucun fondement solide, vous l’avez compris. Elles finiront dans la poubelle de l’histoire, ces hommes ont vraiment, mais alors vraiment, perdu leur temps. Et je ne pense même pas qu’ils croyaient sérieusement en ce qu’ils faisaient, ils se divertissaient plutôt. Une chose est sûre, la science n’est pas auprès d’eux, elle est ailleurs.

    Une question : qui aujourd’hui dans les universités occidentales mobilise sérieusement les approches d’un Arkoun ou Abou Zayd? Personne! Je ne parle pas de ces torchons qu’on appelle mémoires ou thèses de doctorat qui finissent aussitôt dans l’oubli dans les tiroirs poussiéreux ou tout simplement à la poubelle; je parle de ces chercheurs et professeurs universitaires qui publient dans des revues spécialisées…qui d’entre eux écrit en préambule de ses recherches qu’il suit les pas de ses maîtres, Arkoun, Abou Zayd, etc?…Personne! On ne les mobilise que pour en découdre avec une religion qui nous fait peur ou qu’on peine à comprendre. “Ils ont fait du bon boulot”.

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