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Une critique de l’islamologie moderne : pour une alternative salutaire et identitaire (5ème et dernière partie)

Dans les parties précédentes de notre article, nous avons parcouru les principales différences thématiques entre le Coran, l’Ancien et le Nouveau Testament.

Dans cette dernière partie, nous allons nous attacher à montrer que le Coran va au-delà du texte biblique, en termes d’universalité et de compréhension ultime de la notion de providence divine.

A la fin de cet article, nous proposerons une alternative à l’islamologie moderne qui va juste consister en un aperçu rapide des différents axes coraniques et des discours sous-jacents aux versets coraniques.

1. La notion de providence : son véritable sens dans le Coran

 Alors que, jadis, la notion de providence fut au cœur du christianisme, voilà qu’elle disparaît à l’époque moderne, avec l’essor des sciences et des techniques qui mettent l’accent sur l’humanisme, la liberté et le libre arbitre de l’homme. Un libre arbitre qui devient l’épicentre du monde.

Or, le Coran donne la meilleure définition de la providence divine. Méditons ces versets coraniques :

« C’est Lui qui, du ciel, a fait descendre de l’eau qui vous sert de boisson et grâce à laquelle poussent des plantes dont vous nourrissez vos troupeaux. D’elle, Il fait pousser pour vous, les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et aussi toutes sortes de fruits. Voilà bien là une preuve pour des gens qui réfléchissent. Pour vous, Il a assujetti la nuit et le jour ; le soleil et la lune. Et à Son ordre sont assujetties les étoiles. Voilà bien là des preuves pour des gens qui raisonnent. Ce qu’Il a créé pour vous sur la terre a des couleurs diverses. Voilà bien là une preuve pour des gens qui se rappellent. Et c’est Lui qui a assujetti la mer afin que vous en mangiez une chair fraîche, et que vous en retiriez des parures que vous portez. Et tu vois les bateaux fendre la mer avec bruit, pour que vous partiez en quête de Sa grâce et afin que vous soyez reconnaissants. Et Il a implanté des montagnes immobiles dans la terre afin qu’elle ne branle pas en vous emportant avec elle de même que des rivières et des sentiers, pour que vous vous guidiez, ainsi que des points de repère. Et au moyen des étoiles [les gens] se guident[1]. »

Voilà une exacte et profonde définition de la providence divine qui est, en fait, étroitement liée au finalisme, une vérité combattue par la science moderne, qui signifie que tout ce qui existe dans l’Univers a une finalité et n’est nullement le produit du hasard, comme le prétend la théorie de l’évolution.

Les faits scientifiques confirment cette conception du finalisme et de la providence divine, mais elle est occultée par les théories scientifiques que leurs auteurs cherchent à faire reposer sur le paradigme de l’évolution.

Par exemple, la providence divine a fait que l’homme a commencé miraculeusement à penser et à réfléchir de manière inexplicable pour la science moderne. Selon les évolutionnistes, l’homme d’aujourd’hui a évolué à partir d’espèces de singes ou d’un type humain antérieur bien que des Sapiens ont dominé l’Afrique orientale, il y a 150 000 ans.

Ces Sapiens ressemblaient énormément à nous. L’Homo sapiens était un être qui se distinguait d’espèces comme le Neandertal bien que les spécialistes ne reconnaissent pas que ce sont deux espèces différentes. Il a néanmoins fait disparaitre le Neandertal et a
colonisé une bonne partie de la planète.

Mais où réside l’écueil ? Alors que leur cerveau avait déjà atteint sa taille actuelle, les Sapiens n’avaient rien réalisé rien de particulier. Ils n’étaient même pas parvenus à surpasser les espèces qui vivaient non loin d’eux, et ce, durant presque un millénaire, entre 150 000 et 70 000 ans. À partir de 70 000 ans, les Sapiens ont commencé à envahir le Moyen-Orient, l’Europe et l’Asie de l’Est en refoulant l’homme du Néandertal[2]. Ils ont même atteint l’Australie vers 45 000 ans. Yuval Harari appelle cette transformation, une révolution cognitive[3].

Entre 70 000 et 30 000, des inventions stupéfiantes ont été réalisées : objets d’art, bijoux, armes de guerre (arcs et flèches), moyens de transport comme les bateaux sans parler du langage et de la pensée. Il n’y a aucune explication à cette transformation. Avec le même cerveau, l’Homo Sapiens a réussi à créer la civilisation et à coloniser la Terre. On ne peut pas expliquer ce changement majeur dans l’histoire de la vie et de l’humanité par l’évolution ou par quelques mutations génétiques. Avec la même taille et les mêmes caractéristiques du cerveau, il y a un décalage d’un millier d’années avant que ce cerveau commence à provoquer une révolution cognitive.

C’est comme si une puissance transcendantale a décidé du moment propice et déterminé pour commencer à écrire l’histoire de l’humanité. On ne peut pas expliquer également la disparition des espèces comme le Néandertal (vers 30 000 ans), l’Homo Soloensis (qui a disparu vers 50 000 ans) et l’Homo Denisova (vers 40.000)[4] par la théorie de l’évolution.

On ne peut suggérer ici qu’une explication, basée sur l’émergence d’une intervention externe d’origine transcendantale, a provoqué de telles transformations qui ont changé le visage de l’humanité et permis à l’homme d’écrire les pages de l’histoire.

En l’absence d’une référence à la providence divine, les questions suivantes restent sans réponse pour la science :

  • Différences morphologiques, génétiques et cognitives (taille du cerveau et sa fonctionnalité) entre l’Homo Sapiens et les autres espèces animales qui sont supposées être ses ancêtres ou ses contemporains : Australopithèques, l’Homo Habilis, l’Homo Erectus.
  • Causes inconnues de la disparition des espèces contemporaines de l’Homo Sapiens (Neandertal, Denisova et Soloensis).
  • Cause de l’explosion cognitive et de la colonisation de la Terre sans qu’il y ait une modification dans la taille du cerveau de l’Homo Sapiens qui est resté stable pendant un millénaire.

Par ailleurs, la Terre est située dans une zone appelée Goldilocks (ni trop chaude, ni trop froide). Dieu a placé la Terre spécialement dans cette zone pour favoriser l’émergence de la vie. Même le principe anthropique est lié à la providence divine, car il stipule que l’univers possède les caractéristiques nécessaires pour que nous puissions l’observer.

Voici un verset qui montre à quel point le Coran prédit le principe anthropique :

        « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela la vérité[5] ».

La notion de providence divine coranique rejoint la notion de finalisme qui est conforme à la vision cosmologique moderne bien que les penseurs athées tentent toujours de la dissimuler.

Ainsi s’achève notre critique des axes de recherche de l’islamologie moderne, ce qui nous permettra de proposer succinctement une alternative qui puise dans notre patrimoine religieux, en respectant l’esprit et la lettre du Coran.

2. Une alternative à l’islamologie : laisser le Coran déployer tous ses discours sur le monde et sur le destin de l’homme  

Au lieu de chercher une origine au Coran et à son évolution, d’examiner les structures prétendument cachées du Coran par la science, de voir dans le texte coranique une écriture littéraire et de chercher des influences bibliques sur le Livre saint, qui semblent être les principaux axes de recherche de l’islamologie moderne, nous pouvons simplement apprécier la richesse de son contenu et la cohérence de son articulation qui nous permet de tirer les axes majeurs de l’enseignement qu’il porte.

Nous pouvons les résumer comme suit[6]:

– Une stricte moralité qui régit le comportement du musulman, qui doit ordonner le bien et interdire le mal et poursuivre la justice et la charité.

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Le premier devoir du musulman est de croire en Dieu et de ne reconnaître aucun associé :

« Et lorsque Luqmân dit à son fils tout en l’exhortant : « O mon fils, ne donne pas d’associé à Allah, car l’association à [Allah] est vraiment une injustice énorme. Nous avons commandé à l’homme [la bienfaisance envers] ses père et mère ; sa mère l’a porté [subissant pour lui] peine sur peine : son sevrage a lieu à deux ans. « Sois reconnaissant envers Moi ainsi qu’envers tes parents. Vers Moi est la destination[7] ».  « O mon enfant accomplis la Salât, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise ! Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance : car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole[8]».

– Une transcendance spirituelle et eschatologique qui fait connaître Dieu aux hommes et leur commande une obéissance absolue :

« Et c’est devant Allah que se prosterne tout être vivant dans les cieux, et sur la terre ; ainsi que les Anges qui ne s’enflent pas d’orgueil[9]» « À Allah appartient la royauté des cieux et de la terre. Il donne la vie et Il donne la mort. Et il n’y a pour vous, en dehors d’Allah, ni allié ni protecteur[10]». « Votre Seigneur est, Allah qui créa les cieux et la terre en six jours, puis S’est établi « Istawâ » sur le Trône, administrant toute chose. Il n’y a d’intercesseur qu’avec Sa permission. Tel est Allah votre Seigneur. Adorez-Le donc. Ne réfléchissez-vous pas ? [11]». « Mais ils ne se rappelleront que si Allah veut. C’est Lui qui est Le plus digne d’être craint ; et c’est Lui qui détient le pardon[12] » ; « Je n’ai créé les djinns et les hommes que pour qu’ils M’adorent[13]».

 – Un discours historique qui montre à l’homme une origine étroitement liée à la transcendance divine et qu’il est le fils d’Adam. Cette origine permet la reconnaissance des fils d’Adam à la fin des temps. Ce discours historique fait référence également à la vie des autres prophètes de Dieu :

« Et quand ton Seigneur dit aux anges : « Lorsque Ton Seigneur confia aux Anges : « Je vais établir sur la terre un vicaire « Khalifa ». Ils dirent : « Vas-Tu y désigner un qui y mettra le désordre et répandra le sang, quand nous sommes là à Te sanctifier et à Te glorifier ?» – Il dit : « En vérité, Je sais ce que vous ne savez pas ![14]» ». « Et quand ton Seigneur tira une descendance des reins des fils d’Adam et les fit témoigner sur eux-mêmes : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ?» Ils répondirent : « Mais si, nous en témoignons… » – afin que vous ne disiez point, au Jour de la Résurrection : « Vraiment, nous n’y avons pas fait attention »[15] ».

« Nous avons déjà apporté à Moïse et Aaron le Livre du discernement (la Thora) ainsi qu’une lumière et un rappel pour les gens pieux, qui craignent leur Seigneur malgré qu’ils ne Le voient pas, et redoutent l’Heure (la fin du monde). Et ceci [le Coran] est un rappel béni que Nous avons fait descendre. Allez-vous donc le renier ? En effet, Nous avons mis auparavant Abraham sur le droit chemin. Et Nous en avions bonne connaissance[16]».

– Un humanisme unique en son genre. Ce verset exprime pleinement un humanisme d’origine transcendantale d’une pureté absolue qui n’a pas d’égale dans ce bas monde :

« Pense-t-il que personne ne pourra rien contre lui ? Il dit : « J’ai gaspillé beaucoup de biens ». Pense-t-il que nul ne l’a vu ? Ne lui avons-Nous pas assigné deux yeux, et une langue et deux lèvres ? Ne l’avons-Nous pas guidé aux deux voies. Or, il ne s’engage pas dans la voie difficile ! Et qui te dira ce qu’est la voie difficile ? C’est délier un joug [affranchir un esclave], ou nourrir, en un jour de famine, un orphelin proche parent ou un pauvre dans le dénuement. Et c’est être, en outre, de ceux qui croient et s’enjoignent mutuellement l’endurance, et s’enjoignent mutuellement la miséricorde[17]».

– Une vision du salut qui promet au musulman le Paradis et lui enseigne comment éviter l’Enfer. Ces deux lieux ultimes pour la destinée humaine sont décrits de manière assez détaillée dans le texte coranique :

« Quand l’événement (le Jugement) arrivera, nul ne traitera sa venue de mensonge. Il abaissera (les uns), il élèvera (les autres). Quand la terre sera secouée violemment, et les montagnes seront réduites en miettes, et qu’elles deviendront poussière éparpillée alors vous serez trois catégories : les gens de la droite – que sont les gens de la droite ? Et les gens de la gauche – que sont les gens de la gauche ? Les premiers (à suivre les ordres d’Allah sur la terre) ce sont eux qui seront les premiers (dans l’au-delà) Ce sont ceux-là les plus rapprochés d’Allah dans les Jardins des délices, une multitude d’élus parmi les premières [générations], et un petit nombre parmi les dernières [générations], sur des lits ornés [d’or et de pierreries], s’y accoudant et se faisant face[18]».

– Une cosmogonie qui rappelle au musulman comment Dieu a créé l’Univers. Une telle création ne souffre d’aucune possibilité de réfutation :

« Dis : « Renierez-vous [l’existence] de celui qui a créé la terre en deux jours et Lui donnerez-vous des égaux ? Tel est le Seigneur de l’univers, c’est Lui qui a fermement fixé des montagnes au-dessus d’elle, l’a bénie et lui assigna ses ressources alimentaires en quatre jours d’égale durée. [Telle est la réponse] à ceux qui t’interrogent. Il S’est ensuite adressé au ciel qui était alors fumée et lui dit, ainsi qu’à la terre : « Venez tous deux, bon gré, mal gré ». Tous deux dirent : « Nous venons obéissants ». Il décréta d’en faire sept cieux en deux jours et révéla à chaque ciel sa fonction. Et Nous avons décoré le ciel le plus proche de lampes [étoiles] et l’avons protégé. Tel est l’Ordre établi par le Puissant, l’Omniscient[19]».

– Une explication « finaliste » d’une partie de la création comme utile à l’homme. On entend par là, un dépassement de la science puisque cette dernière ne peut pas comprendre que certaines choses de la nature ont été créés pour l’homme. La science rejette le finalisme afin de nous prouver une existence gratuite, sans finalité et sans essence de l’Univers. Nous avons déjà cité les versets qui reflètent ce discours explicatif sur la finalité du monde.

Ces axes représentent, à eux seuls, des mondes ontologiques et spirituels qui ne se contredisent pas entre eux. La cohérence du texte coranique est complète et ne souffre d’aucune incertitude. La Parole divine est permanente et transcendantale et elle embrasse tous ces axes majeurs de la révélation coranique.

Le fait que nous ayons pu résumer tous les axes du texte coranique, sans prétendre à aucune exhaustivité, reflète sa robustesse et la solidarité entre ces différentes séquences (moralité religieuse, transcendance spirituelle, discours historique, l’humanisme, discours du salut, cosmogonie), tout en étant autonomes. Ces séquences ne sont pas fragmentées au hasard tout au long du texte coranique. Elles sont, au contraire, bien ajustées pour offrir au croyant une praxis, une voie à suivre et un tableau cohérent de l’existence du monde et de sa propre destinée.

Par ailleurs, ces axes coraniques sont complètement intelligibles sans l’aide d’aucun instrument cognitif ou d’une théorie moderne. Une lecture pieuse de ce texte ne peut supporter une analyse critique ou des interprétations hasardeuses qui ne reposeraient pas sur la révélation coranique elle-même.

Nous n’avons nullement besoin de l’islamologie moderne qui tend à considérer le Coran comme un objet d’étude et d’analyse, en oubliant que le principe de l’unicité divine empêche une telle analyse qui reflète ostensiblement les faiblesses de l’entendement humain.

Enfin, le texte coranique se déploie lui-même pour offrir ses différents discours à l’humanité sans l’aide d’aucune théorie ou méthodologies prétendument scientifiques.

A lire sur Oumma «L’islamophobie intellectuelle : une critique». La saine critique de Rafik Hiahemzizou dans un essai éclairant

 

[1] Coran, Sourate 16, 10-17
[2]Yuval Noah Harari Sapiens. Une brève histoire de l’humanité. Albin Michel, 2012, p.25.
[3]Ibid., p.33.
[4]Ibid. p.30.
[5] Sourate 41.
[6]  Cet exercice vise à dégager les lignes directrices du discours divin renfermé dans le Coran et ne vise aucunement une exégèse nouvelle qui n’ajouterait rien à ce que les théologiens musulmans ont réalisé. Il vise seulement à montrer la cohérence, l’articulation intelligente et la robustesse du texte coranique.
[7] Coran, Sourate 31, 13-14.
[8] Coran, Sourate 31, 17-18.
[9] Coran, Sourate 16, 49.
[10] Coran, Sourate 9, 116.
[11] Coran, Sourate 10, 3.
[12] Coran, Sourate 74, 56.
[13] Coran, Sourate 51,56.
[14] Coran, Sourate 2, 30.
[15] Coran, Sourate 7, 12.
[16] Coran, Sourate 2, 48-51.
[17] Coran, Sourate 90, 3-17.
[18] Coran Sourate 56, 1-16.
[19] Coran 41, 9-12.

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