En dépit de l’immense couverture médiatique du terrorisme planétaire tel que le pratiquent divers groupes “islamiques” autoproclamés, aux Etats-Unis, en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, on ne connaît guère ce que pense et ressent la plus grande partie des musulmans dans le monde. Qu’ont-ils à dire de la violence et des attentats terroristes, de la démocratie, des droits de la femme et des relations entre leurs pays et l’Occident ? Quels sont leurs valeurs, leurs buts, leurs convictions religieuses ?
Ce mois-ci, en regardant Inside Islam, le public des salles de cinéma à Washington et à New-York pouvait apporter quelques réponses à cette question. Ils sont allés voir Inside Islam, ce film novateur tiré de Who Speaks for Islam ? What a Billion Muslims Really Think, livre cosigné en 2008 par John Esposito, professeur à l’Université de Georgetown, et Dalia Mogahed, directeur exécutif du Gallup Center for Muslim Studies. Depuis sa première à Washington cet été, le film est en tournée nationale.
Il est construit à partir de nombreuses années d’une recherche innovante. Entre 2001 et 2006, John Esposito et Dalia Mogahed ont travaillé à l’Institut Gallup sur la plus grand enquête qui ait jamais été réalisée sur les populations musulmanes. Leurs résultats sont venus mettre en échec les lieux communs et les clichés sur le “choc des civilisations”, alors que se poursuivaient les guerres d’Irak et d’Afghanistan.
Bien avant la sortie de Who Speaks for Islam ?, les hautes sphères du gouvernement concoctaient une politique à l’égard d’un peuple qu’elles connaissaient à peine. A la sortie du livre, l’archevêque Desmond Tutu, lauréat du prix Nobel de la Paix, avait déclaré à juste titre : “En cette époque pénible de confrontation et d’hostilité accrues, peu de livres pourraient être plus opportuns”.
En 2008, la fondation Unity Productions (UPF) décidait d’en tirer un film, reconnaissant l’importance du message et l’utilité qu’il y aurait à le transmettre à un plus vaste public. Alex Kronemer, co-fondateur d’UPF et coproducteur exécutif du film, a déclaré : “Le message de ce livre doit être entendu par les responsables américains : pour nous rapprocher authentiquement du monde musulman, nous devons comprendre ce que le monde musulman veut vraiment”.
L’avant-première, destinée aux milieux politiques, a eu lieu en août 2009, au Département d’Etat. Après la projection, les participants ont pris part à un débat avec Alex Kronemer, qui dirigeait le bureau des droits de l’homme au Département d’Etat sous le gouvernement Bill Clinton. Le but de ces projections ciblées — justifié par les résultats du sondage Gallup — est d’aider les décisionnaires à comprendre les conséquences que peut avoir la politique étrangère américaine sur le comportement des musulmans à l’égard des Etats-Unis, et à comprendre qu’un infléchissement de cette politique aura des répercussions considérables sur la façon dont les musulmans perçoivent les Américains.
Le 3 juin dernier, lors de la première à Washington, Madeleine Albright, ex-secrétaire d’Etat, était l’invitée d’honneur. Elle a déclaré après la projection : “Lorsque la peur prend le dessus, toute communication s’arrête et le soupçon s’installe. C’est pourquoi Inside Islam est un film important, c’est pourquoi les enquêtes approfondies de l’Institut Gallup sont si précieuses.”
Depuis lors, le film a été projeté dans plusieurs grandes villes d’Amérique du Nord. Ces événements rassemblent les mouvements associatifs, les milieux politiques et les organisations interconfessionnelles, habituellement en présence d’un expert de chez Gallup et d’un représentant d’UPF, qui enrichissent le débat sur le film et sur les résultats du sondage.
L’enquête révèle ainsi que, lorsqu’on leur demande ce qu’ils admirent en Occident, les musulmans citent fréquemment la liberté politique et la liberté de parole. Le public s’étonne aussi d’apprendre qu’une grande majorité de musulmans – dont 73 % de Saoudiens et de 89 % d’Iraniens – estiment que les femmes devraient avoir les mêmes droits que les hommes.
A ce jour, des milliers de personnes sont allées voir le film : de Toledo à Toronto, de la Nouvelle Orléans à New-York, les spectateurs veulent savoir ce qu’un milliard de musulmans, dont de nombreux dirigeants, pensent vraiment. D’autres organisations ont manifesté leur intérêt, non seulement en diffusant le film sur leurs réseaux, mais aussi en collaborant à la production de matériel pédagogique afin qu’un jeune public aussi puisse bénéficier de l’information et y réfléchir.
Le film crée un environnement dans lequel le dialogue des civilisations, pour reprendre les termes de Muhammad Khatami, ex-président de l’Iran, devient inévitable. Il invite les spectateurs américains à repenser leur attitude envers les musulmans, ces gens qui sont parfois aussi leurs voisins. Souhaitons que, grâce à des films comme Inside Islam, la crainte et le soupçon puissent céder le pas au dialogue.
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