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Qaradâwî a-t-il une responsabilité morale dans l’assassinat de Ramadan Al-Bouti?

Le cheikh Yûsuf Al-Qaradâwî, au nom de l'Union Mondiale des Savants Musulmans qu'il préside, a certes condamné fermement sur son site internet , le 23 mars 2013, l'assassinat du cheikh syrien Ramadan Al-Bouti victime d'un attentat dans une mosquée de Damas. 

Cependant, on peut légitimement s'interroger sur l'ambiguïté de cette condamnation. En effet, trois mois auparavant, soit en décembre 2012 , au cours de l'émission phare d'Al-Jazîra ("La charia et la vie") dont il est l'invité vedette (voir vidéo ci-dessous), le théologien qatari, devant des millions de personnes, à une question d'un téléspectateur arabophone l'interrogeant sur la licéité ou permission de prendre pour cible les soutiens du régime de Bachar Al-Assad, au premier rang desquels "les oulémas du pouvoir", eut une réponse hallucinante et  d'une violence inouïe, dont voici certains traits : "(…) Ceux qui agissent avec le pouvoir, il nous est obligatoire de tous les tuer: militaires, civils, oulémas, ignorants (…) ceux qui sont du côté de ce pouvoir (régime syrien) injuste (…) qui a tué les gens sans raison, ils sont injustes comme lui (…) ceux qui tuent pour lui, que ceux-là soient tués à leur tour ".  
De quels "Oulamas" parlait Al-Qaradâwî ? The Peninsula, qui est un des quotidiens qataris les plus importants en langue anglaise avait écrit un article le 26 février 2012, dans lequel il citait les propos d'un prêche que le Cheikh  Al-Qaradâwî avait donné à la mosquée Omar ibn al-Khattâb à Doha. Yûsuf Al-Qaradhâwî interpellait clairement le cheikh   Al Bouti: "Comment pouvez-vous soutenir un régime qui réprime quotidiennement son peuple et tue autant de personnes innocentes". Yûsuf Al-Qaradhâwî allant jusqu’ à affirmer dans ce prêche qu'Al Bouti "dénaturait l'islam"  ( accusation grave dans la religion musulmane ) par son soutien   apporté à  "ce rat d'Assad ".
Pour la presse tunisienne, algérienne, syrienne et iranienne, il ne fait aucun doute  également que  Qaradâwî faisait allusion au cheikh Mohammed Saïd Ramadan al-Bouti, figure religieuse très respectée  dans le monde arabe, qui avait apporté sans hésiter son soutien au régime de Bachar Al-Assad. Lors des funérailles d'Al-Bouti qui ont eu lieu à la Grande Mosquée des Omeyyades, des images prises avec un portable montrent une foule en colère désignant clairement Al-Qaradâwî comme le responsable de sa mort. ( voir ci-dessous).

Ces appels au meurtre de la part d'un  dignitaire religieux se prévalant d'une autorité morale à l'échelle du monde musulman, ont énormément choqué une partie de la  presse  arabe.  Mais le théologien  qatari qui  n'en n'est pas à son premier fait d'armes,  s'était déjà distingué  sur cette même chaîne, en février 2011, par une fatwa autorisant   l'assassinat de feu Muammar Khadafi ( voir vidéo ci-dessous).

Le Cheikh Al-Qaradâwî  de plus en plus critiqué dans le monde musulman

La critique publique du Yûsuf Al-Qaradâwî  émanait jusqu'à présent des intellectuels musulmans qui se réclamaient de la modernité,  ou encore des milieux de la  gauche laïque du monde arabe. Depuis son soutien sans faille à la politique étrangère du Qatar,  le Cheikh Al-Qaradâwî essuie désormais des attaques virulentes de la part de religieux issus du coeur même du sunnisme, et notamment en provenance d’une ville sainte de l'Islam: Jérusalem ( voir vidéo à la fin de l'article).

Ces critiques contre  le  cheikh Al-Qaradâwî   sont souvent assimilées à une fitna (divisions parmi les musulmans) dans certains milieux de l'islam politique,  pourtant la tradition de l’islam invite les musulmans à l’auto-critique.

La paix et l'éthique, dont le bon conseil et la fraternité humaine, sont la quintessence du message de cette religion: le prophète de l'islam ( SAWS)  rappelait à ce sujet: "La religion, c'est le conseil ou la sincérité". "Répandez la paix". "J'ai été envoyé pour parfaire les plus nobles vertus".  Omar, deuxième calife de l'islam, surnommé "al-farûq" (celui qui distingue le bien du mal) affirmait : "Soyez les vicaires de Dieu en étant silencieux", et comment lui demanda-t-on: "Par votre éthique". "Que Dieu soit clément à l'égard de quiconque me montre mes faiblesses".

Enfin  le Coran précise que : "L"homme a été crée faible"(Sourate Les Femmes) et ailleurs, dans la sourate XVII verset 85: "Il ne vous a été donné que peu de science".  La faillibilité et la finitude de la raison sont donc le lot congénital de l'humanité: si l'homme est faible ou faillible, alors les "oulémas" qui sont des hommes, le sont également en bon syllogisme.

En septembre 2012, ce comité d'imams de Jérusalem, emmené  par Salahuddin Ben Ibrahim, imam de la mosquée d'Al Aqsa (troisième lieu saint de l’islam),  très populaire en Palestine et dans la galaxie musulmane, a organisé une conférence de presse pour lancer une sérieuse mise en garde contre le cheikh Al-Qaradâwî . Cet avertissement assumé publiquement  est  révélateur du discrédit qui frappe le prédicateur égyptien, dont la réputation a sérieusement été entachée. Son audience dans le monde musulman ne semble plus  tenir qu'à l'immense tribune offerte par Al Jazeera, un espace d’expression  dont ses détracteurs affirment,  qu'il s’est bien gardé d’utiliser pour dénoncer la présence d'une base américaine au Qatar. 

De plus en plus de voix s'élèvent dans l'islam pour fustiger la compromission du cheikh  Al-Qaradâwî  avec la richissime dictature du Qatar. Considéré comme l’un des hommes religieux les plus riches au monde(1), pour la plupart des commentateurs, ce dernier est devenu un Oulama de cour, n'hésitant pas à apporter une caution religieuse à des expéditions guerrières menées contre des pays musulmans, comme ce fut le cas pour la  Libye.  En dépit de ce soutien de poids, le président Sarkozy ( grand ami de la monarchie du Qatar)  humiliera  publiquement  ce pays  et Al-Qaradâwî en refusant au cheikh, pourtant détenteur d'un passeport diplomatique,  l'accès au territoire français  pour venir assister  au 29ème Rassemblement Annuel des Musulmans de France du Bourget  du 6 au 9 Avril 2012. 

A l'instar du cheikh saoudien,  Ibn Baz, qui avait émis  une fatwa en 1990 permettant à  l'armée américaine de partir à l'assaut d'un pays musulman, en l’occurrence l'Irak, et ce depuis l'Arabie saoudite,  Al-Qaradâwî risque fort de rester dans l'histoire comme le Oulama qui aura usé de son autorité religieuse pour délivrer une caution jurisprudentielle  à une  intervention occidentale en Libye, contribuant ainsi à la  destruction d'un autre pays musulman. C'est le sens du message transmis par cet aréopage d’imams, mais dont l'initiative  a  été totalement passée sous silence par la chaîne Al Jazeera, où officie le cheikh Al-Qaradhâwî .

Les partisans du  cheikh Al-Qaradâwî ne manqueront de voir dans cette initiative  la main  d' officines  syrano-iraniennes en vue de disqualifier le prédicateur Qaradawi. Or, ce comité d'imams de Jérusalem brille par son indépendance, puisque sa déclaration s'adresse à tous les dirigeants arabes, le président Assad compris.

Soucieux de l'unité des musulmans et du règlement pacifique de la crise syrienne, dans un discours empreint d'une grande sagesse, l'imam  Salahuddin Ben Ibrahim a fixé le cadre de son intervention.  Il est clairement dans une démarche diplomatique visant à ménager les différents groupes qui s'affrontent dans ce pays, afin de les réunir autour d'une table de négociation.  A partir de 2'00', il précise l'objectif de cette conférence de presse: "Si nous sommes ici, c'est pour dire ce qui doit être dit devant Dieu, sans craindre quiconque. Si nous sommes ici, c'est pour nous détacher devant Dieu des fetwas qui ont été déversés (ndlr:  il fait notamment ici à la fetwa du cheikh  invitant à tuer le Président libyen Khadafi) et des intrigues et des tromperies qui ont rendu le sang enivrant et le haram autorisé.  Qu'Allah fasse miséricorde à tout opprimé et à tout blessé, et à tout naïf qui a rejoint par avidité et crédulité "

Il  interpelle ensuite  le chef d'Etat syrien Assad (à partir de 9'00), en lui rappelant que le peuple syrien est sous sa responsabilité:  "Ces jeunes sont tes jeunes, ces aînés sont tes aînés, et ces proches sont tes frères. Redoute Allah et traite-les avec bonté. Et sache qu'Allah est bienveillant et aime  la bonté … Et sache qu'Allah est au-dessus de toi, comme tu es au-dessus d'eux. Alors demande lui pour toi et ton peuple,  le bon jugement et l'issue favorable.  Quant aux nobles gens en Syrie, savants et peuple syrien, nous leur demandons au nom d'Allah, le Sécurisant, le Salut, de cesser l'effusion de sang
, de renoncer et de se tourner vers l'entente et la réconciliation, là est la satisfaction de leur Seigneur et la déchéance de leur ennemi. Voilà pour notre peuple et les musulmans."

Puis à partir de 27'20, l'imam Salahuddin Ben Ibrahim désigne sans détour les responsables du chaos dans certains pays arabes:  "J'ai dès le début parler avec franchise, et ouvertement. Il y a trois pieux, tous mauvais: un média menteur, un dignitaire menteur, et un clan menteur. Le clan menteur est une base militaire dans les pays musulmans, le média menteur est Al Jazeera, et le savant menteur (ndlr : il s’agit de Qaradâwi), vous le connaissez. Il a fait des petits qui mentent comme lui. Celui qui s'écarte de ces trois préserve son honneur et sa foi. Ai-je transmis le message ?Allah sois témoin."

(1) Voir le livre de Naoufel Brahimi El Mili, «  Le printemps arabe ; une manipulation ?

Appel des Imams de Jérusalem – Mise en garde contre Al-Qaradâwî

 

 

 

 

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