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Liberté, raison et justice : plongée dans l’existentialisme islamique

Dans cette troisième chronique, Faker Korchane aborde la question de la place de la raison en Islam, en se concentrant particulièrement sur le concept de justice et son lien avec la liberté, la responsabilité et la rationalité. Il s’appuie sur la pensée des Mu’tazila, une école théologique islamique connue pour son insistance sur l’unicité de Dieu (tawhid) et sur la justice divine. Faker Korchane est  professeur de philosophie, et  fondateur de l’Association pour la renaissance de l’islam mutazilite. Il est également l’auteur du livre Épitre aux musulmans perplexes. Réflexions pour un Islam rationnel paru aux éditions Atlande.

Compte rendu de la chronique  de Faker Korchane 

La justice et l’unicité de Dieu

Farker Korchane commence par rappeler que les Mu’tazila ont toujours défendu l’idée que Dieu est parfait et impeccable. Il est impossible de Lui attribuer des défauts ou des manques. Cette perfection divine implique que Dieu ne peut être à l’origine du mal. La justice divine est donc un reflet de Sa sagesse, et elle est intrinsèquement liée à la question de l’origine du mal. Si Dieu est juste, comment expliquer l’existence du mal dans le monde ? Pour les Mu’tazila, la réponse réside dans la liberté humaine.

La liberté humaine et la responsabilité

Selon la pensée mu’tazilite, Dieu a créé les êtres humains libres de leurs choix. Lorsqu’un individu commet un acte, il en est pleinement responsable, car il en est le créateur. Cette position s’oppose à celle de la théologie classique, qui soutient que c’est Dieu qui crée les actes. Les Mu’tazila rejettent cette idée, car elle impliquerait que Dieu serait responsable des actes mauvais, tels que les viols, les vols ou les humiliations, ce qui est incompatible avec Sa perfection. Ainsi, le mal ne vient pas de Dieu, mais de la liberté humaine. Cette liberté n’est pas en elle-même mauvaise, mais elle implique nécessairement l’existence du bien et du mal pour que les choix aient un sens.

Faker Korchane insiste sur le concept de taklif, qui désigne la responsabilisation de l’être humain. Dieu, en tant qu’être juste, a donné aux humains la liberté d’agir selon leur volonté, mais ils devront rendre des comptes de leurs actions. Cette liberté, bien que fondamentale, engendre une angoisse existentielle : celle de la responsabilité. Les humains sont confrontés à la peur de mal agir, mais cette peur est normale et fait partie de la condition humaine.

La raison et la liberté

Pour Faker  Korchane, la liberté ne peut être comprise sans la raison, et inversement. Si les humains sont libres mais dépourvus de rationalité, leurs actions n’ont aucun sens. De même, si les humains possèdent la raison mais pas la liberté, leur compréhension du monde est vaine, car ils ne peuvent pas agir sur lui. La raison et la liberté sont donc indissociables. Cette idée est en accord avec l’enseignement coranique, qui affirme que Dieu n’a pas créé le monde par jeu, mais avec un sens et une logique.

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Faker Korchane cite un verset du Coran (sourate 41, verset 46) pour illustrer cette idée : “Quiconque fait une bonne œuvre, c’est pour soi-même ; et quiconque fait le mal, c’est contre soi-même. Ton Seigneur n’est pas injuste envers Ses serviteurs.” Ce verset souligne la responsabilité individuelle et la justice divine. Chaque action a des conséquences, et Dieu ne commet aucune injustice envers Ses créatures.

L’angoisse de la liberté et le soutien divin

La liberté, bien qu’essentielle, peut être source d’angoisse. Les humains, conscients de leur responsabilité, craignent de mal agir. Cependant, Faker  Korchane rappelle que cette angoisse est atténuée par deux éléments fondamentaux : la raison et la révélation. La raison, en tant que don de Dieu, permet aux humains de comprendre le monde et de faire des choix éclairés. La révélation, quant à elle, guide les croyants dans leur démarche spirituelle. Ainsi, même si la liberté peut être angoissante, les croyants peuvent agir de manière apaisée, soutenus par la raison et la révélation.

La fitra, la nature primordiale

Faker Korchane introduit ensuite le concept de fitra, la nature primordiale que Dieu a insufflée en chaque être humain. Cette nature est une trace de la création divine et se manifeste par des sentiments tels que l’empathie. Par exemple, lorsqu’on voit un enfant souffrir, la révolte que l’on ressent vient de cette fitra. Elle fait écho à la raison et permet de valider les actions justes et bonnes. La plénitude de l’être humain est atteinte lorsque la démarche rationnelle, la fitra et l’enseignement coranique sont en harmonie. Cette harmonie est une manifestation de la justice divine dans l’action humaine.

 La raison et la mansuétude

Pour conclure, Faker  Korchane cite un vers de l’imam Ali : “La mansuétude est une couverture enveloppante, et la raison est une épée tranchante. Recouvre tes défauts avec ta mansuétude, et tranche tes pulsions avec ta raison.” Ce vers met en lumière l’importance de la raison et de la modération dans le comportement humain. La raison permet de maîtriser ses pulsions, tandis que la mansuétude permet de se montrer indulgent envers soi-même et les autres. Ce cadre de réflexion souligne le lien entre la raison, la liberté et la justice, et montre comment ces concepts s’articulent dans la pensée islamique.

En résumé, Faker Korchane propose une réflexion profonde sur la place de la raison et de la justice en Islam, en s’appuyant sur la pensée mu’tazilite. Il met en avant l’importance de la liberté humaine, de la responsabilité individuelle et de l’harmonie entre la raison, la fitra et la révélation. Cette intervention offre une perspective existentialiste islamique, où l’être humain, bien que confronté à l’angoisse de la liberté, est soutenu par la raison et la guidance divine pour agir de manière juste et apaisée.

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