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Lettre ouverte à Bertrand Delanoë

Tout le monde peut comprendre le souhait du Conseil municipal de Paris de rendre hommage à David Ben Gourion en donnant son nom à une esplanade de la capitale. Il fut le père fondateur de l’Etat d’Israël ainsi que son Premier ministre durant plusieurs années. Enfin, il a été l’artisan d’une collaboration étroite entre Israël et la France, en particulier lors de la Crise de Suez et la tentative de renversement du Président Egyptien Gamal Abdul Nasser en 1956, ou encore en contribuant à l’amélioration des liens militaires et stratégiques entre les deux pays après 1967.

Chacun peut ainsi comprendre que les soutiens à Israël au sein de la Communauté juive mais aussi au-delà, accueillent favorablement cette initiative d’une esplanade Ben Gourion.

Je vous écris néanmoins aujourd’hui pour vous rappeler l’autre visage du personnage dont je viens de faire la biographie.

Pour moi, lorsque je pense à lui, voilà les souvenirs qui l’emportent dans mon esprit. David Ben Gourion fut l’architecte ainsi que le cerveau du nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. C’est à partir de cette opération d’expulsion que naquit le problème des Palestiniens tel que nous le connaissons toujours aujourd’hui et qui divisa Juifs et Arabes par un conflit sanglant et sans fin qui s’étendit dans tout le Moyen-Orient.

Certes, il ne fut pas le seul mais il reste la figure emblématique de l’expulsion systématique de près d’un million de Palestiniens de leurs maisons, leurs terres, leur patrie. Il a également ordonné la démolition de centaines de leurs villages et de dizaines de leurs villes et a personnellement ordonné leur transformation en colonies juives. Il a également imposé une loi martiale cruelle et sans pitié dirigée contre la minorité palestinienne restée en Israël, qui incluait l’expropriation de leurs terres, l’exil de beaucoup d’entre eux ainsi que le massacre de Kafar Qassim qui eut lieu en novembre 1956 où des dizaines de Palestiniens innocents furent tués par la police israélienne des frontières.

Si l’on tient compte de la situation actuelle d’Israël et de l’aspect criminel de sa politique, semblable à l’apartheid qui était imposé par la communauté blanche en Afrique du sud, il nous apparaît difficile de donner un sens à cette commémoration ainsi qu’à celui qui est honoré. Les crimes commis et la nakbah palestinienne sont toujours de nos jours niés par les autorités israéliennes. Aussi, en donnant le nom de Ben Gourion à une avenue parisienne, ce sera une manière d’accepter et de légaliser ce déni. Cela sera sans aucun doute perçu par la plupart des Parisiens comme une offense.

Je m’adresse à vous en tant que militant et historien de la Nakbah, né en Israël et enseignant aujourd’hui au Royaume-Uni, pour vous demander de revenir sur votre décision et de l’abandonner tant que les deux peuples israéliens et palestiniens ne seront pas arrivés à panser les blessures du passé et à se réconcilier. Tout autre décision ne ferait que contribuer à favoriser la poursuite du conflit tout en semant le doute sur les intentions sincères et pacifiques de la politique française en faveur de la paix.

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Bien sincèrement

Professor Ilan Pappe

Directeur du centre européen des études palestiniennes

Institut des études arabes et islamiques

Université d’Exeter

Royaume-Unis

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