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Les tribulations d’un journaliste blessé par un tireur israélien

Il faut sauver le soldat Bourget 

Le 21 octobre 2000, armé d’un fusil d’assaut M-16, un tireur israélien répond aux ordres de sa hiérarchie, loge une balle à haute vitesse dans la poitrine d’un journaliste français alors en reportage à Ramallah, en Palestine occupée. Jacques-Marie Bourget, à cet instant envoyé spécial de Paris-Match, échappe par miracle à la mort. Le projectile est passé près du cœur avant de s’écraser dans l’omoplate. Cohérents dans leur choix, celui de détruire cette « homme-cible », les autorités israéliennes refusent de relever le blessé, de le soigner. Ce sont les sauveteurs et chirurgiens palestiniens qui opèrent et gardent le journaliste à la vie.

Après quarante-huit heures passées à l’hôpital du Croissant rouge, l’évacuation du reporter vers Paris par avion spécial est refusée par Israël. Et c’est le président Jacques Chirac qui se met en colère et exige la liberté pour l’envoyé spécial blessé. Aujourd’hui, après toutes ces années où les mois de soins et les nouvelles opérations se sont additionnés, notre confrère reste victime d’un handicap évalué à 42%.

Le reporter a déposé une plainte contre X pour « tentative d’assassinat » devant le TGI de Paris. Après une longue paresse, la justice envoyait une Commission rogatoire internationale (CRI) en Israël et sollicitait l’application du traité bilatéral d’assistance judiciaire signé en 1959. Puis le silence a recouvert le dossier. Plus de trois années plus tard, le gouvernement de Tel-Aviv répond enfin. Une réplique très curieuse et contradictoire. « L’armée israélienne a fait une enquête sur le cas Bourget ». « Mais elle est frappée du secret ». Pis « elle a été perdue ». Pour conclure les autorités israéliennes précisent : « de toutes façons le journaliste a été atteint par un tir palestinien »… Voilà pour la coopération et la cohérence.

Abandonné par l’ensemble des pouvoirs publics français et tous autres, syndicats ou ONG du type Reporters Sans Frontières, notre confrère n’a d’autre choix que de se retourner devant la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI). Laquelle est accouplée à un Fonds de Garantie (FGTI) qui doit, le cas échéant, indemniser les victimes.

Dans un premier temps – écoutez bien ! – le TGI de Paris déclare que Jacques-Marie Bourget n’est pas une victime puisque son statut est celui d’un soldat… Et les magistrats ajoutent que « se prononcer sur l’origine de la blessure du journaliste serait s’immiscer dans la politique d’un état étranger et démocratique ». Autrement dit, si un agent israélien a tiré sur le reporter français, c’est qu’il avait de bonnes raisons ! Fermez le ban.

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En appel les juges du TGI lisent les faits et le droit tout autrement. William Bourdon – l’avocat du reporter – glisse la Convention de Genève et celle d’Athènes sous le nez de la cour : un journaliste en zone de conflit reste un civil qu’il faut protéger, ou pour le moins épargner. Que d’efforts pour atteindre le pic du bon sens. L’envoyé de Paris-Match, (abandonné par sa rédaction), est donc une victime qu’il faut indemniser. Patatras, cette décision – qui par sa jurisprudence est une très bonne nouvelle pour tous les « reporters de guerre » – est frappée d’un recours devant la Cour de cassation !

Résumons. Un journaliste français est tiré comme un gibier par un soldat israélien. Personne ne bouge pour demander des comptes à Tel-Aviv, ni pour soutenir le rescapé. Puis, quinze années après le drame, un tribunal reconnait enfin que l’homme de plume est une « victime ». Très bien ! Et là, subitement un Fonds de Garantie, placé sous l’autorité du gouvernement français, conteste cette qualité, à la fois à Jacques-Marie Bourget et, au-delà, à tous les confrères tués ou blessés en « zone de conflit ». On atteint les sommets de l’indicible !

Voilà une histoire bien exemplaire à l’heure même où, selon la doxa, les journalistes doivent être protégé par l’increvable parapluie de « Je suis Charlie ». Finalement, quelle drôle d’idée pour notre confrère de s’être fait blesser par un tireur ami de la France et de la démocratie ?

Etienne Pellot

Texte publié dans Proche et Moyen-Orient.ch

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