Et voilà comment nous autres, nés étrangers par hasard, devenus Français par naturalisation ou immigrés résidant en France de façon régulière, sommes rappelés à notre véritable condition : celle de concitoyens ou de voisins tolérés, là où ne devrait subsister qu’un sentiment d’appartenance nationale fort.
Mais comment pouvoir faire preuve de placidité devant l’infâme, par le détour d’un hymne insidieux à la croissance économique ou d’une fermeté républicaine face aux infractions à la loi censée régir le séjour des étrangers en France ?
D’abord les faits :
Nicolas Sarkozy, nouveau président de la République française a fait de la lutte contre l’immigration son cheval de bataille durant les 5 années de sa magistrature et fixé à son ministre de l’immigration et ami d’enfance Brice Hortefeux, l’objectif du rapatriement de 25 000 immigrés d’ici la fin de l’année 2007. A ce jour, près de 24 000 personnes ont été refoulées du territoire français dans les pires conditions et au moins pareil traitement inhumain et indigne perpétré par la muflerie européocentrique attend les prochains candidats éligibles au statut d’indésirables sur le sol français.
Pour satisfaire son fidèle compagnon, Brice Hortefeux a proposé une loi instaurant des tests ADN pour les futurs aspirants à l’immigration en France, fortement influencé par l’ambition d’un thuriféraire insipide en la personne de Thierry Mariani, député UMP et aspirant ministre.
Le vote a eu lieu aux premières heures de la journée, à 4h20 précisément, ce jeudi 20 septembre 2007, et en présence de 23 députés. Approuvé par l’UMP et le Nouveau Centre, rejeté par le PS, le PCF et les Verts, le projet de loi sur l’immigration a été adopté ce jeudi par l’Assemblée nationale. Examiné en urgence (une seule lecture par assemblée), le texte doit à présent être présenté au Sénat. Le PS a déjà annoncé qu’il en saisira le Conseil constitutionnel.
L’amendement controversé de l’UMP Thierry Mariani a été voté dans une version rectifiée par le gouvernement afin de mieux en encadrer la mise en œuvre. Les tests ont ainsi été autorisés, à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2010, pour les étrangers candidats au regroupement familial voulant apporter une preuve de leur filiation. L’examen génétique, facultatif et fait après consentement exprès du demandeur, lui sera remboursé si le visa est accordé. En outre une commission sera mise en place pour évaluer “annuellement les conditions de mise en œuvre” du dispositif.
Et moi je demande : de qui se moque-t-on ? Loin de s’enflammer, les laudateurs de satrapes ratiocinent, pondèrent, modèrent, allant jusqu’à la relativisation putative de cette monomanie Sarkozienne !
D’ailleurs, Thierry Mariani, ancien rapporteur des deux lois Sarkozy sur l’immigration, est, lui, plus incisif et plus concis : « Onze états européens dont l’Allemagne et l’Italie les pratiquent déjà, explique-t-il. Dans certains pays africains, les états civils sont peu fiables et souvent trafiqués. Du coup, les délais de traitements des demandes de regroupement sont très longs. Les personnes qui se soumettront aux analyses ADN verront leur dossier étudié plus rapidement… »
Pareille argumentation laisse peu de place au doute quant à la finalité et aux motivations des fameux tests ADN ainsi que sur ses cibles prioritaires : les AFRICAINS !!!
Ensuite l’analyse :
En effet, Nicolas Sarkozy l’a dit et redit ; La France mettra en place des quotas d’immigration en fonction des besoins en main d’œuvre du pays d’accueil. Ceci s’appelle de la cécité politique. Car de quels secteurs parlons-nous ? Du bâtiment, de l’hôtellerie (entendez plonge dans les restaurants), de la construction, le commerce, voire de l’auxiliariat de vie comme seule alternative afin de prétendre rentrer et s’installer durablement dans le pays d’accueil qu’est la France ! En d’autres termes, il s’agit de substituer à une immigration subie, une immigration choisie. Cette obsession protectionniste n’est pas une nouveauté et c’est un effet de tribune, un placebo, un artefact de solution à un problème plus substantiel. Cela ne vous rappelle rien ?
Une légère récurrence historique nous ramène aux années d’entre-deux-guerres et d’après-guerre durant lesquelles il fut nécessaire de faire rentrer en France des immigrés en masse et qui engendrèrent la création par le patronat de la SGI (société générale d’immigration) en 1924, devenue l’ONI (Office National d’immigration) en 1945 et depuis 1988, l’OMI (Office des Migrations Internationales)[1]. Durant des décennies, notamment la période des trente glorieuses qui s’étala de 1945 jusqu’à la première crise pétrolière en 1973, l’immigration ne causa aucun problème à la population française jusqu’à ce qu’on se rendît compte de la fuite massive de capitaux français en direction des pays d’origine des immigrés. Il fut alors décidé de passer à une immigration de regroupement, ce que l’on qualifia de regroupement familial dès 1974.
Ainsi fut prise la décision de stopper l’immigration et d’autoriser les familles installées à faire venir leurs proches restés au pays. On décida même d’encourager certains immigrés à repartir, puisqu’ils commençaient à peser néfastement sur l’économie française après en avoir été les artisans de l’essor.
Comment cela se manifesta-t-il ? Par le fameux « million » (soit 10 000 FF de l’époque) de Stoleru en 1977, sous l’impulsion de Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République. L’aide au retour se concrétisa par un grand « flop » car plusieurs immigrés perçurent leur million et revinrent par des voies détournées sur le sol français.
Cette politique du regroupement familial n’a eu de cesse de hanter les politiques français réfractaires à une entrée sur le territoire de nouvelles vagues migratoires. Mais plutôt que de se limiter à une gestion politique réaliste et responsable, c’est-à-dire à un accord bilatéral avec les principaux pays pourvoyeurs d’immigrés en substance en France, le pays entend désormais se doter d’une arme redoutable : les tests ADN !!! Et là, je m’interroge :
Comment une telle ignominie politique doublée d’une aberration grotesque sont-elle possibles dans un pays qui se targue du respect des valeurs humaines ? De la dignité des personnes ??? Comment peut-on laisser passer une loi aussi immorale pour les personnes alors même que l’on prétend donner des leçons de démocratie et de tolérance au reste du monde ? Aujourd’hui, tout Français devrait avoir honte de ce que le parlement, à la solde de l’hyperprésident Nicolas Sarkozy s’apprête à mettre en œuvre. Car au final, quelle est la cible de Nicolas Sarkozy et de ses sbires à travers cette loi ? Ne nous leurrons pas un instant, ce sont LES AFRICAINS !!!
Parlons de ce peuplement qui regroupe pour l’essentiel des ressortissants d’anciennes colonies françaises. Cette appellation générique regroupe à la fois les subsahariens soit environ 570 000 personnes selon les chiffres de l’INSEE de 2004, et les Maghrébins : Algériens, Marocains, Tunisiens, environ 1,5M.
D’après les mêmes statistiques, les immigrés, (c’est-à-dire les personnes nées à l’étranger de parents étrangers)[2], résidant en France représentent environ 5 000 000 de personnes sur une population française totale d’environ 60M de personnes.
Les Africains constituent moins de 1% de la population totale en France, nonobstant le chiffre de 45% d’augmentation entre 1999 et 2004, argué avec rouerie par des inductions approximatives. Les Maghrébins représentent 1,5M soit 31% de la population immigrée et 2,4% de la population française, les Asiatiques etc.…sont environ 830 000 et le reste des immigrés, soit plus d’un tiers de l’immigration française provient de ressortissants d’autres pays d’Europe soit 35% des immigrés et 2,7% de la population française, situation qui ne risque pas de s’améliorer avec l’élargissement de l’Europe à 27 pays au sein desquels la libre circulation est en vigueur depuis le 1er janvier 2007.
Je le réitère : de qui se moque-t-on ? Pense-t-on un instant que les tests ADN concernent les européens ? Il n’en est nullement question. Les Asiatiques sont-ils concernés ? Ils utilisent en général des réseaux clandestins connus des services de police. Les deux catégories de populations concernées sont les maghrébins et les Africains subsahariens, c’est-à-dire noirs, dont je rappelle qu’ils sont à peine 1% de l’ensemble de la population, nonobstant l’acquisition de la nationalité française par nombre substantiel d’entre eux.
Dans quel cadre est-on autorisé à pratiquer les tests ADN ? En France, la loi jusqu’à présent était claire sur le sujet. Seules des affaires judiciaires et plus particulièrement celles relevant de crimes ou de tests de paternité justifiaient la mise en place de procédures conduisant à des tests ADN. Qu’a dit le comité d’éthique, autorité administrative indépendante sur cette question ? Rien d’assez audible pour que je l’eusse entendu !
Et la CNIL qui n’autorise pareils tests que dans le cas de rapports scientifiques ? Silence mortifère. Alors, interrogeons les politiques : qu’est ce qu’une gestion génétique de l’immigration comporte de scientifique ? En déduirait-on qu’une présomption de criminogénie pèse chez les Africains ? De telles pratiques ne vous rappellent rien ? Eh bien, cette époque n’est pas si loin que cela de la nôtre !!!
Aux USA, notamment au Texas où vivent les cowboys, le bétail est tatoué pour marquer son appartenance à un troupeau, lui-même propriété d’un maître. Mais des souvenirs peu glorieux et quelque peu effacés des mémoires occidentales écartent la fleur de lys que l’on tatouait sur les esclaves en captivité comme moyen de contrôle et signe d’aliénation, d’appartenance totale à un potentat. Potentat qui en l’espèce possédait à la fois la Potentia (le potentiel) et la Potestas (l’autorité) notamment sous l’empire romain.
Nicolas Sarkozy qui, rappelons-le, n’a eu de cesse durant sa campagne d’exorciser les vieux démons de, profite du progrès technologique pour imprimer sa marque indélébile sur des populations déjà accusées injustement de piller l’économie nationale. Car s’il y a nécessité de lutter contre l’immigration clandestine dans un pays dont la dette par habitant atteint les 18 000€, notamment par des rapatriements pour les malchanceux pris dans les filets, il y a tout autant intérêt à installer des protections d’une autre nature que celles envisagées pour plusieurs raisons :
En premier lieu, il y a manipulation de la population par les autorités françaises. Les officiels nous parlent du chiffre des clandestins en France en se focalisant sur des chiffres bruts, alors que le plus instructif est dans le solde migratoire c’est-à-dire la différence entre les entrants et les sortants. Mais, plus encore, sur les chiffres, il y a induction malsaine. Disséquons ce qu’ils ont de pernicieux.
D’abord, ces clandestins ne sont pas forcément passés par les représentations diplomatiques de la France à l’étranger. Il serait donc plus intéressant de savoir le pourcentage de ces clandestins qui transitent par d’autres pays et de le comparer à celui des entrants par voie officielle qui pérennisent leur séjour en France au-delà du délai autorisé ou d’autres dont le séjour serait inféodé à une quelconque filiation. L’on relèverait immédiatement l’illégitimité de ces tes ADN qui ne seraient justifiés, nous dit-on, que par la recherche de preuve d’un lien de filiation avec des résidants ou ressortissants locaux.
Ensuite, ces chiffres ne donnent aucune indication sur les réelles qualifications de ces immigrés dont on se plait à dire qu’ils relèvent du regroupement familial. N’y retrouve-t-on pas des français à part entière ? N’y retrouve-t-on pas des descendants d’immigrés ayant fait de bonnes études quand bien même souvent beaucoup demeurent au chômage ?
Par ailleurs, la polygamie étant interdite depuis 1993 en France, peut-on laisser à croire que les familles ciblées constituent l’essentiel de l’immigration subsaharienne en France ? J’en doute fort, les chiffres les plus récents parlant d’environ 10 000 familles polygames en France, souvent originaires de l’Afrique de l’Ouest.
Ce serait donc une insulte de considérer que l’éradication de ces pratiques dans des familles marginales pourrait d’une part empêcher le phénomène de se perpétuer dans leurs pays d’origines où les textes de loi diffèrent de ceux de la France, certains accentuant même le phénomène par des pratiques culturelles héritées du passé. Si la France a légitimement le droit de l’interdire sur son sol, elle n’a aucun pouvoir d’injonction sur ces Nations souveraines.
En conclusion :
Peut-on pour autant dénier le droit à un Etat d’extirper de son territoire la gangrène que, de son point de vue constituent des personnes en infraction aux règles d’entrée et de séjour en France qui relèvent de l’ordonnance du 02 novembre 1945 ? Texte qui depuis (et je le précise), n’a cessé d’être amendé au profit d’une gestion politique xénophobe qui n’accepterait sur le sol français que des personnes utiles de son angle d’analyse ? Bien sûr que non ! Mais de là à faire du primitivisme à l’heure d’Internet, il y a un gap illogique que la rationalité positive ne peut tolérer.
Que porte donc en corollaire ce marquage à l’ADN, si ce n’est l’avilissement encore prononcé, la désignation peu nuancée, la catégorisation fétide d’une population simplement plus visible parce que mélanoderme, immigrants économiques pour beaucoup (n’en déplaise aux politiques français pour qui ladite acception se confond aisément avec l’utilitarisme) et faisant déjà l’objet d’une discrimination contre laquelle le gouvernement prétend lutter ?
Pendant ce temps, la France frileuse et léthargique accepte, se résigne, dénonce sans condamner, alors même que ces spadassins vampires exaltent l’épiphanie Sarkozienne, ergotent, esquissent des patenôtres, verbalisent, et entrelardent leurs enthousiasmes d’urbanités criminogènes ; Silence on tue, mais Chutttt ! Vous n’avez rien vu, passez votre chemin, ce n’est pas si grave !!! Ah ! Qu’elle est belle la France quand elle se drape d’oripeaux infâmes d’une hypocrisie étouffante !
Alors, en citoyen responsable, en Africain de naissance, ma conscience flétrie par ce long passé historique fait de pâles ratiocinations, de discours assertoriques, de cultes eugéniques s’insurge une fois de plus face à ce bafouement de la dignité humaine de populations d’où qu’elles fussent et je m’érige en conscience. Je consens à dire que la loi Hortefeux est la plus vile qu’une nation dite des droits de l’homme eût pu voter, exception faite du code noir durant les temps modernes.
L’adoption par le parlement de ce déni d’humanité et l’embarras même qu’il suscite au sein de la majorité témoigne d’une couardise doublée d’un vent de cour guidé par la pusillanimité qui se confondent avec le transfert en 1940 des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain dont bien des chroniqueurs évitent de mentionner les similitudes.
Henri Georges Minyem, écrivain, enseignant-Chercheur en sciences politiques EHESS-PARIS
[1] En 1988, l’Office national d’immigration devient l’Office des migrations internationales (en 2005 ses attributions sont reprises par l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).
[2] Aujourd’hui, le Haut Conseil à l’intégration définit un immigré comme une personne née étrangère à l’étranger et entrée en France en cette qualité en vue de s’établir sur le territoire français de façon durable. Un immigré peut donc être français s’il a acquis la nationalité française après son entrée en France par naturalisation, par mariage ou par filiation ; inversement, un étranger né en France ne sera pas considéré comme immigré.
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