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Les ruines de l’aéroport de Gaza, vestige d’une triste histoire

Le premier bâtiment, surmonté d’un dôme doré, est destiné aux voyageurs VIP ; le deuxième bâtiment est une salle d’embarquement et de débarquement, tandis que le troisième accueille la direction de Palestinian Airlines. Derrière ces structures se situe une longue piste. L’aéroport dispose également d’une grande porte principale ainsi que d’une porte secondaire.Lorsqu’on les observe de loin, ces bâtiments semblent opérationnels ; il suffit toutefois de se rapprocher pour s’apercevoir de l’ampleur des destructions. Il n’y a ni passagers ni avions. Les bâtiments ont été bombardés et vidés, si bien qu’il n’en reste que la structure extérieure. Même les pierres qui composaient le tarmac ont été volées, alors que la piste est devenue un lieu de pâturage hivernal pour les moutons des nomades des environs. À côté de celle-ci gît un cheval sans vie.

Voilà ce que l’aéroport est devenu depuis qu’Israël et ses bulldozers en ont rasé une grande partie des structures, le 4 décembre 2001. Huit jours plus tard, l’aviation israélienne a bombardé la tour radar. Le 15 décembre, une nouvelle attaque a entraîné la destruction complète de la piste. Le 26 juin 2006, l’armée israélienne s’est mise à occuper les installations de l’aéroport et à les utiliser comme une base militaire.

L’aéroport international de Gaza est devenu un espace de désolation où se dressent trois bâtiments vides, Israël en ayant rasé une grande partie des structures – Sud de la bande de Gaza, 22 janv. 2014- Photo : Abdullah Shurrab

 

L’aéroport a été ouvert en 1998 par l’ancien président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat ; le projet a bénéficié d’un appui financier de l’Espagne, de l’Allemagne ainsi que d’autres pays. Des architectes marocains se sont chargés de décorer et de concevoir le site. Les ruines du hall VIP, surmonté d’un dôme doré et aux murs recouverts de mosaïques, constituent le seul vestige de l’architecture unique de l’aéroport. Une partie des locaux de l’aéroport a été transformée en décharge. Nasma Sawarka, une bergère de 15 ans, nous a indiqué sa maison, avant de raconter : « J’ai grandi en voyant l’aéroport à côté de notre maison. Mais je ne me souviens que des sons horribles des bombardements. Il m’arrive parfois de regarder des photos de mon père, qui y travaillait. »

Sa sœur Isra, 18 ans, est sortie de la maison comme nous nous en approchions. « Je me souviens de l’aéroport, des avions qui décollaient et atterrissaient, a-t-elle expliqué à Al-Monitor. C’étaient des jours heureux. Mon père et mes oncles y ont travaillé jusqu’au bombardement. Ensuite, notre aéroport voisin est devenu une malédiction plutôt qu’une bénédiction. Après le bombardement, nous avons vu des gens piller l’aéroport pour récupérer des matériaux de construction. »

Leur grand-père Salam Sawarka, 70 ans, a des souvenirs plus précis concernant l’aéroport : « Si seulement nous pouvions revenir à ces jours-là ! C’étaient les plus beaux jours de ma vie. Cette petite entrée près de notre maison était réservée à l’usage du Président Arafat. Je l’ai vu plusieurs fois, et j’ai aussi vu son avion. »

L’Aéroport international de Gaza était le premier dans la liste des aéroports espérés dans les territoires palestiniens ; aujourd’hui, néanmoins, seuls les aéroports israéliens et les passages frontaliers terrestres permettent de sortir du territoire. Les Palestiniens font des allers-retours vers les aéroports de Jordanie et d’Égypte.

Selon Khalil Shehin, expert juridique à la tête de l’Unité des droits économiques et sociaux et au Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR), la destruction de l’aéroport a empêché des millions de Palestiniens de voyager et de retrouver leurs proches. Ils font maintenant face à des coûts élevés, à des situations d’épuisement et d’humiliation dans les aéroports, en plus de devoir traverser d’autres pays.

    

« Maintenant, nous n’avons pas d’aéroport, même si nous avons un passeport reconnu, a-t-il expliqué à Al-Monitor. Quand il y avait un aéroport à Gaza, il était relativement facile de voyager. Aujourd’hui, tout citoyen qui veut voyager [en avion] doit quitter Gaza quelques jours avant son départ, afin d’être sûr d’arriver à l’aéroport à temps. Les voyageurs doivent alors passer la nuit dans les halls d’aéroport. »

Le porte-parole du gouvernement de Gaza, Ihab Ghussein a déclaré à Al-Monitor que le peuple palestinien a le droit de disposer d’un aéroport sur son territoire, mais que l’occupation israélienne les a privés de ce droit en détruisant l’aéroport, en prenant le contrôle de l’espace aérien palestinien et en mettant en place un blocus aérien, terrestre et maritime sur la bande de Gaza. « Le siège qui est actuellement en place rend impossible la restauration de l’aéroport, » a-t-il ajouté.

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Al-Monitor a rencontré Oussama Shahaibir, contrôleur des ventes pour Palestinian Airlines, dans son petit bureau. Ces bureaux sont tout ce qu’il reste à Palestinian Airlines depuis la fermeture de son siège à Gaza.

« L’aéroport était très important pour les Palestiniens. Grâce à lui, ils ne devaient pas lutter pour traverser les passages et utiliser les aéroports des autres pays. L’aéroport était un symbole de la souveraineté de l’État palestinien après la signature de l’Accord d’Oslo », a expliqué Shahaibir, précisant que près de 1 000 employés ont un jour travaillé pour Palestinian Airlines en tant qu’agents de bord, employés administratifs, pilotes ou encore mécaniciens de bord, entre autres. Tous ces employés servaient les passagers au départ de l’aéroport au quotidien, chi
ffrés à plus de 250 par jour.

« La compagnie aérienne disposait de trois avions : deux Fokker 50 et un Boeing 727 offert par l’homme d’affaires saoudien Walid Bin Talal. Cependant, ces avions ont rapidement cessé leurs vols », a commenté Shahaibir, précisant que le premier vol partant de l’aéroport était à destination d’Amman ; l’aéroport a ensuite desservi Djeddah, Dubaï, Le Caire, Doha, Larnaca, Chypre et Istanbul. Le Boeing 727 était réservé pour les longs trajets.

D’après Shahaibir, il existait un plan de développement pour l’aéroport, bien que l’occupation israélienne n’ait pas laissé à la compagnie aérienne beaucoup de temps pour le mettre en œuvre. « Les pertes causées par la destruction de l’aéroport se chiffrent en dizaines de millions de dollars, a-t-il expliqué. Il ne restait que deux avions, basés à al-Arish [en Egypte]. Tous deux étaient utilisés pour les vols courts et leur équipage se composait au maximum de six membres. Toutefois, ces avions ont cessé leur activité depuis juillet dernier. »

Oussama Shahaibir a montré à Al-Monitor un exemplaire du magazine de bord de Palestinian Airlines, dont seuls trois numéros ont été publiés. Dans le numéro de mai 2000, Fayez Zeidan, directeur général de l’aviation civile, avait annoncé son intention de commencer à desservir Athènes, Rome et Francfort.

Al-Monitor s’est procuré un exemplaire du magazine, dans lequel était relaté le lancement de la première ligne reliant la Palestine et la Russie. Un avion russe transportant 125 passagers avait en premier atterri à l’aéroport international de Gaza. Un autre article portait sur la signature d’un accord avec la Commission européenne dans le but de financer la construction d’un service de fret aérien dans l’aéroport. Un projet qui n’a pas non plus été mis en place.      

Si ces plans et ces projets de vols avaient vu le jour, les Palestiniens auraient pu échapper à de longues années de souffrance aux portes du passage de Rafah.

Khalil Shehin a souligné que la destruction de l’aéroport a entraîné l’annulation de milliers de vols. Ce problème a également touché les Gazaouis étudiant à l’étranger qui souhaitaient vendre visite à leurs proches, ainsi que les voyageurs venant pour le tourisme ou pour assister à des conférences. Par conséquent, entrer dans la bande de Gaza et en sortir est devenu une tâche loin d’être gagnée d’avance.

Pour Shehin, « il s’agit d’une violation du droit à la liberté de mouvement et de circulation ». Il a également fait remarquer que le droit dont ils jouissaient auparavant était « garanti par des conventions internationales telles que la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. »

Non loin de ce qu’il reste de l’aéroport de Gaza, le sentiment d’être pris au piège devient palpable dans ces bus rassemblés au passage de Rafah par les pèlerins, obligés d’attendre des heures pour traverser la frontière et entamer un voyage de 8 heures vers Le Caire, dans l’espoir de s’envoler pour l’Arabie Saoudite. Rien ne garantit qu’ils parviennent à franchir la première étape que constituent les portes de Rafah.

Photos de l’aéroport de Gaza prises par Abdullah Shurrab – Bande de Gaza, 22 janvier 2014

28 janvier 2014 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori…
Traduction : Info-Palestine.eu – Valentin C.

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