Ils se disent islamophobes et en sont fiers. Qui sont-ils en réalité ? Oumma a assisté aux « Assises internationales sur l’islamisation » qui se sont récemment tenues à Paris. Rencontre avec les organisateurs et les sympathisants de ce courant radical de plus en plus influent dans l’opinion publique.
L’islam est une menace : c’est désormais le ressenti admis par près d’un Français sur deux, selon un sondage dévoilé par Le Monde. Au-delà du questionnement nécessaire quant aux responsabilités -de part et d’autre- d’une telle perception négative, l’identification des protagonistes instrumentalisant ce sentiment est d’ores et déjà possible. Oumma publiera prochainement une longue enquête multimédia (écrit, audio et vidéo) retraçant l’émergence et les manifestations de la galaxie islamophobe en France. Les « Assises internationales sur l’islamisation » qui se sont tenues le 18 décembre à Paris ne constituent que la pointe de l’iceberg : derrière ce rassemblement, nous reviendrons, en parallèle à sa description, sur les connexions de ce mouvement hétéroclite avec la droite parlementaire, la gauche féministe, l’extrême-droite ultra-sioniste mais aussi, plus surprenant, avec des think-tanks américains et l’Elysée. En outre, nous aborderons la manière dont des journalistes, partageant discrètement les mêmes convictions, ont préparé, par leurs interventions audiovisuelles et leurs essais, le terrain idéologique sur lequel ce mouvement s’est appuyé. Enfin, et surtout, nous relaterons comment ces propagandistes d’une islamophobie revendiquée se positionnent stratégiquement, en vue de l’élection présidentielle, à travers le prochain congrès du Front national et leur soutien tactique envers Marine Le Pen.
En guise d’illustration du reportage bientôt mis en ligne par Oumma, voici déjà un extrait vidéo, réalisé à la fin de la journée des Assises : il s’agit de ma rencontre avec Christine Tasin, membre de Riposte Laïque et co-organisatrice du rassemblement. La courtoisie dont ont fait preuve les responsables de cet évènement, envers les médias en général et Oumma en particulier, n’a pas éclipsé pour autant, ici ou là, quelques tensions durant nos échanges avec les intéressés. Après huit heures de discours focalisé sur l’islam, et le « redoutable danger » qu’il constituerait, les esprits étaient particulièrement échauffés, comme le révèle cette séquence vidéo. Si Christine Tasin a bien voulu répondre aimablement à mes questions, elle n’a pas manqué, à la fin de notre bref entretien, de s’adresser à moi comme si j’étais le porte-parole du Conseil français du culte musulman, avec des expressions récurrentes comme « si vous, dans l’islam, vous changiez ceci ou cela… ». Le plus révélateur de l’ambiance délétère sera finalement cet attroupement inattendu d’authentiques supporters, applaudissant à la fin de l’interview. L’un d’entre eux, particulièrement véhément à mon encontre, viendra d’ailleurs s’excuser après le tournage de la séquence. Alors qu’il a voulu s’enquérir du média pour lequel je réalisais mon reportage-confondant d’ailleurs Oumma et L’Huma, l’homme, issu d’une « famille communiste », a refusé par la suite de me donner son prénom, en raison, dit-il, de son « travail dans un ministère ».
Ni facho ni brave
Pour avoir pris le temps, depuis « l’Apéro-saucisson » du 18 juin auquel j’ai également assisté, de parler aux différents protagonistes de ce mouvement qui a remporté un vif succès d’audience le 18 décembre, une double caricature, dont laquelle sont tombés nombre de mes confrères, me paraît inutile : les hommes et les femmes qui composent cette force émergente dans le paysage politique français ne sont ni des fascistes ni des clowns. Qu’il y ait, parmi eux, des nostalgiques de Benito Mussolini, des racistes viscéraux, ou des excentriques, c’est certain ; pour autant, ce serait une grossière erreur journalistique que de réduire l’ensemble de leurs militants, et surtout de leurs sympathisants, à cela. Sur place, je n’ai pas pour autant partagé le sentiment de la journaliste Elisabeth Lévy qui, s’exprimant en off avec des collègues, estima qu’il s’agissait uniquement de « braves gens » : par moments, la stigmatisation obsessionnelle, un mépris insidieux, une condescendance culturelle revenaient régulièrement dans les propos de tel conférencier ou tel membre du public. Mais plutôt que de diaboliser, à l’instar des islamophobes radicaux, ou d’édulcorer, la tentative d’Oumma consistera simplement, dans les prochains temps, à comprendre ce phénomène pour mieux en relater les dangers ainsi que les défis adressés, non seulement aux Français musulmans, mais également à la communauté nationale toute entière.
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