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Les Etats-Unis connaissent depuis 2007 l’existence d’un pacte secret entre Moubarak et Suleiman en vue de diriger ensemble l’Egypte

Unis par une promesse occulte. Le chef de l’Etat égyptien, Hosni Moubarak, et Omar Suleiman, son nouveau vice-président, avaient secrètement envisagé de gouverner en tandem depuis plusieurs années. C’est ce que révèlent des documents confidentiels, issus de l’ambassade américaine du Caire et dévoilés par Wikileaks.

Les diplomates américains basés en Egypte avaient anticipé la restauration du poste de vice-président et la nomination d’Omar Suleiman, chef des services secrets, dès l’année 2005 : c’est ce qui ressort d’un télégramme confidentiel, publié aujourd’hui par le site Wikileaks. Une anticipation clairvoyante qui sera partiellement renforcée, deux ans plus tard, lorsque les Américains du Caire apprendront également l’existence d’un accord secret entre le chef de l’Etat et l’ancien général : Hosni Moubarak aurait en effet promis à Omar Suleiman, bien avant 2005, de le nommer à ses côtés au poste de la vice-présidence. Cette fonction, vacante depuis 1981 et l’arrivée au pouvoir de l’actuel président égyptien, désigne implicitement l’homme consacré pour reprendre le pouvoir. C’est ainsi que, sur les trois dirigeants que l’Egypte a connu depuis 1952, deux d’entre eux – Anouar Al Sadate et Hosni Moubarak- ont accédé à la fonction suprême. Samedi, au lendemain d’une insurrection populaire qui a notamment gagné la jeunesse égyptienne, Omar Suleiman est parvenu à l’antichambre du pouvoir en prêtant serment pour devenir, à son tour, le vice-président.

La perspective des diplomates américains en 2005 se basait initialement sur un scoop publié alors par le Financial Times  : selon le quotidien britannique, le porte-parole du président égyptien aurait laissé entendre, lors d’un dîner privé, qu’Hosni Moubarak voudrait restaurer le poste de vice-président juste après les élections présidentielles qui devaient se tenir en fin d’année. Après vérification auprès de plusieurs sources locales, l’ambassade américaine a recoupé favorablement l’information en considérant dans le même temps que l’homme de la situation serait vraisemblablement Omar Suleiman.

Rancœur du loyaliste

En 2007, un informateur de l’ambassade des Etats-Unis informa par ailleurs les Américains du ressentiment personnel du chef des services secrets égyptiens à l’endroit de Hosni Moubarak : selon ce télégramme, Suleiman serait « profondément blessé » par le « reniement » de la promesse, tenue « plusieurs années auparavant » par le chef de l’Etat, de le nommer vice-président. Le dirigeant du Renseignement égyptien serait en outre particulièrement hostile au fils du président, Gamal Moubarak, au point de « détester l’idée » de son accession au pouvoir. Un mépris réciproque, si l’on en juge par un autre télégramme confidentiel de l’ambassade faisant état de la perception du fils Moubarak à propos de Suleiman, envisagé comme une « menace ».

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Jadis, les tactiques pour conquérir le pouvoir, et notamment à travers la passerelle de la vice-présidence, n’ont pas été indispensables pour Hosni Moubarak. Dans un ancien entretien accordé au journaliste Christian Malard, le président racontait comment sa nomination, en 1975, au poste de vice-président l’avait alors pris au dépourvu : « Un jour, le Président Sadate m’appelle et me demande de venir le voir, ce que je fais. À vrai dire, je ne m’attendais à rien de précis. Ma femme et moi devions dîner chez des amis, c’était un jeudi soir après la Guerre d’Octobre, le climat était détendu… Donc, je suis allé le voir comme convenu vers 18h. Il m’a gardé jusqu’à 20h. Il a commencé par évoquer l’Histoire du pays, à raconter diverses anecdotes… Puis, il me dit qu’il réfléchissait, qu’il voulait nommer un vice-président et qu’il avait pensé à certaines personnes pour ce poste… Je n’ai pas imaginé une seule seconde qu’il pensait à moi ! Je n’étais pas candidat à cette fonction. Et finalement, lorsqu’il m’a annoncé qu’il me nommait, là, je suis tombé de haut ! Je lui ai même demandé si ce n’était pas un peu prématuré. Il m’a alors répondu : « Non, vous commencez la semaine prochaine ». Je me suis alors dit que ce devait être mon destin ».

The show must go on

Un fatalisme qui n’est pas sans évoquer celui de l’ambassadeur américain : dans un télégramme de 2007 consacré à la succession présidentielle, le diplomate développa une analyse particulièrement cynique en envisageant la nécessité d’un futur président qui soit perçu, par l’opinion publique, comme un « anti-Américain » afin de « prouver sa fibre nationaliste à la rue égyptienne ». Le disciple probable de Machiavel rajouta même que, « pour coopter une potentielle opposition et galvaniser sa popularité », le nouveau dirigeant devra tendre la main « aux Frères musulmans, comme l’ont fait Gamal Abdel Nasser, Anouar Al Sadate et Hosni Moubarak au tout début de leurs mandats ». A la fois dictature militaire et Etat policier, l’Egypte semble ici renouer avec son passé tumultueux, fait d’intrigues de palais, de convoitises par l’étranger et de révoltes populaires. La dramaturgie étant en place, tous les acteurs peuvent dorénavant entrer sur scène.

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