“Si les musulmans et les chrétiens avaient voulu me prêter leur attention, j’aurais fait cesser leurs querelles ; ils seraient devenus, extérieurement et intérieurement, des frères.”
Abd el-Kader
Le peuple syrien n’a pas fini de compter ses morts et ses disparus, les familles continuent de chercher les leurs dans les nombreuses prisons de l’ancien régime et des millions de Syriens déplacés à l’intérieur ou réfugiés à l’extérieur attendent la réunion des conditions de leur retour.
Pendant ce temps, les capitales occidentales et les médias mainstream ne cessent depuis la chute de Bachar Al Assad, d’exprimer leur inquiétude pour le sort des minorités en Syrie.
Le risque de représailles contre les minorités qui ont été instrumentalisées par l’ancien régime n’est pas une vue de l’esprit. Le risque d’une appropriation du pouvoir par des islamistes radicaux tentés d’instaurer un régime théocratique existe également.
Mais ce risque n’est pas une fatalité en Syrie. Les dirigeants de la rébellion qui a abattu le régime dictatorial de Bachar Al Assad se sont engagés à favoriser la reconstruction de la Syrie sur une base inclusive ouverte à toutes les composantes du peuple syrien.
Personne n’est obligé de croire sur parole les discours des nouveaux dirigeants. Mais les représentants de l’Onu ont relevé des signes positifs et rassurants allant dans ce sens.
L’espoir d’une transition inclusive
L’espoir d’une transition politique inclusive est réel. Aussi bien les pressions émanant du peuple syrien qui veut tourner la page des souffrances passées que les pressions diplomatiques des puissances internationales et régionales vont dans ce sens et c’est tant mieux.
Dans cet effort collectif en vue de chasser les démons de la vengeance et de la discorde, les Syriens seront appelés à mobiliser toutes leurs ressources historiques et symboliques qui constituent autant de facteurs de paix et de concorde civiles.
L’islam qui enseigne qu’ « il n’y a nulle contrainte en religion » (sourate Al Baqqara, verset 256) a connu durant son histoire multiséculaire de nombreuses tentatives d’accaparement et de déformation, le plus souvent, dictées par des motifs sociaux et politiques inavoués.
Mais les enseignements de l’islam ont servi également aux mouvements réformateurs qui ont de tout temps existé pour affronter les injustices et la tyrannie.
Dans leur lutte pour une transition politique pacifique et inclusive en vue de déboucher sur l’adoption d’une nouvelle Constitution qui garantisse une coexistence interconfessionnelle harmonieuse sur la base du respect des droits fondamentaux de tous les citoyens, les Syriens auront à se remémorer les actions héroïques de tous les justes qui ont légué aux nouvelles générations musulmanes un héritage plein de courage et de noblesse.
Le geste plein de noblesse de l’Emir Abdelkader
Parmi les stations historiques qui demeurent tel un phare dans la nuit et qui méritent d’être une nouvelle fois convoquées pour illuminer le chemin conduisant vers une Syrie réconciliée et solidaire, nous ne pouvons que nous rappeler l’expérience de l’Emir Abdelkader.
Se faisant l’écho des inquiétudes qui montent au sein des minorités confessionnelles en Syrie au lendemain de la chute du régime baathiste qui a instrumentalisé ces minorités durant plus de cinquante ans, le site proche des milieux maronites, Liban News n’a pas hésité à rappeler le rôle éminent joué par l’Emir Abdelkader dans le sauvetage de plusieurs milliers de chrétiens à Damas en 1860 : « Au XIXe siècle déjà, les minorités syriennes avaient été confrontées à des persécutions massives. En 1860-1861, un conflit sanglant avait éclaté entre les Druzes et les chrétiens au Mont-Liban et à Damas. Ces violences avaient conduit à l’intervention humanitaire de la France, sous Napoléon III, qui avait envoyé une expédition militaire pour protéger les chrétiens maronites. À Damas, le célèbre émir algérien Abdelkader, réfugié en Syrie après sa lutte contre les Français, avait joué un rôle clé en protégeant des milliers de chrétiens menacés par les émeutiers. Son action courageuse, saluée par les chrétiens et musulmans, reste un symbole fort de coexistence religieuse dans une région souvent marquée par des tensions confessionnelles. » (Liban News, 9/12/2024)
Il y a quelques années, le quotidien catholique La Croix est revenu sur cette épopée de l’Emir Abdelkader sous le titre : « Le musulman ami des chrétiens » :
« Au Liban, les Druses, pratiquant une religion dérivée de l’islam, commencent à massacrer les Maronites, leurs voisins chrétiens. Le mouvement gagne rapidement la Syrie et notamment Damas entre le 9 et le 17 juillet 1860. Abd el-Kader s’interpose par la force pour protéger les familles chrétiennes venues se réfugier en nombre dans le quartier des Algériens. Il en sauve près de 1 500 d’une mort certaine, alors que plusieurs milliers d’autres meurent.
La noble attitude de l’émir durant les massacres de Damas est louée en France. Napoléon III lui décerne le grand cordon de la Légion d’honneur, qu’il portera dès lors avec fierté jusqu’à sa mort à Damas, en 1883 » (La Croix, 21/11/2016)
Dans la nouvelle Syrie qui se cherche et au moment où des puissances étrangères sont à l’affût du moindre dérapage, quand elles ne vont pas le provoquer dans le cadre d’opérations underground dont elles ont le secret, pour intervenir et tenter d’influencer le cours des évènements dans le sens de leurs intérêts stratégiques, le geste de l’Emir Abdelkader constituera une source d’inspiration pour une politique de tolérance salutaire qui aura le double mérite de prévenir les ingérences étrangères et de favoriser une coexistence interconfessionnelle harmonieuse.
Comme s’il y avait un quelconque lien entre l’islam de l’Emir et celui des islamistes ….
Il y a beaucoup de méconnaissance et de naïvité dans ce genre de considérations. Beaucoup d’idéologie aussi.