Alors que l’Amérique républicaine triomphante venait de célébrer l’intronisation de son 45ème président, avec un faste qui masquait certains rangs clairsemés, une autre Amérique, féminine, plurielle, anxieuse et en colère marchait massivement vers le centre névralgique de Washington dès le lendemain, samedi 21 janvier, revêtue de « pussy hats », l’indispensable bonnet rose aux oreilles de chat érigé en symbole de la lutte pour les droits des femmes et de la protestation anti-Trump.
Parmi les temps forts de cette Marche des femmes, unique dans les annales américaines, dont le succès (près de 500 000 personnes de tous âges, de toutes origines et confessions, issues de tous les horizons et des quatre coins du pays) a dépassé les espérances de ses organisatrices, le puissant discours de Linda Sarsour, une activiste américano-palestinienne très connue à Brooklyn, a eu une forte résonance, au point d’en faire la révélation de ce grand rassemblement.
L’une des chevilles ouvrières de la contestation en marche s’est imposée, à la tribune, comme l’une de ses oratrices les plus marquantes, s’illustrant par un plaidoyer en faveur des droits des femmes de couleur qui restera longtemps gravé dans les esprits.
Se défendant de verser dans la rhétorique « apologétique », l’étoile montante du militantisme communautaire s’est adressée, avec une belle ferveur, à un large auditoire qui incarne le visage métissé d’une Amérique riche de sa diversité, auquel des hommes s’étaient mêlés pour brandir les mêmes banderoles indignées.
« Salam Aleikoum, que la paix soit sur vous mes frères et sœurs », a lancé la directrice de l'Association arabo-américaine de New York, en plaçant d’emblée son intervention sous le signe de la fraternité qui transcende les différences et de l'union qui fait la force.
« Mes sœurs et frères, vous représentez la démocratie, mes frères et sœurs, vous êtes mon espoir pour ma communauté », a-t-elle clamé haut et fort. « Je ne vais pas respecter une présidence qui a remporté une élection sur le dos des musulmans, des Noirs, des sans-papiers, des Mexicains, des personnes handicapées et sur le dos des femmes ! », a-t-elle poursuivi en durcissant le ton, sous une salve d'applaudissements.
Si Linda Sarsour redoute que l’ère Trump soit celle de la mise en œuvre de la politique du pire, dont le registre fichant les musulmans américains sera la clé de voûte d’un racisme d’Etat, l’angoisse qui l’étreint ne date pas pour autant d’aujourd’hui. Elle est née et n’a cessé de croître sous l’administration Bush de sinistre mémoire, mais aussi sous celle d’Obama, une fois que l’euphorie des premiers instants fut retombée, laissant place au mandat des amères désillusions.
« Beaucoup de nos communautés, dont la communauté musulmane, ont souffert en silence au cours de ces 15 dernières années sous l'administration Bush et l'administration Obama. Vous êtes la conscience des Etats-Unis. Nous sommes la boussole morale de cette nation », a-t-elle martelé devant un public captivé et sous le regard admiratif de ses enfants qui se tenaient juste derrière elle, avant de lancer un vibrant appel à l’unité entre les minorités marginalisées, stigmatisées et discriminées au pays de l’oncle Sam, là où les suprématistes blancs et les fachos semblent avoir de beaux jours devant eux…
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