Elevé(e)s à l’école de la République, de la Modernité, de la Rationalité, tout a été ressassé en long et en large : les Camus, Gide, Sartre, Montesquieu, Malraux, Dostoïevski, Baudelaire, Rimbaud, Voltaire, Montaigne, Rousseau, les Kantiens, les Nietzschéens, les Freudiens, les Bourdieu, Touraine, Durkeim, Weber, Platon, Socrate…
Elles étaient jeunes, encore innocentes. On les pensait couvées, choyées, libérées, presque qu’heureuses d’être là ! Que pouvaient-elles (ils) finalement leur arriver face à ces garde-fou littéraires, philosophiques, législatifs, normatifs, juridiques, moralisateurs garants de la tolérance de chacun, de la liberté de chacune et du respect de tous. Qu’il semblait prometteur l’horizon compte tenu des promesses mille fois ressassées à gauche (le plus souvent) comme à droite de l’échiquier politique traditionnel. Rien, enfin nous l’espérions !
Et puis boum, à l’orée du nouveau millénaire, tout semblait en place pour que l’occasion se transforme enfin en larron exemplaire. Exemplaire, il le sera. Exemplaire, il permettra à partir d’un morceau de tissu de circonscrire le débat-règlement-de-compte à l’ensemble de la classe musulmane. Ce larron sera le hijab et avec lui tous les travers d’une mise en scène d’une véritable rancœur intellectuelle enfin exprimée.
Terminé le délinquant, fini le rappeur, out le banlieusard, caricatural l’arabe, dépassé l’immigré, trop pompeux le français d’origine musulmane, trop intello l’allochtone, infantilisant le beur… Désormais on intégrera le tout sous un même et unique vocable : l’Islam. D’un seul coup la boucle semble bouclée et en sus des catégories mentionnées, il suffira d’y inclure les organisations caritatives, les organisations non gouvernementales, les convertis et converties, les universitaires et autres diplômé(e)s, les jeunes filles, les femmes, les manifestations citoyennes…musulmanes.
Impitoyablement et implacablement la machine va se mettre en marche à travers ses plus beaux fleurons institutionnalisés : les chaînes télévisées, la presse écrite, la commission Stasi, le Gouvernement, le Parlement,le Président, certain ministres, députés, maires, préfets… , l’ensemble de l’échiquier politique , les journaux télévisés, les « intellectuels » ardissonien, fogélien, chabottien, duhamelien, … les maghrébistes et, last but not the least, les (prétendus) … musulmans eux-mêmes.
Face à ces systèmes-armadas devront faire face les filles et les fils d’Abraham de la République française, paradoxalement jamais demandeur d’un tel pseudo-débat, tout empêtrés qu’ils sont d’éternellement normaliser une présence fondamentalement dérangeante pour une partie de la France ( la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie…). La patience est rarement la vertu d’un « modèle » de société pompeusement « auto-proclamé » moderne, supérieur et d’une exemplarité sans faille mais fermant les yeux sans la moindre fausse honte (« c’est pas moi, c’est eux ») sur la misère de la plus grande partie de l’humanité (Droits de l’Homme ? De quels Hommes ? De quelles Femmes ?)
Dérangement rapidement et habilement présenté comme menace ultime et civilisationelle (11 septembre oblige…). Tout cela à travers un incroyable défoulement médiatico-intellectuel dont il sera intéressant, pour ne pas dire capital, d’analyser, avec l’indispensable recul nécessaire, les méandres et les contours pour s’apercevoir combien il n’y eu jamais, mais alors jamais, de réel… débat.
Avis, opinions, analyses, mensonges, insultes, fatwas républicaines vont déferler sur le quotidien de tout en chacun au sujet d’une question intrinsèquement religieuse et individuelle.
Les éminences grises des intelligentsias lobbyifiées, formatées à l’école du rejet religieux allaient enfin vous expliquer, à vous Musulmans et Musulmanes, ce qu’est, ce que représente et ce que signifie véritablement le hijab. Oh sœurs, oh frères, depuis plus de 1400, on vous travesti la vérité mais les anges gardiens de la République sont là pour vous éclairer. Merci…
Le bilan est somme tout remarquable ! Au départ d’un acte purement individuel d’adoration divine (le hijab), on marqueurise inlassablement une communauté à travers l’une de ses composantes les plus sensibles : les jeunes adolescentes en âge de scolarités. La simplicité méthodologique de ce schéma clairement orienté et orientable (à des fins politiques bien sûr) fournit enfin une explication républicainement correcte d’une grande partie des maux du présent et certainement du futur : ce sera l’Islam, rien que l’Islam, encore l’Islam, toujours l’Islam.
Mais arrêtons de tourner les pages, changeons de livre.
L’associatif anti-raciste a démontré ses limites, ses partis pris idéologiques, sa vocation de défouloirs à immigrés. Entre la récupération politique et le combat anti-discriminatoire légitime, le choix fut rationnel. Les maghrébistes et autres ont supplantés les hommes et femmes de bonnes volontés.
Loin de comprendre l’enjeu majeur, les associations anti-ceci, anti-cela s’interrogent déjà clairement sur la mutation de leur fond de commerce (les arabes ou les Musulmans ?). Leurs éminences ont déjà clairement compris qu’ils ne pouvaient plus faire l’épargne de l’aspect religieux fondamental de ceux qu’ils refusent toujours d’appeler musulmans par pudeur idéologique et associative.
Fini l’arabe, le sale bougnoule, la jolie beurette et le profiteur immigré. Désormais on parlera d’intégristes, de fondamentalistes, de manipulé(e)s, de soumises, de talibanes. Analysés, jugés, traqués à travers l’unique et implacable schéma de pensée intellectuellement correct, l’Autre ne peut finalement se présenter qu’en bouc émissaire presque directement consentant de ce grand cirque.
Inconfortablement positionnés dès le départ, les moindres paroles, écrits, gestes seront analysés, décortiqués, triés, encodés, disséqués et jugés à la sacro-sainte école et aux encore bien plus sacro-saints tribunaux des gardes de la pensée républicaine. Les sanctions sont immédiates, se doivent d’être exemplaires : mise à l’écart, boycott, réprimandes, condamnations mais surtout mensonges, manipulations, insultes, lâchetés intellectuelles.
Que faire finalement ? D’abord comprendre les soubassements de cet effroyable déferlement médiatique et donc forcément sociétal. Ce n’est qu’a travers la perception correcte de cet univers ’d’arrière-pensées’ qu’il sera possible de re-penser, de re-développer une pensée indépendante, très sérieusement démystifiée de certaines constructions/conceptions humaines prétendument universelles, inaltérables et non négociables car républicaines.
Cette pensée nouvelle se devra d’être la plus universelle, moderne et partenariale possible. Universelle afin de proposer (enfin) un projet humain pour l’ensemble de l’humanité, moderne car s’inscrivant pleinement dans la réalité de notre époque, partenariale car fermement orientée sur ce qui unifie et non sur ce qui sépare.
L’Islam peut apporter une contribution à ce débat, les musulmans occidentaux doivent apporter une contribution à ce débat.
L’occasion fait (rarement) le larron précise le proverbe populaire.
Comprenons alors ce dernier comme la manifestation d’occasions trop de fois lamentablement ratées qui se transformant, se libérant, se décomplexant crée un véritable espace d’exécution médiatique, un véritable vomi médiatique jusqu’à la… nausée.
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