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Islam – Occident: réapprendre à vivre ensemble, en respectant la singularité de chacun

Par Mustapha Chérif

Le monde est soumis à plusieurs extrémismes. Le libéralisme sauvage et le fanatisme religieux troublent l’humanité. Malgré ses acquis, le monde développé au Nord semble de moins en moins juste et de plus en plus intolérant et hégémonique. Des pays du Sud, malgré leurs potentialités, sont dépendants économiquement, sous développés politiquement et en retard scientifiquement. La crise produit des extrémismes nuisibles. Il est urgent d’en sortir. D’autant que des valeurs universelles, comme le respect de la dignité humaine,  nous unissent.

Le mensonge

La propagande de l’hégémonie a fabriqué le mensonge des temps modernes «le choc des civilisations». Théorie délirante pour faire diversion aux problèmes politiques et justifier des ingérences.

Les civilisations s’estiment et sont interdépendantes. Il n’y a pas d’hostilité entre elles. De plus, la fraternité humaine est centrale en islam.

A cause d’une infime minorité, les musulmans sont diabolisés, accusés de s’opposer au modèle moderne et de s’enfermer dans la victime imaginaire et de la communauté assiégée. Il est cyniquement demandé aux musulmans de se renier, alors que l’islam est ouvert, séculier et non point théocratique. L’islam, qui signifie se mettre en état de « paix », se veut un témoignage de l’unité de l’homme, sans confusion. Il respecte la diversité et les altérités.

Le terrorisme des égarés, les actes barbares des extrémistes politico-religieux et l´archaïsme de régimes arabes contribuent à la déformation de l´image du troisième rameau monothéiste. Les actes des criminels manipulés sont instrumentalisés et amplifiés. Il est occulté que 90 % des victimes du terrorisme dans le monde sont des musulmans.

L’amalgame alimente les incompréhensions. Les quiproquos ne datent pas de l´après 11 septembre 2001. Voilà 15 siècles que l´ignorance et le refus de comprendre la civilisation islamique persistent, malgré ses apports et les efforts d´islamologues européens.
Il y a un abîme entre la légitime critique et les propos antimusulmans.

Les questions

Pourquoi avoir oublié que la civilisation islamique a contribué à humaniser le monde et que l´Occident classique fut judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe? La civilisation abrahamique est un héritage fabuleux. Pourquoi désinformer et exploiter les 15 dernières années marquées par les dérives d´une infime minorité d´extrémistes et oublier 15 siècles d’une riche histoire commune?

A quoi sert-il de s´inventer des ennemis, des boucs émissaires, de stigmatiser l´autre, de vouloir le culpabiliser ? La haine est vouée à l´échec. Heureusement qu’en Occident et en Orient des forces de progrès existent et luttent pour la justice et la paix. Nous devons faire lien, démontrer que ce qui compte est le devenir commun face à un monde qui prend une mauvaise direction. Réapprendre à vivre ensemble, en respectant la singularité de chacun, la part irréductible.

Signe d’impuissance

Il n´y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Des médias, notamment des télévisions, mais aussi des éditeurs et des universités, refusent de donner la parole aux sages et aux éveilleurs des consciences. Ils préfèrent les pyromanes, les spécialistes du dénigrement, ou de la fausse neutralité.

 Dans ce contexte, des intellectuels musulmans, aveuglés par le modernisme marchand parlent de l´islam avec une hargne obsessionnelle et vantent des postures faustiennes. Le dénigrement est un signe d’impuissance. Les citoyens musulmans refusent les offenses et l’essentialisme qui dépersonnalisent et opèrent des amalgames malhonnêtes.

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Par contre, les critiques, argumentées, objectives et respectueuses de la différence, qui discernent et donnent à réfléchir sont légitimes. Car nul n’est parfait et tout a chacun a besoin du regard de l’autre pour se corriger et progresser.

L’islam est un souffle spirituel qui permet la discipline de soi et la conjugaison entre spécificité et universalité. Vouloir imiter aveuglement un modernisme historiciste (qui n’est pas la modernité) et un rationalisme deshumanisant (qui n’est pas la rationalité) et nier ou diluer des valeurs tel le principe central « de juste milieu » c’est se fourvoyer. Faire prévaloir l’islam de lumière et de paix est un devoir.

Parler de « Guerre des civilisations » est un non-sens. Les guerres menées par les uns et les autres instrumentalisent les civilisations. Les mercenaires qui sévissent aujourd’hui dans plusieurs régions du monde, prétendument au nom de l’islam, sont l’anti-islam, l’anticivilisation. Ils sont fabriqués par des terreaux idéologiques archaïques, avec la  complicité de puissances étrangères, pour des raisons politiques.

Ils massacrent des innocents et détruisent les patrimoines culturels de l’humanité. A qui profitent les crimes ? Aux ennemis de l’islam. Le sentiment d’indignation et d’horreur des musulmans est profond. Ils dénoncent avec force et sans trêve l’imposture et l’usurpation du nom.

 La religion est un masque, trahie et mêlée malgré elle à la folie des hommes. Ce qui doit être combattues, reformées et corrigées ce sont les pratiques de groupes nihilistes qui sombrent dans des travers. Ni fermeture, ni dilution, mais ouverture sur le monde en fidélité à des valeurs universelles. La voie mohammadienne, méconnue, est celle du noble bel-agir, à mille lieux du rigorisme et des obscurantismes.

Authenticité et modernité

Les citoyens européens de confession musulmane et de nombreux autres citoyens du monde, croyants ou non croyants, refusent tous les extrémismes et les amalgames. Les islamophobes nient la possibilité de vivre la citoyenneté moderne en tant que croyant. Pourtant, rien n´empêche que la question de l´être moderne se conçoive à partir des possibilités propres à une foi. La modernité peut se vivre autrement.

Les citoyens croyants, aspirent à la démocratie, à la sécularisation, à la laïcité ouverte, au vivre ensemble avec les autres, en fidélité à leur foi encore vivante, qui non seulement le permet mais l´exige. Pris entre deux feux, celui des « intégristes » et celui des « aliénés » à l’ordre dominant, les musulmans, loyaux citoyens, soucieux de justice et de juste milieu, termes qui définissent leur ligne de conduite selon le Coran,
résistent en silence, forts de leur multiappartenance, ouverts et dignes.

Responsabilité partagée

Les incertitudes tiennent au fait que des discours sur l’islam sont mensongers et offensants, soumis à l´air du temps. Ils n´oeuvrent pas pour respecter et écouter le citoyen. Le citoyen croyant ne prêtera pas l´écoute s´il ne se sent pas respecté dans sa singularité. Le débat devrait être à la fois un dialogue et un examen de conscience, une expérience transformatrice de l'être.

Le rempart face au radicalisme est la voie du juste milieu des musulmans. Discerner entre les sectaires psychopathes qui basculent dans la violence et l’islam, et humaniser les rapports entre la nouvelle minorité dans la Cité européenne et la société sont les impératifs de l’heure.

A cette condition triomphera l’impérieuse lutte contre l’extrémisme politico-religieux et le racisme antimusulman qui se nourrissent. C’est largement possible, si tous les sages s’unissent. Responsabilité partagée. Une phrase explicite l’esprit du vivre ensemble en islam, elle figure sur le Palais de l'Alhambra à Grenade : « Il n'y a pas de vainqueur si ce n'est Dieu». Le bien commun doit toujours prévaloir.

Mustapha Chérif  est philosophe, lauréat prix Unesco du dialogue des cultures, auteur de « Islam-Occident » édition Odile Jacob

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