Les ahl as-sunna wal-jamâ‘a (gens de la Tradition et du rassemblement) incarnent cet esprit du compromis qui incita Hasan ibn ‘Ali à renoncer à la khilafat en faveur de l’unité de la ummah qui toutefois, ne sera plus jamais rétablie.
Le sunnisme ou l’anticonformisme en aversion ?
De Siffîn à Kûfâ…
Les Compagnons ont compris qu’avec la mort du Prophète en 11/632i, la prophétie (nubuwwa) s’interrompait définitivement : Dieu ne révélera (wahy) plus rien à l’humanité ! C’est dire la lourdeur de l’événement. Providentiellement, ‘Abd-Allâh ‘Atiq ibn Abî Quhâfa, plus connus sous le nom de Abû Bakr as–siddîq, fut le premier à faire prendre conscience à tout un chacun que Dieu est néanmoins toujours vivant et que l’autorité de l’islam serait maintenu. Cette lucidité et cette énergie témoignaient d’un regard porté vers l’avenir malgré son âge bien avancé, ce qui le disposait ainsi à assurer la succession de Muhammad ibn ‘Abd-Allâh comme chef de la communauté (khilafat). Elle lui fut en effet dévolue. ‘Umar ibn al-Khattab puis ‘Uthmân ibn ‘Affân lui succédèrent.
Jamais ces hommes n’ont prétendu disposé d’une quelconque autorité religieuse sur l’ensemble de la communauté. Leur place à la tête de celle-ci ne les a astreints qu’à l’exercice d’un pouvoir uniquement politique. Tout pouvoir politique l’est seulement dès lors qu’il est contestable et potentiellement révocable. C’est ainsi que le meurtre de ‘Uthmân ibn ‘Affân fut rendu possible. ‘Ali ibn Abî Talib lui succéda en faisant face aux velléités de justice des uns qui n’a pas manqué de dissimuler la soif de pouvoir des autres. Il s’est ainsi constitué des armées musulmanes qui s’affrontèrent.
Après avoir emporté la bataille du Chameau près de Bassora en Irak, ‘Ali affronta, en 37/657 sur les rives de l’Euphrate, l’armée de Mu‘awiyya ibn Abî Suf-yân qui lui proposa de faire arbitrer leur opposition. Cet arbitrage (tahkîm) supposait au moins tacitement la mise en suspend de la khilafat, ce que certains qurrâ’ (les hommes mémorisant le Qur’ân) intransigeants de l’armée de ‘Ali ne pouvait admettre, voyant dans la suspension du pouvoir politique (khilafat) celle de l’autorité spirituelle (wilâyat) que ‘Ali représentait par ailleurs. Au mus–haf que brandissaient après la bataille leurs adversaires à Siffîn, ils opposèrent le passage lapidaire d’une ayat : « Le jugement n’appartient qu’à Dieu » (6:57 ; 42:10 et ailleurs)ii, affirmant ainsi le primat de la souveraineté divine qu’incarnait à leurs yeux le Califat. ‘Ali ayant accepté l’arbitrage, nonobstant les calculs politiques, d’aucuns ne le reconnaissaient donc plus comme le dépositaire de la souveraineté divine, pire ils considèrent son geste comme la plus haute des trahisons et sortirent (khawârij) des rangs de l’armée de ‘Ali qu’ils combattirent.
La naissance du sunnisme ?
Après la bataille de Siffîn, il y eut, tout juste un an plus tard, celle de Nahrawân. L’armée de ‘Ali ibn Abî Talib y écrasa la sédition khârijite. Trois années passèrent et un certain ‘Abd-ar-Rahmân ibn Muljam vengea les siens en poignardant ‘Ali dans la mosquée de Kûfa en Irak. Les partisans du défunt Calife, la shi‘a de ‘Ali, nommèrent son fils ainé, Hasan comme successeur. Ce cinquième calife finit par négocier les conditions de son abdication au profit de Mu‘awiyya ibn Abî Suf-yân qui d’ailleurs maintenait et renforçait son opposition. Syriens et Irakiens se retrouvèrent à Kûfa où Hasan et Mu‘awiyya firent tous deux leur entrée solennelle dans la ville pour marquer la fin de cette fitna al-kubra, 41 ans après l’Hégire, en 661, année de la réconciliation précisément appelée sanat al-jamâ‘a, l’année du rassemblement.
Selon nous, c’est ici que le sunnisme serait né, même si à l’époque il n’en avait évidemment pas encore conscience. Les ahl as-sunna wal-jamâ‘a (gens de la Tradition et du rassemblement) incarne cet esprit du compromis qui incita Hasan ibn ‘Ali à renoncer à la khilafat en faveur de l’unité de la ummah qui toutefois, ne sera plus jamais rétablie. Les plus ardents partisans de ‘Ali et ses opposants les plus farouches maintenaient en effet leur résistance. Chiisme et kharijisme, sans aucune maturité doctrinale et idéologique à ce moment-là de l’histoire, continuèrent donc d’agiter l’Irak en général et Kûfa en particulier.
Il convient de s’arrêter sur cet état d’esprit qui rendit possible, au-delà des personnes, l’abdication du fils d’un des soutiens de la première heure de la nubuwwa de Muhammad, permettant à la khilafat de passer entre les mains du fils de l’ancien chef mecquois, qui combattit longtemps le Prophète avant d’être musulman à son tour, comme son fils d’ailleurs, lors de la conquête de La Mecque. Si Hasan fut le premier calife à ne plus l’être de son vivant, c’était en raison d’un rapport de force qui ne lui était absolument pas favorable. La lutte étant inégale, il fut à l’initiative d’un accord, dans l’intérêt de préserver la communauté d’une guerre fratricide qui, ayant que trop durée, portait atteinte à l’islam lui-même. Le primat du maintien de la paix communautaire sur la revendication intransigeante de justice conduit à l’acceptation d’une situation qui a su s’imposer par des pressions sociales suffisantes.
Du compromis au conformisme…
Cette attitude se présente comme un conformisme, se voulant aussi faire preuve de réalisme et de pragmatisme, et que les sunnites ont entretenu par tout un arsenal argumentaire, l’inscrivant dans leur profession de foi et la traduisant dans la primauté de l’ijma‘ comme source de la sharî‘a après la Révélation (Qur’ân et Sunna). Ainsi l’ordre social est avalisé par lui-même, entraînant un suivisme qui permet d’esquiver le conflit ou d’éviter le rejet, tout en renforçant la cohésion sociale. Le geste de Hasan ibn ‘Ali entraîna inévitablement ceux qui refusèrent de s’opposer à la force du pouvoir en place, à se conformer à l’ordre que celle-ci a établi. Une consolation peut se trouver dans l’idée que Dieu, dans Sa sagesse, en a décidée ainsi : ce fut donc écrit (maktub) !
Le credo sunnite est un appel au conformisme et à la pondération. Le Coran affirme on ne peut plus clairement que le pouvoir absolu appartient à Dieu qui demande alors de dire : « […] Ô Dieu, Maître de l’autorité absolue. Tu donnes l’autorité à qui Tu veux, et Tu arraches l’autorité à qui Tu veux ; et Tu donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies qui Tu veux. Le bien est en Ta main et Tu es Omnipotent » (3:26). On en a habilement conclu que remettre en cause l’autorité relative des rois musulmans, c’est aussi remettre en question l’autorité absolue de Dieu. Ajoutons par ailleurs que Dieu ordonne l’obéissance : « Ô les croyants ! Obéissez à Dieu, et obéissez au Messager et à ceux d’entre vous qui détiennent le commandement […] » (4:59).
Ces derniers n’aurait qu’une seule obligation en retour, la défense et la promotion de la sharî‘a. D’aucuns iront même à ne pas exiger du dirigeant qu’il applique pour lui-même les commandements de la Loi, tant qu’il s’en fait le défenseur inconditionnel, l’obéissance lui est due. Parmi ces savants, certains ont eu droit au titre, peu flatteur et relativement méprisant, de ‘ulama du pouvoir ou du palais. Le spectre de la grande discorde (al-fitna al-kubra) guette et désobéir serait désavouer le geste de Hasan. Si ce conformisme est le trait de caractère du sunnisme, il se rencontre partout en islam par le biais de l’autorité du Coran lui-même comme l’illustre les versets précédents. Et si cette tendance conformiste se retrouve en islam, elle ne lui est également pas singulière.
Toute communauté fonctionne sur ce mode, avec plus ou moins d’intensité, car il en va de la cohésion d’un groupe et donc de sa survie en tant que tel. Toutes les religions, comme toutes les idéologies constitutives d’une identité collective forcent les individus qui y adhèrent à l’adoption d’idées ou de comportements qui prouvent cette adhésion. Les sectes poussent à l’extrême cette exigence du groupe sur l’individu, l’incitant à nier sa propre personne (et personnalité) et à la sacrifier au profit d’un intérêt présenté comme général. On pourrait croire que l’individualisme de nos sociétés aurait été un excellent antidote à la nocivité des sectes, or il n’en est rien. Bien au contraire, cet individualisme a paradoxalement exacerbé, chez certaines personnes, le besoin profondément humain d’appartenance à une collectivité, les livrant aux organisations sectaires comme des proies dociles.
Notes:
i La première année est hégirienne à laquelle lui correspond la seconde du calendrier grégorien.
ii Les références coraniques sont indiquées avec le numéro de la sûrat, suivi de celui de la âya.
Quels beaux exemples d’humilité et d’abnégation de Ali et de Hassan ibn Ali les “chiites” qui pour préserver la communauté acceptent des compromis voire abdiquent. Ce sont des solutions politiques que l’on retrouve dans la sira car le prophète privilégiait toujours la voie diplomatique à la guerre. On aurait aimé une solution diplomatique pour les peuples d’Irak et de Syrie qu’ils soient chiites ou sunnites.
L’Islam a aboli les statuts , elles étaient visibles du temps du prophète (psl).
Le mot sunnite n’existait pas du temps des compagnons du prophètes, il y a avait le coran et la souna.
Aprés cette époque, les statuts sont rentrés dans la tete, elles n’étaient plus visibles, implorer les morts, la loi du sang , le clergé , le super homme, la vérité cachée, la vie une salle d’attente, pour ne citez que ça.
Détruire une statut dans la tete est une entreprise impossible à réaliser.
La liberté du culte est une chose , porter atteinte au culte des autres est une autre chose.
Les décideurs de la tribu du prophète était non croyants mais hyper logique, ils ne se disaient jamais musulman, le problème le prophète leur avait demandé une seule chose, ne pas s’interposer entre lui et les gens, chose qu’ils ont refusé.