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Entretien avec Yamin Makri : « l’heure est grave : l’islamophobie est à son comble ! »

 

Yamin Makri est le porte-parole du Collectif des musulmans de France. Une association particulièrement influente, proche de l’intellectuel Tariq Ramadan, qui vient de signer un appel avec d’autres grandes associations en vue de répondre collectivement aux préoccupations et aux inquiétudes légitimes de la communauté musulmane.

 

Les différentes associations qui ont signé cet appel n’ont jamais travaillé ensemble jusqu’à présent. Pourquoi avoir décidé aujourd’hui de vous rassembler en vue d’élaborer une réflexion commune ?

 

Ce n’est pas tout à fait exact. Ces organisations (CMF, JMF, EMF, PSM) se connaissaient et ont même parfois travaillée ensemble. Chacune avait cependant ses priorités, ses activités. On se côtoyait en fait sans réellement se rencontrer. Mais aujourd’hui, l’heure est grave : l’islamophobie est à son comble ! Le discours du Président Chirac n’en est que l’épiphénomène. Les déclarations haineuses et les actes malveillants se multiplient en France. Les cadres associatifs doivent être à la hauteur de leur responsabilité : le défi (en particulier avec cette loi qui est proposée) est national, la réponse doit l’être aussi. Il faut certes encourager les initiatives locales, mais il nous faut également , à partir d’une vision générale, agir de façon concertée et coordonnée. Les associations musulmanes locales ont la lourde tâche de répondre aux préoccupations et aux inquiétudes de la communauté tout en gardant un maximum de lucidité.

 

Comment est perçue la présence des citoyens de confession musulmane sur le terrain social et politique ?

 

Pour ma part, je pense que cette hostilité contre l’islam et les musulmans qui se manifeste actuellement est une conséquence directe de notre présence effective sur le terrain social et politique (au sens noble du terme). Ces dix dernières années, les associations musulmanes locales ont effectué un travail remarquable qui n’a pas toujours été compris. J’ai la nette l’impression que notre ouverture sur la société civile inquiète.

Devant tant d’incompréhension et de méfiance, la grande erreur consisterait à nous renfermer sur nous-mêmes. Beaucoup, en dehors de la communauté, souhaiterait qu’on se limite à la gestion de nos mosquées, en étant reclus dans des quartiers complètement ethnicisés avec nos écoles confessionnelles : ce serait tellement plus facile à gérer et à… contrôler.

Aujourd’hui comme demain, la vitalité de notre communauté se mesurera à sa capacité à « interagir » avec le reste de la société, tout en préservant notre spiritualité et nos spécificités. En fait le débat ne se résume pas à la question : « loi ou pas loi ». Face à cette campagne médiatico-politique, l’enjeu est bien plus important. J’espère que cette journée de réflexion nous permettra de le saisir. C’est un préalable nécessaire afin d’ engager ensemble des actions pertinentes.

 

E.M.F. (Etudiants musulmans de France) et J.M.F. (Jeunes musulmans de France), sont des associations plutôt proches de l’UOIF. Faut-il y déceler une implication indirecte de l’UOIF dans votre initiative ?

 

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E.M.F. et J.M.F. sont certes des associations membres de l’U.O.I.F, mais elles gardent avant tout une large autonomie d’action. La co-signature de E.M.F. et J.M.F. à l’appel du 17 janvier démontre parfaitement que toute la communauté est en émoi, d’où la nécessité d’agir ensemble.

 

Que pensez-vous de l’attitude du CFCM devant le climat d’islamophobie qui s’est installé en France et de leur réaction au rapport Stasi ?

 

Je reste réaliste. C’est par volonté du ministère de l’intérieur que le CFCM a pu naître. Le pari de ceux qui ont participé à la création de ce conseil est que le CFCM finisse, à terme, par avoir une véritable parole libre. Ce n’est pas encore le cas : le CFCM ne peut avoir qu’une position effacée. On peut le déplorer. Pour ma part, à la critique facile, je préfère l’action.

 

Quel regard portez-vous sur l’organisation de la prochaine manifestation du 17 janvier à Paris contre la loi anti-voile ?

 

Toute les initiatives sont les bienvenues, mais elles ne seront profitables aux causes qu’elles sont censées défendre, que lorsqu’elles s’inscriront dans une vision cohérente, et avec un minimum de coordination. Il faut exprimer notre indignation, c’est notre droit, mais on se doit vite de la dépasser pour construire ensemble et agir dans une perspective à long terme. Je note que cette manifestation se fait à l’appel d’une seule organisation. Je souhaite que cette manifestation soit un succès. Le succès d’une manifestation ne se mesure pas seulement au nombre de ses participants, mais aussi et surtout à la pertinence, et à la clarté du message politique qu’elle veut transmettre.

 

Vous envisagez d’apporter un soutien moral, financier et juridique, aux nombreuses victimes du climat islamophobe . Comment espérez-vous y parvenir ?

 

Aux Etats-Unis, les musulmans ont mis en place une institution dénommée C.A.R.E., chargée de répertorier et de soutenir juridiquement tous les cas avérés d’islamophobie. Cette institution (qui n’a aucun rôle politique) est soutenue par la communauté musulmane américaine dans son ensemble. En France, il est temps d’y réfléchir. C’est un exemple à méditer…

 Propos recueillis par Nasser Cerbah

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