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Au Yémen, un adolescent, terrifié par les drones, a été carbonisé par l’un d’entre eux

Mohammed Saleh Tauiman, un jeune Yéménite dont la courte existence a été vécue avec la peur au ventre, aura 13 ans pour toujours. En effet, le 26 janvier dernier, un drone américain, cette arme de destruction massive à l’origine de sa frayeur de tous les instants et de sa tragédie familiale, l’a carbonisé, l’arrachant à jamais aux siens après lui avoir pris cruellement son père et son frère aîné de 17 ans, et volé ses précieuses années d’enfance.

Nous rêvons de drones. Je les vois tous les jours. Nous sommes terrifiés“, avait-il confié à des journalistes du quotidien britannique The Guardian quelques semaines avant sa fin tragique, évoquant le cauchemar éveillé qu’était devenue sa jeune vie, ainsi que celle de nombreux autres enfants, les yeux rivés vers un ciel menaçant d’où pleuvaient sans discontinuer les frappes de ces engins de mort, estampillés CIA. “La plupart des enfants ne dorment plus, ils font sans arrêt des cauchemars, et certains ont même des problèmes mentaux“, dénonçait-il avec vigueur, tout en se remémorant ce jour sombre de 2011 quand on vint lui apprendre l’effroyable nouvelle qui allait lui faire perdre le peu d’insouciance qui lui restait  : le meurtre révoltant de son père et de son frère par un drone de combat sans pilote, alors qu’ils faisaient paître tranquillement leurs chameaux, au motif fallacieux qu’ils étaient membres d’Al-Qaïda. Une suspicion dénuée de fondement qui les a pourtant expédiés dans l’autre monde sans autre forme de procès, et sans que la CIA ne soit à aucun moment envahie par le moindre doute ou scrupules salvateurs.

C’est dans le village d’al-Zur, au coeur de la province de Marib, à 1 heure de route de sa maison, que Mohammed Saleh Tauiman, l’enfant dont les nuits étaient peuplées de rêves effrayants à l’âge où d’autres dorment d’un sommeil profond, bercés par de douces rêveries, a été à son tour foudroyé par un drone de combat impitoyable, pulvérisant la voiture à bord de laquelle il était monté, avec son beau-frère et un troisième homme.

Anéanti par la vision d’horreur de ces trois corps calcinés, le frère aîné de l’adolescent, Mohammed Maqded, n’a pu que constater, une fois encore, sa propre impuissance ainsi que celle des victimes lâchement assassinées devant l’extrême violence de ces tirs américains qui tuent aveuglément, réduisant en poussière des êtres humains innocents, enfants comme adultes, jusqu’à décimer des familles entières. “J’ai vu les corps complètement brûlés, comme du charbon“, a-t-il déclaré submergé par l’émotion. “Quand nous sommes arrivés, nous ne pouvions rien faire. Nous ne pouvions pas déplacer les corps, alors nous avons décidé de les enterrer là-bas, près de la voiture”, a-t-il précisé, en niant fermement que sa famille soit liée à al-Qaïda, avant de s’emporter au sujet de la mort si injuste de son petit frère, extériorisant la même colère qui l’avait animé à la mort tout aussi insupportable de son père : “Mohammed n’était pas un membre d’Al-Qaïda. C’était un enfant.”

A la mort de notre père, al-Qaida est venu pour nous offrir un soutien. Mais nous ne sommes pas avec eux. Maintenant, je veux saisir les tribunaux pour dénoncer ces crimes et démontrer l’innocence des miens. Les anciens ne cessent de nous dire que c’est criminel de tuer les civils sans distinction sur la base d’un simple soupçon”, a condamné avec la force du désespoir ce fils et ce frère brisé par des drones télécommandés par l’impérialisme américain, et semeurs de grands malheurs auprès des plus vulnérables et des déshérités, ces damnés de la terre abattus comme des mouches.

A leurs yeux, nous ne méritons pas de vivre comme les autres gens dans le reste du monde, nous ne méritons aucune compassion, c’est tout juste si nous sommes considérés comme des êtres humains capables d’éprouver des sentiments“, s’indigne Mohammed Maqded, dont le profond accablement a laissé place à une détermination inébranlable à porter plainte contre les Etats-Unis.

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Nous vivons dans l’injustice et nous voulons que les Etats-Unis soient reconnus coupables de ces crimes contre mon père et mes frères. Ils étaient tous innocents, nous sommes dans le camp des faibles, des pauvres, des opprimés, et nous n’avons rien à voir avec ce dont on nous accuse”, renchérissant :  “Ne nous blâmez pas si nous sympathisons avec al-Qaida, car ils ont été les seuls à faire preuve d’humanité envers nous. Le gouvernement nous a ignorés, les États-Unis nous ont ignorés et aucun dédommagement, de quelque ordre que ce se soit, ne nous a été accordé. Nous irons devant les tribunaux pour prouver que les accusations qui ont tué les miens sont fausses”.

Quelques semaines avant sa disparition, le jeune Mohammed Saleh Tauiman aura connu un court moment de bonheur dans sa vie jalonnée de terribles drames, grâce à la caméra qui lui a été remise par le Guardian pour filmer sa famille, et humaniser ceux que la démocratie américaine déshumanise sans distinction, sans merci et sans laisser de traces…

Voici le témoignage posthume laissé par un enfant qui était loin d’avoir des étoiles dans les yeux en contemplant un ciel où les drones s’amoncelaient tels des nuages noirs et funestes au-dessus de sa tête.

Par la Rédaction.

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