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Après l’extrême droite, Claude Guéant drague les électeurs juifs et musulmans

Racolage sur la voie publique. En charge des cultes, Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, adopte désormais un discours plus positif à propos de l’islam. L’objectif : un siège de député lors des prochaines élections législatives. Décryptage.

« Il faut faire en sorte que les choses se passent au mieux pour l’immense majorité des musulmans qui respectent les règles républicaines et adoptent nos valeurs, qui ont besoin de lieux de culte et d’une compréhension de la société » : telle est la résolution exprimée par Claude Guéant pour l’année 2012. Une déclaration apaisante, aux antipodes de ses propos antérieurs  : « C’est vrai que l’accroissement du nombre des fidèles de cette religion, un certain nombre de comportements, posent problème », avait-il affirmé l’an dernier. Et d’ajouter également, dans le même esprit : « Les Français à force d’immigration incontrôlée ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux », « de voir des pratiques qui s’imposent à eux et qui ne correspondent pas aux règles de notre vie sociale ».

Une telle rhétorique lui avait d’ailleurs valu les félicitations ironiques de Marine Le Pen, présidente du Front national, ainsi que l’octroi d’une carte d’adhérent pour rejoindre le parti de la dirigeante frontiste.

A la droite de Sarkozy

La surenchère continua. Lors d’une interview accordée le 4 avril dernier, Claude Guéant déclara qu’ « il n’y a aucune raison pour que la République accorde à une religion particulière plus de droits qu’elle n’en a accordés en 1905 à des religions qui étaient anciennement ancrées dans le pays ».

https://www.youtube.com/watch?v=H3cfAAQtrL8

Au-delà de la contre-vérité scientifique, faisant de l’islam une religion absente de l’histoire de France, le ministre de l’Intérieur semble ici s’appuyer sur le principe de neutralité de l’Etat, corollaire de la laïcité, pour justifier une posture intransigeante envers les musulmans. Or, deux mois après cette déclaration, Claude Guéant annonça une décision contraire à ce principe. Lors du dîner organisé le 30 juin par l’antenne provençale du CRIF, le ministre fit la joie des représentants de la communauté juive en promettant l’absence, dorénavant, de tout concours officiel lors des fêtes de Pessah.

Curieusement, l’homme si prompt à défendre l’identité nationale n’a pas rechigné à tenir son discours devant un pupitre encadré de deux drapeaux israéliens. Souvent reprochée par des intellectuels juifs, cette confusion des genres -récurrente au CRIF- entre judaïsme et sionisme a été alors entérinée par le ministre de l’Intérieur.

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Et si l’estrade sur laquelle se tient Claude Guéant arbore également, plus loin, le drapeau français, son propos se révèle particulièrement déférent envers une communauté religieuse plutôt qu’une autre. Un autre extrait de son discours intégral illustre cette singulière préférence au caractère discriminatoire : « Nous partageons le même idéal républicain, les mêmes valeurs. Nous défendons la même idée de la France, d’une France fidèle à elle-même et à ses promesses. La France, disait Michelet, n’est pas qu’un pays, c’est une idée : une certaine idée de la liberté, de l’égalité et de la fraternité humaine à laquelle nous sommes attachés. La France ne saurait oublier « qui elle est » sans se trahir, sans vous trahir. »

Le 15 novembre, Claude Guéant était également l’un des trois invités d’honneur à la célébration des 30 ans de Radio J, première antenne radiophonique juive de France. En compagnie de Georges Loinger, doyen de la Résistance juive, et de Rafael Eitan, ex-agent du Mossad, le ministre de l’Intérieur a, une nouvelle fois, adressé, « au nom du gouvernement, tout le respect, toute l’estime et toute la reconnaissance de notre pays envers les Juifs de France qui ont tant œuvré pour lui et qui ont consolidé les valeurs de notre République. C’est parce que l’histoire de la communauté Juive de France se confond avec l’histoire de notre pays que le dialogue entre les pouvoirs publics et le judaïsme français est permanent ».

A l’approche des scrutins présidentiels et législatifs, l’UMP tente de reconquérir l’électorat. Contrairement aux démocraties anglo-saxonnes, la France peine à débattre sereinement de l’existence d’un vote influencé par l’identité religieuse. En 2007, à la veille de la dernière échéance électorale majeure, seules des personnalités communautaristes osaient publiquement aborder ce sujet délicat : ce fut le cas notamment du journaliste Ivan Levai et de l’ex-président du CRIF Roger Cukierman à propos du vote juif. Désireux de s’emparer d’une circonscription à Boulogne-Billancourt, Claude Guéant tente désormais d’amadouer les citoyens musulmans dont le poids électoral est devenu incontournable.

L’ombre du Sofitel

Après les sympathisants du Front national et les juifs identitaires, le pari sera probablement plus délicat. La majorité présidentielle ne peut même plus se targuer de « l’ouverture à la diversité » qui a fait, un moment, son succès en 2006/2007 auprès de certains électeurs d’origine immigrée. Quant à Claude Guéant, son charisme personnel est encore loin d’égaler celui de son mentor, Nicolas Sarkozy. A la différence du président de la République, le ministre de l’Intérieur manque de bagout et ne sait pas dissimuler son embarras quand une question plus impertinente qu’il n’y paraît lui est posée. Pour preuve, cet extrait d’une interview accordée à Europe 1 en juin dernier : interrogé sur la gestion de l’affaire DSK dans ses premières heures, Claude Guéant s’est littéralement métamorphosé, passant d’un visage avenant à une expression beaucoup plus sombre.

Oumma reviendra sur les tenants et aboutissants d’un sujet discrètement contourné, hormis Libération , par les médias de masse : l’étrange attitude de l’Elysée dans les 24 heures ayant suivi l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn. Sur ce point, Claude Guéant, des membres du groupe ACCOR et d’autres haut-fonctionnaires gouvernementaux ont manifesté nervosité, contradictions et omissions. Avec de nouveaux éléments d’information ainsi que des recoupements troublants, Oumma aura l’occasion d’y revenir en détail dans les prochains jours.

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