Le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) a vivement réagi à des propos controversés tenus par l’intellectuel Pierre Manent, le 5 décembre 2024, sur Figaro TV, où il a affirmé qu’il fallait limiter la croissance démographique des musulmans en Europe pour éviter des “drames”. Le CFCM qualifie ces déclarations de discriminatoires, racistes et contraires aux principes républicains.
Dans son communiqué que nous vous invitons à lire ci-dessous, le CFCM rappelle que les musulmans, comme tout citoyen, sont des membres à part entière de la nation, protégés par l’état de droit. Le Conseil met en garde contre les dangers d’une telle rhétorique, comparée à celle d’antisémites comme Édouard Drumont, qui ont alimenté des tragédies historiques.
Le CFCM a également annoncé son intention de saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Cette démarche vise à dénoncer l’absence de modération et de contradiction sur les plateaux télévisés, devenus, selon le CFCM, des tribunes pour des discours de haine et de stigmatisation.
Le CFCM appelle à une réaction ferme de la part des autorités pour garantir que la République reste fidèle à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité pour tous.
Communiqué du CFCM
« Un “philosophe” français parle du “nombre de musulmans” comme on parlait jadis de réduire le nombre de juifs : le CFCM saisit l’ARCOM.
« La pression est telle qu’il faut prendre des décisions concernant le nombre de musulmans en Europe. Il ne peut pas croître au rythme actuel sinon nous irons au-devant de drames qu’aucune version de la laïcité ne permettra de maîtriser. »
Cette déclaration, prononcée par Pierre Manent le jeudi 5 décembre 2024 sur Figaro TV dans le cadre d’une émission consacrée à la laïcité, est profondément choquante. Derrière son apparence prétendument factuelle se cache un discours explicitement discriminatoire, raciste et porteur d’une dangereuse rhétorique.
Les musulmans ne sont pas des « nuisibles » dont il faudrait contrôler la supposée prolifération. Aucun groupe humain ne doit être considéré comme une variable à ajuster au sein de la Nation. En démocratie, les musulmans, comme tout autre citoyen, sont des personnes à part entière, protégés par l’état de droit et libres de leurs croyances et convictions.
Comment, dans le pays des Droits de l’Homme, peut-on, en toute impunité, appeler à réduire le nombre d’une composante qui fait partie intégrante de la nation ? Comment a-t-on pu oublier les leçons de l’histoire récente et les conséquences tragiques qu’ont engendré de tels discours ?
Il n’y a pas si longtemps, Édouard Drumont et Maurice Barrès tenaient des propos similaires à l’encontre des juifs, évoquant une prétendue « mise à la glèbe de la nation » ou accusant l’immigration juive de « modifier la substance même du peuple français ». Ces discours, loin d’être anecdotiques, ont conduit à des abîmes que l’on devrait s’engager à ne jamais revivre.
L’extrémisme n’est pas qu’un mot : le terroriste responsable de la mort de 51 fidèles musulmans dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, s’est directement inspiré de la théorie du « grand remplacement », popularisée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus. Ces tragédies montrent à quel point les mots peuvent tuer.
Aujourd’hui, des plateaux de télévision censés être des espaces de débat éclairé se transforment trop souvent en tribunes où certains « intellectuels » débitent, sans contradiction sérieuse, des discours de haine. Ce qui devrait être un lieu de réflexion devient alors un théâtre de propagande complotiste, de stigmatisation et de banalisation du racisme.
Associer le mot « drame » à l’ensemble des musulmans révèle une vérité bien plus sombre. Derrière le prétexte de critiquer une religion, ce sont les individus qui en sont les fidèles qui se trouvent directement visés. Cette stratégie de dissimulation ne trompe personne : c’est bien la personne, et non la foi, qui est stigmatisée.
Le véritable drame, c’est qu’une certaine classe d’intellectuels dépasse systématiquement les limites de la morale et de la raison lorsqu’il s’agit d’islam et de musulmans. Il est urgent que ces dérapages soient dénoncés et sanctionnés, afin que la République reste fidèle à ses principes de liberté, d’égalité et de fraternité pour tous.
Conseil Français du Culte Musulman
Paris, le 9 décembre 2024
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