La France de « Charlie », à l’hypocrisie aussi criante que le sont ses contradictions, n’aime rien moins que la liberté d’expression qui ose faire des infidélités à l’ultra-consensuel slogan « Je suis Charlie » pour lui préférer la formule marquée au fer rouge de la subversion : « Je ne suis pas Charlie, Je suis Ahmed »… Ah, mauvaise foi voltairienne, quand tu nous tiens !
Cette pantalonnade des hautes sphères, plus pitoyable que burlesque, a joué un très mauvais tour au basketteur nigérian de Rouen, Akin Akingbala, qui, croyant que la liberté de tout dire était véritablement sacralisée au pays des Lumières, au même titre que l’excès de caricatures, s’est laissé aller à partager sur son compte Twitter un message à la mémoire du policier Ahmed Merabet achevé froidement d'une balle dans la tête par les frères Kaouchi, alors qu’il gisait, blessé, sur le trottoir.
"Je ne suis pas Charlie, je suis Ahmed, le policier mort. Charlie a ridiculisé ma foi et je suis mort en défendant son droit de le faire", telle est la teneur du commentaire en anglais posté le 9 janvier par Dyab Abou Jahjah, un activiste belge fondateur de la Ligue arabe européenne, qui a résonné profondément chez le chrétien qu’est Akin Akingbala, ce géant de la fine fleur du basket français, au point de le publier sans craindre de s’attirer les foudres des bien-pensants, ni de leur tyrannie intellectuelle.
A sa grande stupeur, le coup de poignard dans le dos lui a été asséné par la direction de son club qui s’est emparée de ce « retweet », ayant manifestement pris trop de libertés avec la liberté de ne se prosterner que devant « Charlie », pour le licencier pour faute grave. "Le club estime qu'il a porté atteinte à son image en partageant ce tweet", déplore son avocat, Romuald Palao, qui a porté l'affaire devant le conseil des prud'hommes de Rouen, en insistant sur le fait qu’il s’agirait là du « prétexte » rêvé attendu désespérément par le club pour se séparer définitivement de son joueur.
"Ce message n'a rien d'infamant. Akin Akingbala est chrétien. Dans son esprit, cela n'avait rien à voir avec la religion. C'était une manière de dire qu'il fallait aussi parler des policiers et pas seulement de Charlie Hebdo",a renchéri Me Palao.
L’annonce de ce limogeage rondement mené est tombée mercredi 25 février, envoyant valser un basketteur jugé séditieux avec un empressement qui ne s'est guère embarrassé de considérations éthiques, et avec lui une liberté d’expression dont la duplicité est le plus sournois et pernicieux des bâillons…
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