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Voyous de l’Egypte d’en haut : quand la haine incite à tuer

Ils ont eu un rôle déterminant dans ce qui est arrivé en Egypte. Ils ont contribué, de près ou de loin, à attiser la haine contre la démocratie naissante pour une seule raison : les urnes ont amené au pouvoir un président « islamiste », ce qui ne pouvait passer comme une lettre à la poste.

Ils sont des journalistes, des artistes, des hommes d’affaires et ils vouent aux islamistes, pour ne pas dire parfois à l’Islam, une haine viscérale. Ils ont participé à toutes les actions hostiles, avant que le président Morsi n’ait entamé ses premiers pas dans l’exercice périlleux dont il a été chargé.

Amr Adeeb, dans son émission sur une chaîne privée, déclarait, l’air grave : "Je suis étonné que des questions difficiles aient en fait des réponses très faciles. Al Sissi a demandé au peuple de lui accorder une procuration pour écraser le terrorisme, et moi, au sujet de la dispersion du rassemblement, je n’ai jamais rencontré la condition (en évitant l’effusion du sang), il sait donc quoi faire, qu’il le fasse !".

Mahmoud Saad, très élogieux à l’endroit de Moubarak jusqu’à la dernière minute, lui crachait dessus à peine la révolution finie, tout en prêtant allégeance aux nouvelles autorités. Mais dès que la machine anti-Morsi s’est emballée, celui-ci s’est engagé dans le dénigrement systématique. On ne peut demander à une telle girouette d’avoir des principes !

Hal Sarhan, quant à elle, fondait en larmes à la vue des hypothétiques « 30 millions » de manifestants du 3o juin appelant à faire tomber Morsi. C’est aussi le cas de Khayir Ramadan, d’Ibrahim Aissa…

  

Amr Adeeb

Mahmoud Saad

Des chaînes de télé ont poussé comme des champignons, grâce à des investissements massifs et des propriétaires qui en possèdent chacun une poignée, à l'instar de Sayyed El Badaoui, président du parti Wafd et patron du groupe Al Hayat, qui a acquis pas moins de six chaînes à lui seul. Toutes ces chaînes ont un point commun : dénigrer les islamistes et railler le président Morsi. Aucun débat contradictoire n’y est bien sûr organisé, au profit de la mise à l’antenne d’un seul orateur qui manie bien le verbe et débite un flot de contre-vérités, ainsi que des informations invérifiables.

L’un des patrons de ces chaînes, le milliardaire Ngueb Sawiris, fondateur du parti politique « Les Egyptiens libres », qui a été décoré par notre président Chirac en 2007, puis par le président Sarkozy en 2012, s’était fixé comme objectif d’attaquer les islamistes, et de « diminuer le nombre de (voiles) dans la rue égyptienne » ! Là n’est pas le problème, mais dans un pays où il n’y a pas de régulation des médias digne de ce nom, l’on peut comprendre la mainmise que cette opinion à sens unique exerce sur une population où sévit un analphabétisme important, et ce malgré la présence de l’une des intelligentsia les plus raffinées du monde arabe. L’on peut aussi comprendre qu’une fois le coup d’Etat accompli, les chaînes où se manifeste un quelconque soutien au président Morsi soient fermées sans délai (bien que ces chaînes n’aient pas toujours été d’un professionnalisme enviable), et les journalistes étrangers molestés.

C’est dans ces chaînes, que d’aucuns qualifient en Egypte de « chaînes de blanchiment d’argent », qu’un certain Bassem Youssef, présenté comme le chantre de la liberté d’expression en Occident, a acquis une large notoriété, alors qu’il n’a fait que copier le show de l’américain Jonathan Stewart, à la vanne et mimiques près, jusqu’à en imiter les poses sur les photos dans les magazines. Il s’est même laissé pousser la barbe, juste après que Stewart l’ait fait ! Bassem a toujours eu la dent dure contre Morsi tout au long de son mandat écourté, se permettant de proférer des insultes qu’aucun président n’accepterait même dans les pays où la satire est reine, comme la France.

Dans la cyber-presse, Alaa Al Aswani, romancier de renom, avait abordé l’ère Morsi de manière équilibrée et convenable, en adoptant la critique fondée, se refusant au dénigrement systématique, dans le respect de la règle du jeu démocratique. Sauf que, voyant le vent tourner, les vieux démons de l’ancien régime l’ont repris et il a rejoint le concert assourdissant de ceux qui minimisaient « le verdict des urnes ». Dans un papier de « Al Masry Al Yaoum », ce romancier francophone écrivait en faisant parler les animaux révoltés du zoo qui se trouve à proximité du lieu de rassemblement des anti-putsch à Rabe’aa : « Cheikh, nous devons faire quelque chose pour arrêter ces criminels, n’est-il pas du devoir du gouvernement de protéger le peuple égyptien ?

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Le cheikh des singes répondit avec prudence : « il est clair que le général Al-Sissi et les membres du gouvernement de transition, hésitent à disperser le rassemblement de peur que des victimes tombent »……..

……..un signe demande : Que se passera t-il si des milliers de soldats attaquent le rassemblement, alors qu’ils ne sont armés que des canons à eau. Ils disperseront ainsi le rassemblement sans tuer personne. Le cheikh des singes rétorqua : Noublie pas que ce rassemblement est armé, et nous avons vu de nos yeux les armes redoutables que portaient les manifestants, et dès que les soldats interviendront, ils les utiliseront… ». Ainsi, sur le ton de la fable, une version invérifiable et largement contestée de l'histoire en marche est véhiculée, pleine de certitudes…

            

Bassem Youssef aux côtés de son modèle am&e
acute;ricain, l'animateur vedette J. Stewart

        

Al Aswany

La télévision d'Etat, quant à elle, nous livre un spectacle hallucinant de mauvaise foi et de mensonges systématiques. J’ai même entendu un intervenant, assez âgé, asséner avec aplomb que Morsi est un "espion à la solde des USA"! La chaîne AZHARI, du nom de la célèbre université, prend une grande part à cette hallucinante chasse aux sorcières…

Le président Morsi a sûrement commis des erreurs et son parti politique, qui n’a pas su clarifier des frontières nettes avec le groupe des Frères musulmans dont il est issu, n’est pas exempt de toute faute non plus. Le premier président élu de l’Egypte post-révolution n’a pas eu de répit, ce qui est incontestablement la règle du jeu, mais ce qui l’est moins, c’est qu’il n’a pas eu les coudées franches pour gouverner.

L’appareil de l’Etat, l’Armée, la Justice sont restés aux mains des enracinés du régime déchu. Les médias à la botte d’un système corrompu et les artistes, dont la survie dépend pour beaucoup d’une industrie longtemps nourrie aux biberons de la corruption de l’ère Moubarak, ne pouvaient laisser cette démocratie embryonnaire arriver au stade de fœtus. Il fallait la faire avorter et pour ce faire, il fallait préparer l’opinion, quitte à piétiner toute déontologie et à laisser les rênes aux plus corrompus, aux plus obscènes et aux plus abjects du paysage médiatique et culturel de l’Egypte.

Les causes sont multiples, celles-ci en sont quelques unes, mais il est certain qu’il faut être aveuglé par la haine pour justifier le massacre qui a dispersé une manifestation et stoppé une transition démocratique dans un bain de sang.

Le scénario se répète : la démocratie est un processus que les payeurs approuvent, ce que les Etats- Unis ont fait au tout début, mais il y a toutefois une limite. Cette démocratie doit mettre au pouvoir un régime sous tutorat. L’exemple palestinien n’est pas loin. L’argent des lobbies sionistes est déterminant dans la vie politique américaine, Israël pèse de tout son poids. Tant que ces influences persisteront, la révolution égyptienne ne  reprendra pas son cours.

Quelle liberté a-t-on si l’armée de son pays dépend des dons des USA ? L’échec, espérons-le passager, de l’expérience égyptienne prouve que les révolutions ne peuvent pas se mettre debout, tandis que les corrompus ont encore les mains libres et que le déclin moral est criant.

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